Permanences vandalisées, députés menacés, suicides de plus en plus nombreux de policiers, dérive policière de plus en plus inquiétante, radars détruits…, il y a deux ans, de nombreux Français venaient d’élire sans enthousiasme un président jeune, très intelligent et doté d’une parfaite compréhension du monde des affaires, cependant personne ne pouvait imaginer que la grogne populaire contre lui aurait atteint un tel niveau.
Depuis Chirac, chaque président qui a dirigé la France a eu son baptême de feu. En effet, en 2006, Chirac a été déstabilisé par le CPE (contrat première embauche) qui avait vu des milliers de jeunes déferler dans les rues de la France contre une loi jugée trop favorable au patronat, Sarkozy a été fortement secoué par la réforme des retraites en 2010 et François Hollande n’oubliera jamais la Loi El-Khomri de 2016.
Chacun de ces chefs d’Etats a été, en un moment donné de son mandat, confronté à une violente colère populaire contre des décisions jugées inacceptables par une bonne partie du peuple. Cependant, mises à part ces quelques contestations qui ont drainé des milliers de citoyens dans les rues de la France, ces chefs d’Etat (Chirac, Sarkozy et Hollande) ont pu gouverner dans une ambiance relativement calme.
Avec Macron, c’est tout le contraire. Les manifestations sont devenues une banalité sous son mandat. Depuis son élection à la tête de la France le 7 mai 2017, les Français n’ont cessé de se mobiliser contre des mesures politiques très impopulaires. En seulement deux ans, les rues ont été plusieurs fois prises d’assaut par un peuple à bout : manifs contre la réforme de la SNCF, manifs contre la hausse de la CSG, Gilets Jaunes, manifs contre les violences policières…Sous Macron, la grogne populaire se manifeste tous les jours.
Tandis que du temps de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, les Français manifestaient généralement leur ras-le-bol chez eux, dans les bars et salons, sous Macron, c’est la rue pratiquement tous les soirs. Il suffit de se promener dans n’importe quelle ville de France (Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Dijon…) pour voir cette colère à travers des tags insultants, parfois racistes, islamophobes et antisémites adressés aux élus politiques.
Aujourd’hui, cette grogne populaire vient de franchir un nouveau palier. En effet, les élus sont désormais menacés, les institutions publiques vandalisées et les policiers (garants de l’ordre) n’en peuvent plus d’un Etat qui les a abandonnés. Depuis le début de l’année, certains d’entre eux (46) se sont déjà suicidés avec leur arme de service.
Si certains pointent du doigt des raisons personnelles qui poussent ces braves policiers au suicide, d’autres expliquent ce drame par la dégradation de leurs conditions de travail (précarité salariale, commissariats délabrés, carence d’équipements pour intervenir dans certaines zones…). Aujourd’hui, c’est 1 policier qui se suicide tous les 5 jours et les rapports parlementaires rendus publics ces derniers mois sont accablants.
Pour la première fois depuis plusieurs années, nous avons l’impression de vivre sous l’Ancien Régime. Oui, il faut bien constater la triste vérité. Les responsables politiques français (notamment ceux de la majorité) vivent sous une menace existentielle. Leurs lieux de travail sont quotidiennement attaqués et ils sont victimes des pires insultes sur les réseaux sociaux.
Et les exemples sont légion. Dans la soirée du 1er août, la permanence de Corinne Vignon, députée de la 3ème circonscription de Haute-Garonne, a été murée par des agriculteurs de la FDSEA. Du fumier a aussi été déversé devant la permanence de Monique Iborra, députée de la 6ème circonscription à Tournefeuille (Haute-Garonne).
Le plus grave est que sur leur compte officiel Twitter, les agriculteurs de la FDSEA ont publié les visages des députés de la Haute-Garonne, le tout accompagné du message : « voici les députés de la Haute-Garonne qui veulent nous faire manger une alimentation non sécurisée ! Dites NON au Ceta et dites NON au Mercosur !!! ».
Et les faits ne se sont pas uniquement limités en Haute-Garonne. En effet, d’autres députés ont été visés par des attaques similaires. Le 27 juillet, la permanence d’un député LREM a été vandalisée à Perpignan. Ce 1er août, c’est la permanence de Stanislas Guerini, patron de LREM, qui a été vandalisée à Paris par des manifestants anti-Ceta et anti-police. Et la liste n’est pas exhaustive.
Pour le moment, les attaques se limitent à des actes de vandalisme. Pourvu qu’on en reste là ! Néanmoins, étant donné l’immense colère du peuple et les mesures de plus en plus impopulaires prises par un gouvernement dont la politique est de plus en plus décriée, tout peut arriver.
Pendant ce temps, des centaines de Français se mobilisent à Nantes et dans d’autres villes pour dénoncer les violences policières suite à la mort de Steve Maia Caniço le soir de la Fête de la Musique dans des conditions encore très floues. Les conclusions du rapport de l’IGPN dans cette affaire et l’attitude des autorités indignent plus d’un.
En effet, les Français ont été très surpris d’apprendre que les deux juges d’instruction demandent à être dessaisis de l’affaire. C’est l’information relayée par les médias ce vendredi. Ils ont aussi été très surpris des premières conclusions du rapport de l’IGPN qui n’établit « aucun lien entre la mort du jeune homme de 24 ans et l’intervention policière musclée». Pis, pour le moment, il n’y a eu aucune déclaration publique de Castaner, ministre de l’Intérieur, dans ce « scandale d’Etat », comme l’a qualifié l’avocate de la famille de la victime.
En seulement deux ans, l’ire du peuple semble avoir atteint son paroxysme et chaque jour qui passe, nous nous dirigeons vers le pire. La question à se poser est celle-ci : les Français tiendront-ils deux ans de plus sous Macron ? Vu le contexte actuel, il y a des doutes que ce soit le cas.
Désormais, face à cette situation, deux scénarii se profilent à l’horizon :
- Macron s’avoue vaincu et remet dans le tiroir toutes ces réformes, espérant que celles-ci soient reprises par son successeur (car ses chances de briguer un second mandat sont vraiment très faibles), offrant ainsi une belle victoire symbolique au peuple et infligeant une défaite cuisante au libéralisme international qui a jeté son dévolu sur la France ces dernières années
- Macron fonce tête baissée et décide, à tout prix, de mener à bout son projet de réformer la France. Et dans ce cas, la confrontation arrivera inéluctablement.
Pour l’instant, le second scénario semble avoir pris le dessus et se déroule sous nos yeux. Macron n’a pas l’intention de lâcher et le peuple reste campé sur ses positions de faire face aux élu-e-s par tous les moyens. Qui des deux aura le dernier mot ? Le temps nous le dira. Mais une chose sûre : en France, la confiance entre le peuple et ses élus est totalement rompue.