Edito signé : Cheikh DIENG, journaliste sénégalais basé en France
Quand les choses vont mal, quand votre pays se dirige tout droit vers une dictature, dénoncer devient une obligation. Au Sénégal, la surprise a été très grande ce vendredi après la révocation de Khalifa Sall, l’ennemi politique numéro 1 de Macky Sall, actuel président du Sénégal.
En effet, ce vendredi, les réactions ont été légion après l’annonce d’une décision périlleuse, hasardeuse et lourde de conséquences. A l’instar de nombreux analystes politiques, j’ai encore du mal à comprendre la pertinence d’une telle décision très politique par laquelle le président Sall offre à l’opposition sénégalaise du grain à moudre.
Mais, bref ! En politique, tout peut arriver et tous les moyens sont bons dans une dictature pour éliminer physiquement ou politiquement un rival encombrant. Dans cette analyse, je tenterai de faire une lecture très humble de la décision politique prise ce samedi par Macky Sall pour révoquer Khalifa Sall de la Mairie de Dakar.
Première lecture : dans le décret n° 2017-1583 publié ce samedi 31 août et signé par Macky Sall et Mahammad Boun Abdallah Dione, son premier ministre, l’Exécutif cite les articles 135 et 140 du Code Général des Collectivités Territoriales qui prévoient, en cas de condamnation, la révocation des maires et adjoints par décret motivé.
Ce qui cloche dans cette histoire est que l’Exécutif se base sur un rapport fourni par le Ministère de la Gouvernance Territoriale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire pour révoquer Khalifa Sall. A mon avis, cette décision est totalement arbitraire étant donné que ce même ministère n’est pas un organe indépendant, mais plutôt un organe entièrement sous le contrôle de l’Etat. Macky Sall a certainement oublié l’adage qui dit : « on ne peut pas à la fois être juge et partie ».
Deuxième lecture : comment Macky Sall peut-il révoquer un maire, en l’occurrence un opposant qui dérange sachant qu’une procédure judiciaire est toujours en cours et que la justice n’a pas encore dit son dernier mot ? A mon avis, il serait préférable et moins téméraire, surtout dans un contexte politique extrêmement tendu, d’attendre que Khalifa soit définitivement condamné pour l’éjecter de son sens. En prenant une telle décision, Macky Sall assène un coup dur à la justice sénégalaise et renforce ainsi la thèse de ses détracteurs selon laquelle cette justice n’est pas indépendante.
Troisième lecture : ce samedi 31 août, Macky Sall a dévoilé au grand jour son manque d’expérience politique. Comment prendre une telle décision à quelques mois de la présidentielle ? La décision d’hier aura des conséquences désastreuses pour le président sénégalais : elle renforcera le capital sympathie dont bénéficie Khalifa qui est désormais perçu comme une victime et pourrait, à long terme, susciter l’immense colère des Sénégalais qui seront de plus en plus nombreux à désavouer un président, désormais perçu comme un apprenti-dictateur.
Ce qui s’est produit ce 31 août nous a clairement fait savoir que nous sommes face un procès politique dont l’unique objectif recherché est d’embastiller, voire neutraliser un rival devenu très gênant. Aux Sénégalais d’en tirer toutes les conséquences et éviter à tout prix que notre justice soit manipulée. A ce rythme, nous nous dirigeons tout droit vers une dictature.
Edito signé : Cheikh Tidiane DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com basé à Paris
Email : cheikhdieng05@gmail.com