Si l’Etat ivoirien ne surveille pas de près les fans de DJ Arafat (de son vrai nom Didier Ange), il risque d’exposer toute la population ivoirienne en danger. En effet, depuis la mort du chanteur ivoirien DJ Arafat survenue ce 12 août dans un accident de moto, les rumeurs les plus folles circulent sur la toile. Chez les chinois (terme qui désigne ses fans invétérés), il leur faut des preuves tangibles pour croire à la disparition d’une icône qui a incontestablement marqué la musique ivoirienne ces dernières années.
Ces fameux chinois font désormais trembler tout le pays. Tels des abeilles dans une ruche, ils se sont accaparé des réseaux sociaux menaçant les rivaux d’Arafat, défiant l’Etat et exigeant de la famille éplorée qu’elle leur montre les restes de leur idole. Leurs agissements ces derniers jours sont devenus une véritable source préoccupation. Si j’étais le président de la Côte d’Ivoire, je ne dormirais pas sur mes deux oreilles.
Les fameux chinois sont allés trop loin. En effet, à la suite de l’enterrement d’Arafat ce 31 août, l’impensable s’est produit. Ces fans inconditionnels, devenus inconsolables depuis la disparition de leur icône et exigeant par tous les moyens des preuves qu’Arafat est bien mort, se sont rués en masse dans le cimetière pour déterrer le cercueil du défunt.
Dans une vidéo qui circule encore sur la toile, les images sont terrifiantes. Après l’ouverture du cercueil, on voyait une foule immense, totalement incontrôlable, devant le corps du chanteur. Des centaines de fans se bousculent pour prendre une dernière photo d’une idole qui n’est plus, tandis que d’autres, convaincus que ce fut bien le corps de DJ Arafat, criaient : « c’est Yoro ! » « c’est Yoro ! ».
Les images ont fait le tour du monde et ont suscité une vive indignation, non seulement en Côte d’Ivoire mais aussi à l’international. Si certains pointent du doigt le fiasco total des obsèques nationales organisées par l’Etat, pour d’autres, les chinois sont devenus une véritable menace à la stabilité du pays. Ces fans déchaînés et prêts à tout doivent être neutralisés.
Je suis totalement d’accord que la mort de DJ Arafat, devenue une affaire d’Etat, commence à aller trop loin. Dans un pays récemment sorti d’une guerre civile qui a fait des milliers de morts, l’Etat ne peut minimiser ce genre d’agissements de la part d’une jeunesse inconsciente et facilement manipulable qui pourrait demain servir de chaire à canons à des hommes politiques véreux et ivres de pouvoir.
Au-delà la menace politique, il y a aussi une menace sociale qui doit être prise en compte. En effet, les fans de DJ Arafat, à l’instar de leur idole disparue, sont pour la plupart des jeunes. Des jeunes qui se reconnaissaient à un Didier Ange certes pétri de talent, mais qui n’était pas un ange non plus. Il suffit de faire un petit tour sur les réseaux sociaux pour voir des dizaines de vidéos de DJ Arafat dans lesquelles il tenait des propos insolents, irrespectueux, voire obscènes.
Quand une jeunesse désœuvrée et mal éduquée n’a plus de repères, elle devient facilement manipulable et donc, une bomme à retardement pour la société. Une jeunesse, parce qu’elle est désœuvrée, a toujours besoin d’une idole à qui se reconnaître, peu importe son niveau intellectuel ou son éducation. Quand elle est conquise à une cause, elle est prête à tout. Et l’idéalisation de ses idoles est sa spécialité.
Cela ne devrait pas étonner les gens que les chinois idéalisent DJ Arafat. Les explications sont légion. DJ Arafat était pratiquement de la même génération qu’eux, tenait un discours je-m’en-foutiste auquel ils adhèrent parfaitement, aimait entrer en conflit avec ses rivaux, aimait parler de ses aventures avec les plus belles filles de la Côte d’Ivoire, mais aussi et surtout il leur procurait de la bonne dose, c’est-à-dire une bonne musique qui leur faisait danser.
Tous les condiments étaient donc réunis pour que DJ Arafat, à sa mort à la fleur de l’âge, soit sublimé, idéalisé, voire sanctifié. Dans chaque pays du monde, la jeunesse désœuvrée a toujours son idole parfait (le plus souvent disparu) auquel on ne touche pas. L’Amérique a son TUPAC, le Sénégal a son Ndongo Lô, le Burkina Faso a son Thomas Sankara, la France a son Coluche et la Côte d’Ivoire a son DJ Arafat. Le point commun de ces personnes est : ils sont morts au moment où ils avaient le monde sur les épaules et de leur vivant, ils étaient des idoles parfaits pour des milliers, voire des millions de jeunes.
L’affaire DJ Arafat devient un problème lorsque cette idéalisation va trop loin. DJ Arafat fut un être humain. Et en tant que tel, il n’était pas immortel. Un jour (ce jour est arrivé), il allait rejoindre le rang des morts tel que ce fut le cas pour des milliers de stars (Micheal Jackson, Johnny Halliday ou autres).
Ainsi, la première tâche des autorités ivoiriennes est de ramener ces jeunes à la raison et de leur faire savoir que l’espoir est toujours permis et que des centaines de DJ Arafat sont encore présents en Côte d’Ivoire, pays qui a vu naître les plus grands chanteurs sur le continent.
Ce travail de « désidéalisation » est urgent pour éviter que demain des sectes pro-DJ Arafat se forment en nous promettant de ressusciter la star dans un futur proche. Déjà, quelques pasteurs de très mauvaise foi et en manque de notoriété ont commencé à faire de la mort de l’ex chanteur leur thème favori avec l’unique but de tirer vers eux ces milliers de jeunes chinois inconsolables, désespérés et qui ne savent plus à quel saint se vouer.
Face à la dérive que prend la disparition de DJ Arafat et face à la folie qui s’est emparée des chinois, l’Etat ivoirien a l’obligation de rester sur ses gardes. Pour le moment, il est certes un peu tôt de voir en eux un potentiel danger pour le pays, mais les débordements qui ont émaillé les obsèques et la profanation qui s’en est suivie sont la preuve qu’une bonne partie de ces chinois sont des hors-la-loi qu’il faut surveiller de très près.
Dans un pays où l’environnement politique est assez instable, où les tiraillements et les guerres entre leaders politiques peut à tout moment dégénérer, l’instrumentalisation de quelques milliers de chinois à des fins purement politiques est désormais une véritable menace qui plane sur le pays.
DJ Arafat n’était rien d’autre qu’un être humain, parti dans des circonstances que nous connaissons tous et au moment où personne ne s’y attendait. Mais, il n’était en aucun cas un immortel. Les choses doivent ainsi être comprises par les jeunes ivoiriens qui ne jurent que par lui, la page devrait immédiatement être tournée. Désormais, à Etat de s’occuper de ces jeunes désœuvrés qui doivent, comme Arafat, apporter leur talent à la Côte d’Ivoire.