Le 19 avril 2018 restera dans l’Histoire du Sénégal une date historique. Précisément, à cette date, la majorité au Parlement a adopté la loi sur le parrainage des candidatures. Ont voté en faveur de ladite loi 119 députés de Benno Bokk Yakkar, la mouvance présidentielle.
Je ne veux point être prolixe, mais j’estime qu’il est nécessaire d’insister sur quelques détails non moins importants. En effet, le projet de loi initial imposait à chaque candidat à la présidentielle de recueillir le parrainage d’1% du corps électoral, soit 65 000 signatures réparties dans au moins 7 régions (sur les 14 que compte le pays). Le seuil de 0,8% a finalement été retenu après amendement. Désormais, chaque candidat a besoin de 52 000 signatures pour se présenter à la présidentielle.
La nouvelle, annoncée dans la presse sénégalaise depuis mars 2018, a suscité un tollé dans le pays. Dans la classe politique, le parti au pouvoir et l’opposition n’ont cessé, ces dernières semaines, de se regarder en chien de faïence en se livrant une véritable guerre dialectique qui a fini en foire d’empoigne au Parlement. La divergence d’opinions à ce sujet a pratiquement failli mettre le pays à feu et à sang.
Ce 19 avril, des opposants au gouvernement Sall ont arpenté les rues de la capitale pour dénoncer un projet de loi extrêmement controversé annoncé par l’Exécutif dans un contexte politico-social assez tendu. En effet, la colère du Sénégalais lambda contre un tel projet peut se comprendre compte tenu de l’impopularité grandissante d’un président qui, il faut bien le reconnaître, ne dirige plus grand-chose.
Toutefois, en analysant de près cette proposition (loi sur le parrainage) du gouvernement sénégalais, j’en suis arrivé à la conclusion qu’elle est d’une importance primordiale pour la survie de notre démocratie. Je me réjouis certes de la prolifération des partis politiques au Sénégal (estimés à quelque 300), preuve de démocratie et de liberté d’expression.
Mais, ne pensez-vous pas que cette prolifération de formations politiques affaiblit considérablement notre démocratie ? Permettre à ce que tout citoyen puisse créer son parti politique est une idée que je salue. Mais, ce faisant, nous devons également admettre que nous mettons en mal notre système politique en tournant en dérision celui-ci ?
On reconnaît une démocratie par son système politique solide qui favorise et garantie la mise en place de partis politiques ayant une vision et des arguments probants. Ce qui, je suis désolé de le dire, n’est plus le cas du Sénégal où certains voient dans la création de formations politiques une opportunité d’ascension sociale.
Pour mieux défendre l’idée d’instaurer le système de parrainage, permettez-moi de citer l’exemple de la France. Le 23 mai 2017, le nombre de partis politiques en France était estimé à 451. 16 fois plus qu’en 1990. Pour faciliter la tenue d’élections dans ce pays et éviter la prolifération de partis politiques « farfelus », un système de parrainage a pourtant bien été mis en place.
Je ne dirai pas que la France est un véritable modèle de démocratie dans le monde. Mais, une chose est sûre : ce système de parrainage n’a pas fait des remous. Aujourd’hui, en France, pour se présenter à la présidentielle, chaque candidat doit obligatoirement obtenir 500 signatures provenant d’au moins 30 départements. Précision : les élus d’un département ne doivent pas dépasser 10% des parrainages. Au final, seuls 11 candidats sont retenus (dans un pays où existent 451 partis politiques).
Détail très important : les candidats ayant obtenu les 500 parrainages sont tenus de fournir à la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) une déclaration de patrimoine. En éliminant des centaines de candidats à la présidentielle, l’idée n’est point de porter un coup de massue à la démocratie, ni à la liberté d’expression, mais plutôt d’assainir l’espace politique. Ce que bon nombre de Sénégalais semblent n’avoir pas compris.
Cependant, à l’instar de mes compatriotes qui se sont levés pour manifester leur grosse colère ce 19 avril, j’ai également trouvé louche que le gouvernement de Macky Sall attende une année avant la présidentielle pour nous imposer un système de parrainage qui serait certes interprété par une partie du peuple comme une volonté d’éliminer discrètement des potentiels concurrents.
Macky Sall n’aurait-il pas fait preuve de grandeur en attendant la fin de la présidentielle (et en cas de victoire) pour s’occuper de la question du parrainage qui, à mon avis, n’est pas une urgence ? Dans un contexte politique très houleux, marqué par le procès très politique de Khalifa Sall, condamné à 5 ans d’emprisonnement, il est certes évident qu’il y a anguille sous roche.
Maintenant, il faut en tirer une leçon. Suite à l’adoption de la loi sur le parrainage sans concertation, les Sénégalais ont l’obligation de réagir de manière totalement pacifique et démocratique : retirer leurs cartes d’électeurs, prendre d’assaut les bureaux de vote et mettre fin à une dictature molle qui est en train de prendre forme sérieusement dans notre pays.
Edito signé : Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com
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