Macky Sall est en train de faire tomber la poutre qui soutient la démocratie sénégalaise. Je viens d’apprendre, comme beaucoup, que l’activiste Kémi Séba sera finalement expulsé du Sénégal. Son tort : avoir dénoncé le FCFA en brûlant, publiquement, un billet de 5 000 FCFA en plein cœur de Dakar.
J’ai été l’une des premières personnes à avoir dénoncé l’acte de brûler un billet de banque, quelle que soit la monnaie. Et je reste campé sur ma position tout en respectant la position de celles et ceux qui y sont favorables. Toutefois, j’avais également souligné que le combat du panafricaniste Séba était tout à fait légitime et qu’il méritait le soutien de tous les Africains.
En effet, au 21ème siècle, l’Afrique doit se libérer du carcan occidental si elle veut devenir pleinement souveraine. Les pays africains anglophones se sont presque tous affranchis du joug de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis (pour le cas du Liberia). Ils ont bien compris que tant qu’un Etat n’a pas le monopole de sa monnaie dont elle peut contrôler les fluctuations et tout ce qui va avec, impossible de parler de souveraineté.
Si je ne me trompe pas, le combat de Kémi Séba a été d’éveiller les consciences. Et le fait qu’il puisse le faire dans son propre continent a été le plus beau cadeau qu’on puisse lui offrir, lui qui a été persécuté par la justice française. J’ai personnellement du mal à comprendre une telle décision qui arrive au moment où tout le peuple sénégalais accuse le président Sall et son gouvernement de vouloir instaurer une dictature.
D’ailleurs, dans la classe politique sénégalaise et sur les réseaux sociaux, le terme « gouvernement » du Sénégal a été inconsciemment remplacé par « régime ». A ce que je sache, il y a pourtant une nuance entre les deux (termes). Mais, je n’ai vraiment pas besoin d’entrer dans les détails.
En décidant d’expulser Kémi Séba hors du Sénégal et hors de son continent (Kémi est d’origine béninoise), Macky Sall vient d’assener un grand coup à la liberté d’expression. Mais au-delà, il tue tout espoir de la jeunesse africaine panafricaniste de se lever pour défendre leurs droits d’émancipation vis-à-vis d’une France dont ils ont toujours fustigé le comportement arrogant envers le continent noir.
Quel que soit le motif ayant servi de prétexte à l’expulsion de Kémi Séba, l’activiste n’aurait jamais dû être déporté vers la France. Ce qui vient de se produire est un coup de massue que le gouvernement sénégalais vient d’assener à tout un continent. Qu’on aime Kémi ou qu’on le déteste, qu’on partage ses idées ou qu’on s’y oppose, force est de reconnaître qu’il ne fait que défendre, à sa manière, son propre peuple.
En ayant ordonné l’expulsion de Kémi qui, à son retour en Afrique, avait choisi comme pays d’accueil le Sénégal, Macky Sall vient d’injurier son propre pays. Kémi Séba aurait pourtant pu se rendre en Côte d’Ivoire (chez Houphouët-Boigny), en Guinée (chez Sékou Touré), en Afrique du Sud (Chez Mandela), au Burkina Faso (chez Thomas Sankara) ou au Ghana (chez Kwame Nkrumah).
Mais, il avait choisi de déposer ses valises au pays de Cheikh Anta Diop, panafricaniste convaincu et invétéré, pour y déverser ses diatribes anti-occidentales avec l’unique objectif de conscientiser toute une génération. L’expulsion de Kémi Séba vers la France est à la fois une grosse et grave erreur suffisante pour corroborer la thèse selon laquelle Macky Sall est agent de la France en Afrique.
Jusqu’ici, j’avais des doutes, mais d’après ce qui vient de se produire, j’ai la ferme conviction que le président Sall pose une sérieuse menace à l’affranchissement de notre continent.
Edito signé : Cheikh Tidiane DIENG
Rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com
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