Un coup de com’ en pleine crise sanitaire. Les chemins d’Emmanuel Macron et de Didier Raoult se sont finalement croisés ce 9 avril. Et cet événement mérite que la presse lui accorde une certaine importance, d’autant plus qu’entre les deux, la lune de miel semblait avoir pris fin lorsque Raoult avait annoncé qu’il ne participerait plus au Conseil Scientifique réuni autour d’un président de la République devenu capitaine d’un pays en guerre.
Il y a tout de même un détail qui ne devrait pas passer inaperçu. En effet, ce n’est pas Raoult qui s’est déplacé pour rencontrer le président à Paris. Ce fut plutôt le contraire. Pour celles et ceux qui savent déchiffrer le langage communicationnel en temps de crise, cela signifie quelque chose.
Les images de la rencontre entre les deux hommes ont largement circulé sur les réseaux sociaux. On les voyait tous deux porter des masques de protection, s’adressant à une audience, composée principalement d’étudiants étrangers originaires de plusieurs pays du monde venus profiter de l’expérience d’un médecin devenu une star planétaire. Tête baissée, Macron, escorté par l’équipe de Raoult, a visité les locaux de l’IHU de Marseille. Il faut voir les images pour comprendre à quel point le choc a été terrible.
Dans la presse, on a appris que la visite surprise du président rendue à Didier Raoult, qui se définit comme une star mondiale dans son domaine, n’a pas été du goût de certains dans son entourage. Ils ont certainement compris qu’en lui rendant visite, Macron venait de s’avouer vaincu dans une guerre qui oppose la toute-puissante industrie pharmaceutique qui ne veut surtout entendre parler de la chloroquine tant vantée par Raoult et un médecin, devenu ces derniers jours, l’espoir de tout un peuple. D’ailleurs, selon RTL, un ministre a déclaré être gêné et surpris de cette rencontre entre le président et le professeur marseillais.
J’ai souligné un peu plus haut que la visite de Macron à Didier Raoult a été une visite surprise et que le président n’en avait pas informé la presse, ce qui voudrait dire qu’il y a bien eu une volonté du président de ne surtout pas médiatiser une rencontre qui, certainement, ne va plaire à Big Pharma qui a tenté par tous les moyens de décrédibiliser l’infectiologue marseillais. La question à se poser est celle de savoir alors pourquoi Macron a pris un tel risque.
L’explication est à chercher dans le succès fulgurant obtenu par Didier Raoult auprès du peuple français. Son compte Twitter a explosé en quelques semaines, dépassant la barre des 300 000 abonnés. Ses nombreuses interventions publiées sur YouTube franchissent en un laps de temps record la barre des 1 million de vue. Sa séance de dépistage organisée à Marseille le 23 mars a été un véritable coup de force et désormais, les hommes politiques de tout bord se l’arrachent. A gauche, Mélenchon se vante de s’être entretenu avec le professeur au téléphone et à droite, Gilbert Collard, du RN, n’a cessé de prendre sa défense dans la guerre qui avait opposé Raoult à Yves Lévy, mari d’Agnès Buzyn.
Macron a très bien lu la situation et est certainement arrivé à la conclusion que la crise sanitaire n’est plus seulement une crise sanitaire. Elle est aussi politique. En tout cas, la gauche l’a compris ainsi, la droite aussi. Et ce serait un suicide politique que la République En Marche rate une énorme occasion de se réconcilier avec le peuple.
Ce peuple a déjà choisi son camp dans la guerre. Je ne dispose pas de chiffre, mais les sondages publiés sur des groupes Facebook Gilets Jaunes ou autres montrent un soutien ahurissant du peuple envers le médecin marseillais. Didier Raoult est incontestablement en train de dessiner les frontières entre la vraie France qui s’est fédérée autour de lui et la France des hommes d’affaires de Big Pharma qui le dénigrent constamment préférant s’allier aux richissimes laboratoires parisiens.
Son intention n’avait pas été celle-là, mais les circonstances ont fait qu’il ne peut plus échapper à la polarisation droite et gauche qui gagne la France au moment où Macron semble perdre le contrôle des choses. Si à cela, on ajoute la très forte popularité dont jouit Didier Raoult en Afrique et même aux Etats-Unis où Trump n’a cessé de louer les bienfaits de la chloroquine, le professeur marseillais devient tout d’un coup une sérieuse menace pour le pouvoir.
Il faut dire que dans cette guerre qui oppose Raoult aux industries pharmaceutiques, Emmanuel Macron occupe une place très embarrassante. En effet, le président ne peut pas tourner le dos à Big Pharma pour des raisons que nous connaissons tous mais se trouve aujourd’hui dans l’obligation de tendre la main à un médecin marseillais dont la popularité auprès des Français est foudroyante. Alors que faire ?
Et bien, Macron, en pleine guerre et avec les yeux rivés vers sa réélection en 2022, a décidé de jouer son va-tout, quitte à fâcher son entourage. Je rappelle que sa visite a été une surprise. En conséquence, s’il a pris le risque de rencontrer un spécialiste qui avait ouvertement claqué la porte de son conseil scientifique, c’est qu’il doit avoir la trouille.
Didier Raoult fait désormais partie des paramètres à prendre sérieusement en compte pour la présidentielle de 2022 comme l’avaient été les Gilets Jaunes en 2019 lorsqu’ils avaient très vite obtenu le soutien de toute la classe politique dans leur guerre contre le pouvoir. L’histoire se répète. Pour l’opposition comme pour le pouvoir, oublier Raoult revient à se tirer une balle dans le pied, car dans cette guerre contre le Covid-19, il reste la seule star dont chaque déclaration, chaque jugement et chaque geste trouve grâce aux yeux du peuple.
Macron n’a pas seulement rendu visite à Raoult. Il est allé le voir pour aussi se réconcilier avec le peuple.