Sa descente dans l’arène politique se précise de plus en plus. Après avoir fait office d’idéologue de la droite dure pendant plus de dix ans, en défendant une ligne extrêmement radicale au nom du salut de la France, cette nation qu’il chérit tant, Eric Zemmour, éminence grise de la droite française, s’apprête à se lancer dans la conquête du pouvoir.
Pourtant, il y a un an, l’idée semblait totalement saugrenue et celles et ceux qui la défendaient en public ne manquaient pas de déclencher le fou rire de leurs interlocuteurs. Un an plus tard, en pleine pandémie à Coronavirus et au moment où Emmanuel Macron se prépare à une réélection cruciale, le polémiste, Eric Zemmour, ne peut plus attendre. Pour lui, pour sauver la France, il faut agir, et MAINTENANT.
Et de son côté, les choses s’accélèrent. En effet, ce samedi 4 septembre, il a lancé son site « Croisées des chemins » et prépare une tournée nationale, à la rencontre des Français à quelques mois d’une présidentielle cruciale pour le pays, probablement l’élection présidentielle la plus importante de ces vingt dernières années en raison de plusieurs facteurs, dont l’immigration, l’Islam et l’effondrement de la droite modérée et du Parti Socialiste qui dirigent ce pays depuis 40 ans.
Nul besoin d’entrer dans les détails de cette tournée qui a des aires de début de campagne électorale. Toutes les informations sont disponibles sur le net. Il convient tout de même de faire remarquer que le moment choisi par le polémiste n’est pas anodin. Cette tournée tombe à pic, au moment où Emmanuel Macron semble entamer sa campagne électorale en déclarant une guerre sans merci au trafic de drogue et au grand banditisme à Marseille, ville qui semble échapper au contrôle de l’Etat central.
Si Eric Zemmour et Emmanuel Macron sont clairement en campagne pour 2022, une autre candidate de taille, pour le moment totalement effacée de la scène politico-médiatique, risque d’en payer les frais. Il s’agit évidemment de Marine Le Pen, chef de file du parti Rassemblement National.
Il faut dire les choses clairement. Depuis l’annonce d’une éventuelle candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle 2022, le camp de Le Pen est dans l’embarras. Et il y a de quoi! En effet, une candidature de Zemmour est la pire nouvelle qui puisse exister pour Marine Le Pen qui n’a jamais été aussi proche de remporter une présidentielle en France.
Et ce, pour les raisons suivantes : à gauche, le PS est moribond et mise sur Anne Hidalgo qui règne en maître à Paris mais qui, sur le plan national, n’a aucun poids électoral. La France Insoumise, dirigée par Mélenchon, reste un parti redoutable qui peut créer une énorme surprise. Mais, ces dernières années, le parti fait l’objet d’une diabolisation médiatique d’une rare violence et la raclée reçue lors des élections européennes de 2019 où elle n’a obtenu que 6% des voix semble avoir freiné son élan.
A droite, il ne reste plus rien. Le parti Les Républicains (ancienne UMP) est totalement divisé et ne s’est pas encore relevé de sa cuisante défaite aux Européennes (8% des voix). Ces dernières années, le parti a été complètement abandonné par ses ténors (Sarko, Juppé, Fillon) et celles et ceux qui devaient assurer la relève (Edouard Philippe, Darmanin, Bruno Le Maire et Jean Castex) ont rejoint Emmanuel Macron.
Pis, à quelques mois de la présidentielle, le choix d’un candidat attise les tensions et sur le plan idéologique, le parti n’apporte rien de nouveau. D’ailleurs, pour éviter sa disparition du paysage politique français, il est contraint de chasser sur les terrains du Rassemblement National.
Dans des circonstances pareilles, Marine aurait pu faire l’unanimité au sein des électeurs de droite qui sont de plus en plus nombreux à manifester leur inquiétude sur des sujets chers à Le Pen : Islamisme radical, l’immigration, l’insécurité, la question de l’euro, les frontières et la souveraineté nationale.
Il faut dire que jusqu’ici, Marine et ses proches ont réussi à tenir le coup, en désignant Emmanuel Macron comme l’unique responsable de la décrépitude accélérée de la France et en taxant la gauche de ‘collabo » pour avoir tourné le dos à la question sécuritaire et culturelle, cruciale pour la survie de la France.
Mais, avec l’entrée en lice de Zemmour, les chances de Marine se volatilisent. Et pas besoin d’être un analyste politique pour comprendre pourquoi. En effet, Eric Zemmour incarne ce que beaucoup d’électeurs de droite attendent de leurs candidats, c’est-à-dire une ligne dure que Marine Le Pen ne veut surtout pas assumer au risque de perdre le soutien d’une partie des Français issus de l’immigration.
Ainsi, contrairement à Marine Le Pen, Eric Zemmour a horreur des demi-mesures. Il ne s’intéresse absolument pas à l’idée d’une réconciliation nationale avec les Français extra-européens et réclame ostensiblement la déportation des clandestins vers leur pays d’origine, la fin de la double nationalité, la suppression du droit du sol au profit du droit du sang, une guerre contre l’islamisme sous toutes ses formes…
Ses arguments, aussi violents soient-ils, sont ceux qui attirent de plus en plus d’électeurs de droite qui semblent en avoir marre du double jeu de Marine Le Pen. D’ailleurs, ces dernières années, beaucoup de collaborateurs de Marine (Messiha, Philippot…) ont tourné le dos au Rassemblement National, jugeant sa politique très laxiste.
Eric Zemmour ne deviendra pas président de la France en 2022. Sur ce point, nous sommes tous d’abord. Toutefois, son irruption brusque dans l’arène politique française va complètement changer la donne et la droite risque d’être la plus grande perdante.
Avec une candidature de Zemmour, Marine Le Pen perdra une partie de son électorat qui ira rejoindre le polémiste. Les Républicains s’effondreront. A Gauche, sauf miracle, le PS ne se qualifiera pas au second tour et pour l’heure, rien n’indique une percée de la France Insoumise, troisième force politique française au lendemain de la présidentielle de 2017.
Finalement, à quoi faut-il s’attendre? : une chute de la gauche et un effondrement des Républicains. Les voix de Marine seront siphonnées par l’idéologue conservateur. Et tout ceci ne bénéficiera qu’à un seul candidat : Emmanuel Macron qui, sans fournir le moindre effort, aura la certitude d’avoir le vote d’une partie de la gauche, de la droite et du centre, un soutien suffisant pour briguer un second mandat à la tête de la France.