La colère du peuple s’est déclenchée. Au mauvais moment et de la pire des manières. Au Sénégal, une population privée de ses libertés individuelles au nom de l’Etat d’urgence prolongé jusqu’à la fin du mois de juin par le gouvernement, a choisi de défier le pouvoir à ses risques et périls.
Dans un pays du tiers-monde où une grande partie de la population est contrainte d’exercer des petits boulots pour survire, il est évident que restreindre les libertés individuelles (et surtout libertés de déplacement) ne peut en aucun cas constituer une réponse logique et cohérente pour faire face à la pandémie à coronavirus.
Comme cela s’est passé il y a un mois aux Etats-Unis où des individus lourdement armés avaient défié les gouverneurs de leurs Etats exigeant la fin du confinement ou encore en Espagne où à la mi-avril, des centaines de personnes ont ouvertement violé les règles de l’Etat d’alerte mises en place le gouvernement de Pedro Sanchez pour réclamer la restitution de leurs libertés individuelles, des villes sénégalaises sont, elles aussi, en train de défier l’Etat en place réclamant la fin sans délai de l’Etat d’urgence pour que des milliers de Goorgorlous (sénégalais aux revenus moyens) ne soient pas emportés par la famine.
Ces soulèvements, notés ces dernières heures dans plusieurs villes du pays telles que Touba, Mbacké, Tamba ou ailleurs, étaient à prévoir d’autant plus que l’Etat a fait preuve d’une incurie manifeste dans sa gestion de la crise en se livrant à des tâtonnements qui ont fini par exaspérer plus d’un.
Et j’explique. Le 11 mai, Macky Sall avait littéralement démissionné dans sa guerre contre le coronavirus en annonçant, conte toute attente, la fin d’une série de mesures pourtant jugées nécessaires pour juguler la propagation du virus. Parmi elles, l’ouverture des lieux de culte qui avait divisé la classe religieuse. Et ce n’est pas tout. Il y a deux jours, il a fini par faire volte-face après s’être pourtant entêté à vouloir à tout prix ré-ouvrir les écoles pour les élèves en classe d’examen.
L’Etat, dans sa gestion de la pandémie, a été volage et n’a pas su rassurer une grande partie de la population qui a le sentiment qu’au plus haut sommet de l’Etat, c’est le tâtonnement à n’en plus finir. Cette incompétence dont ont fait preuve les autorités sénégalaises a, sans nul doute, précipité les événements inopinés auxquels nous assistons depuis hier.
La réalité est que l’Etat d’urgence prive les Sénégalais de liberté de mouvement et les empêche ainsi d’exercer pleinement des activités qui leur permettaient d’assurer le quotidien. Au bout d’un mois, il a complètement ruiné bon nombre d’entre eux qui doivent désormais compter sur des aides de l’Etat pour tenir le coup. Dans un pays pauvre, restreindre les libertés de mouvement ne pouvait être qu’éphémère et n’avait pas vocation à être prolongée dans le temps.
Pourtant, c’est l’erreur fatale commise par Macky Sall. En prolongeant l’Etat d’urgence, des millions de Sénégalais sont plongés dans le marasme et la précarité. Et défier l’Etat semblait être la seule option. Tout comme les Etats-Unis, il ne leur restait que la révolte pour pouvoir reprendre leur vie et leur dignité. Aussi imprudente soit-elle, elle se justifie totalement.
Nous n’en sommes qu’au tout début d’une révolte sociale qui risque de se propager comme un feu de brousse. Le gouvernement a désormais deux choix à faire : y mettre fin le plus vite possible ou faire face au risque de perdre éventuellement le pouvoir. Car, il faut le dire, ces révoltes, dans un pays en colère où les deniers publics ont été dilapidés et où les ressources naturelles sont pillées, peuvent ouvrir la porte à tout.