Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, vient d’être convoqué par la justice malienne dans une grave affaire d’attribution de passeport dans laquelle son fils est cité
Entre la France et la junte militaire malienne, le torchon brûle. En tout cas, après avoir récemment annoncé la fin des accords de défense qui la liaient à la France et après avoir ouvertement assumé son choix de se tourner vers la Russie pour assurer la sécurité de son territoire, la junte vient, une nouvelle fois, de défier l’Etat français en convoquant le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
C’est du moins l’information obtenue par Lecourrier-du-soir.com ce 11 mai et confirmée par plusieurs sources, dont Le Parisien. En effet, à en croire ce média, le ministre français des Affaires étrangères est convoqué par la justice malienne dans le cadre d’une enquête portant sur une « atteinte aux biens publics et autres infractions ».
Dans la convocation citée par le média français, on peut lire : « le juge d’instruction du deuxième cabinet au tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako (pôle économique et financier) invite Monsieur Jean-Yves Le Drian à se présenter à son cabinet le lundi 20 juin 2022 pour affaire le concernant ». Selon Le Parisien qui cite une source judiciaire malienne, il s’agit « d’une histoire d’attribution d’un marché de fabrication de passeports maliens à une société française (à laquelle) le fils de Le Drian serait lié ».
Ce 12 mai, l’information a été relayée par d’autres médias, tels que TV5 Monde. En effet, d’après cette source, l’affaire remonte à 2015 lorsque le Mali était dirigé par feu IBK (Ibrahim Boubakar Keïta), un président qui entretenait de très chaleureuses relations avec la France. « A cette époque, une société française (Oberthur Technologie) a obtenu pour une dizaine d’années le marché de fabrication des passeports biométriques maliens », renseigne la source.
Il convient de rappeler que la convocation du chef de la diplomatie française intervient moins d’un mois après une plainte déposée contre lui dans cette même affaire. En tout cas, d’après le site d’information malien Maliweb, en mars dernier, l’association malienne Maliko avait annoncé son intention de poursuivre Le Drian en justice pour, selon le média, « son implication supposée dans l’attribution frauduleuse du marché des passeports maliens ».
« Les Maliens s’apprêtent à amorcer un tournant décisif de leur histoire dans la relation entre le Mali et la France. En effet, l’organisation décide de porter plainte contre le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour le rôle qu’il a joué dans l’attribution frauduleuse du marché des passeports maliens. Car ce dernier, alors ministre de la Défense de la France, avait usé de son statut pour obtenir des marchés publics au Mali », avaient indiqué les initiateurs de cette plainte au terme d’une réunion en mars dernier.
Pour l’heure, rien ne permet de confirmer la culpabilité du ministre Le Drian. Cependant, depuis plusieurs mois, l’affaire enflamme les réseaux sociaux au Mali. D’ailleurs, dès février 2022, plusieurs médias dont Mondafrique en faisaient écho et dans cette affaire, le nom du fils du ministre en question avait été cité.
La convocation de Le Drian marque-t-elle l’énième étape dans ce bras de fer qui oppose la junte malienne à la France? Difficile de répondre à cette question pour le moment. Mais, ce qui est sûr, c’est que le gouvernement militaire malien arrivé au pouvoir par un coup d’Etat donne du fil à retordre à Paris en remettant en cause tous les accords militaires signés entre les deux pays et précipitant le départ des troupes françaises du Mali.
Il faut dire que les relations très conflictuelles entre les deux pays n’ont pas non plus été apaisées par la posture de Paris qui ne cesse de rappeler que la junte malienne est « illégitime ». « Ce gouvernement n’a aucune légitimité. C’est un gouvernement issu d’un coup d’État et c’est un gouvernement qui, pour l’instant, ne met pas en place les formes de reconnaissance légitime qu’il pourrait avoir du peuple malien », disait Jean-Yves Le Drian, dans une interview accordée à la RFI (Radio France Internationale) en avril 2022.