Les médias britanniques sont apparemment obsédés par le nouveau président français, Emmanuel Macron, et c’est facile de comprendre pourquoi. Contrairement à nos dirigeants, il est jeune, séduisant, éloquent, bilingue, charmant et excitant. Macron respire aussi le succès.
Il a écrasé le système politique traditionnel français en créant son propre parti, La République En Marche, plongeant ainsi les socialistes dans l’oubli et la droite dans le désarroi. Macron a également mis fin à la menace que représentait le Front National de Marine Le Pen.
Et ce n’est pas tout. Il a donné aux Français une Première Dame qui les fascine, une petite blonde branchée, âgée de vingt-ans de plus que lui, avec une personnalité attrayante et des idées fortes auxquelles il prête beaucoup attention. Leur histoire d’amour est déjà devenue une légende. Il y a alors une raison d’être obsédé par le nouveau locataire de l’Elysée.
D’autre part, il y a une arrogance indubitable chez Macron. Personne n’est plus heureux de son image que lui-même. Se croyant certainement plus intelligent (que tous), il a tendance à mépriser les moins éduqués ou les moins intelligents. Par exemple, il a dit aux journalistes français qu’il ne leur parlerait pas puisqu’ils étaient incapables de saisir son raisonnement.
Il a aussi convoqué les deux chambres du Parlement à Versailles pour écouter son discours qu’il leur a adressé sous forme de séance royale. Son discours était hélas prolixe et ennuyeux et le décor révélait ses ambitions impériales. Certains l’ont d’ailleurs surnommé le Roi Macron et il est clair que la vie qu’il mène à l’Elysée lui a donné une folie de grandeur.
Le plus important dans tout cela est qu’il y a des questions sur ce qu’il pourrait réaliser. Ses objectifs sont de réduire le déficit de la France, rendre l’économie plus efficace pour générer une plus grande croissance et baisser le taux de chômage. Jusque-là, cependant, peu a été fait.
La croissance est à 1,8% mais reste plutôt faible à l’échelle internationale. C’est presque la même que celle de la Grande-Bretagne une année après le Brexit. De plus, vu que la Banque Centrale Européenne a élargi l’assouplissement quantitatif à 3 mille milliards d’euros et a fixé les taux d’intérêt à -4%, on pouvait s’attendre à un chiffre plus important.
Le chômage n’a pas baissé non plus. Il est juste descendu à 9,7% (la moyenne dans la zone UE est à 10%) comparé à la Grande-Bretagne dont le taux de chômage est à 4,2%. Cependant, Macron espère le faire reculer à 7% d’ici 5 ans. Entretemps, il projette de licencier 14 000 fonctionnaires et son gouvernement a déjà envoyé six modèles de licenciement aux employeurs, tout cela dans l’espoir de libérer le marché de l’emploi. Jusqu’ici, rien de bon.
Néanmoins, le plus grand souhait de Macron est de faire durer sa célébrité en unissant ou au moins en intégrant davantage l’Europe. Cela semble être une ambition étrange vu qu’il a lui-même reconnu qu’une bonne partie des Français quitteraient l’Union Européenne en cas de référendum.
En effet, d’après les sondages, seuls 28% des Français sont favorables à une Europe fédérale contre 30% en Allemagne. Toutefois, Macron a proposé un budget commun ainsi qu’un ministre des Finances pour la zone euro. Pour réaliser ses deux propositions, il compte sur le soutien de l’Allemagne.
Pour le moment, le seul qui le soutient en dehors de la France est le leader socialiste allemand, Marti Schulz qui est très impopulaire. Il est fort probable qu’après les élections générales italiennes de mars prochain, la zone euro sera plongée dans une crise existentielle plutôt que d’entrer dans une ère d’intégration et de consolidation.
Il y aussi l’énigme autour d’une Armée Européenne. Macron et Merkel sont en train de promouvoir cette idée qu’ils considèrent comme une partie essentielle de l’avenir de l’Europe. Cependant, la visite de Macron en Angleterre cette semaine s’est plutôt focalisée sur les partenariats en matière de défense entre les deux pays et sur une coopération entre services de renseignement français et anglais après le Brexit.
Peut-être qu’à l’instar de Jean-Claude Junker, il sait que l’Union Européenne, malgré ses 17 différents types de chars de combat et ses 178 systèmes d’approvisionnement, sans compter un pacifisme allemand inébranlable, ne sera jamais en mesure de se défendre. En gros, tout comme sa politique économique, les plans de Macron sur l’UE ne sont pas tout à fait plausibles.
En conséquence, on peut conclure que les ambitions de Macron ne sont pas facilement réalisables. A l’instar de Matteo Renzi (qui a été très récemment le petit beau gosse aux yeux bleus de la politique européenne), Macron peut tomber en disgrâce aussi vite que son ascension fulgurante.
En cinq ans, il serait perçu comme le Louis XVI plutôt que le Louis XIV de la politique française, un second Giscard au lieu d’un second De Gaulle. Cependant, pour le moment, l’extravagance, le glamour et le scintillement lui donnent l’aura d’un acteur de cinéma. Et il croit en son destin. Seul l’avenir nous dira s’il a raison d’y croire.
Un édito signé Alan Sked, professeur émérite d’histoire internationale au prestigieux London School of Economics. Il a été le fondateur du parti UKIP (United Kingdom Independent Party).
Pour lire l’édito dans sa version originale, cliquez ici : The Independent