Situé entre l’Iran, au Nord, et le Sultanat d’Oman et les Émirats arabes unies, au sud, le détroit d’Ormuz est un couloir stratégique pour le trafic maritime pétrolier mondial. Cependant, depuis la mi-mai 2019, les incidents sécuritaires se multiplient dans cette zone, ce qui a entraîné un renforcement de la présence militaire américaine au Moyen-Orient, principalement en Arabie saoudite. En effet, depuis le début de la crise, le gouvernement des États-Unis accuse l’Iran d’être responsable des tensions dans le golfe Persique. La mise en œuvre par le président Trump d’une politique coercitive contre l’Iran en plus du régime chiite accusant l’administration Trump de « terrorisme économique », fait craindre une possible confrontation entre les deux puissances.
La France a depuis tenté d’apaiser les tensions entre les deux puissances. Ce fut évident lors du sommet du G7 à Biarritz où le président Macron a invité le ministre iranien des Affaires étrangères pour des discussions et a aussi soulevé la question avec le président Trump.
(Une analyse de Kareem Salem, étudiant en relations internationales)
Le dossier iranien est l’une des priorités de la politique étrangère du président Macron.
Le président Macron veut à tout prix éviter un embrasement et une prolifération nucléaire dans la région du golfe Persique. Le président français avait souligné lors du sommet du G7 que l’aggravation des tensions dans cette région pourrait affecter la France (Bourmaud 2019). En effet, une aggravation des tensions entre Washington et Téhéran pourrait voir le Moyen-Orient s’embraser (Chabrout 2019). Le risque est que demain de nouvelles tensions entre Israël et les forces pro-iraniennes du Liban, de l’Irak et de la Syrie dans lesquelles une provocation mal contrôlée ou une riposte trop forte de l’un de ces acteurs déclenche un embrasement total de la région, ce qui pourrait conduire les États-Unis et l’Iran vers une confrontation directe (Giblin 2018). Une telle confrontation pourrait affecter le commerce mondial du pétrole et les intérêts des entreprises françaises dans la région.
La politique coercitive de l’administration Trump contre l’Iran est en place depuis la sortie des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018. La stratégie de la Maison-Blanche vise à établir une « pression maximale » sur le régime chiite en asphyxiant son économie en imposant un embargo total sur toutes les importations de pétrole iranien (Alonso 2018). En empêchant le régime iranien de vendre son pétrole, qui était jusqu’à présent une source majeure de revenus pour l’économie iranienne, l’objectif du président Trump serait de forcer les autorités iraniennes à céder aux injonctions américaines (Gélie 2019). Face à cette diplomatie coercitive américaine, le régime iranien a riposté en décidant de franchir la limite imposée à ses réserves d’uranium en juillet dernier (Semo 2019).
La poursuite du développement de l’uranium iranien ne ferait qu’accroître la crise sécuritaire au sein de la péninsule arabique. La possession de l’arme nucléaire par l’Iran permettrait au régime chiite de renforcer son influence dans la région, en particulier au Yémen où le groupe armé chiite pro-iranien Ansar Allah mène une lutte armée contre la coalition dirigée par l’Arabie saoudite pour prendre le contrôle du Yémen.
La monarchie saoudienne a laissé entendre à plusieurs reprises qu’elle refuserait d’être entourée par des arsenaux atomiques iraniens et israéliens. Le risque est que demain l’Arabie saoudite se dote d’armes nucléaires, ce qui pourrait amplifier la menace sécuritaire au Moyen-Orient. En effet, fin février le ministre de l’Énergie américain a confirmé que l’administration Trump avait donné son feu vert aux entreprises américaines pour qu’elles puissent travailler sur six projets de réacteurs nucléaires dans le royaume saoudien.
Une médiation qui se précise
Depuis le sommet du G7 à Biarritz, la médiation française s’active dans l’espoir de créer les conditions propices pour une rencontre à New York fin septembre, en marge de l’assemblée générale des Nations unies entre Donald Trump et Hassan Rohani. L’Élysée espère pouvoir convaincre les Iraniens de revenir sur leurs engagements pris dans l’accord de juillet 2015 en échange d’une ligne de crédit de 15 milliards de dollars qui serait ouverte par les trois pays européens signataires de l’accord de Vienne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni (Alançon 2019). De plus, la diplomatie française souhaite trouver un accord avec le régime chiite pour limiter le programme balistique iranien et de convaincre Téhéran de renoncer à sa politique de déstabilisation de la région, notamment en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen (Semo 2019).
Dans le même temps, le président Macron veut que le président Trump rétablisse, du moins en partie, les exemptions de sanctions américaines accordées jusqu’en mai aux principaux acheteurs de pétrole brut iranien, en particulier la Chine, l’Inde et le Japon. En effet, la diplomatie française ces dernières semaines a eu des discussions approfondies avec les autorités chinoises, indiennes et japonaises sur l’achat de pétrole brut iranien (Momtaz et Toosi 2019).
Une rencontre Trump-Rohani reste peu probable.
Malgré l’ambition de la diplomatie française pour une rencontre à New York fin septembre, en marge de l’assemblée générale des Nations unies entre Donald Trump et Hassan Rohani, cette perspective semble peu probable. En effet, le président Rohani a récemment annoncé son refus de tenir des discussions bilatérales avec les États-Unis (Semo 2019).
Le problème de la médiation française est que la stratégie actuelle reste trop fragile et limitée pour créer des points de convergence entre les deux parties. Washington n’abandonnera pas les sanctions économiques tant que le régime chiite n’aura pas accepté les demandes américaines, telles que la réduction de ses activités balistiques et son influence déstabilisatrice au Moyen-Orient (Arefi 2019) Dans le même temps, les autorités iraniennes aspirent à faire de l’Iran la puissance régionale incontestée du Moyen-Orient et ne voudront pas abandonner les groupes militaires et politiques chiites dans la région qui leur permettent d’avoir une influence sur la scène régionale (Pahlavi 2018). Par conséquent, à l’heure actuelle, il est peu probable que la médiation française aboutisse à une rencontre entre les autorités iraniennes et américaines.