Un silence criminel.
Dans l’arrestation de l’avocat Juan Branco qui défraie la chronique au Sénégal et en France, c’est le silence assourdissant d’Emmanuel Macron qui suscite une vive indignation.
Rappel des faits. Juan Branco, très influent avocat franco-espagnol, avait fait parler de lui, ce 30 juillet, en faisant une apparition publique à laquelle personne ne s’attendait lors de la conférence de presse consacrée à l’arrestation de son client, Ousmane Sonko, considéré comme le plus grand opposant politique au régime de Macky Sall et une grande menace aux intérêts de la France au Sénégal en raison de ses opinions nationalistes qui exaspèrent Paris.
Ainsi, l’avocat français venait d’infliger une claque à l’Etat sénégalais, lequel avait pourtant lancé un mandat d’arrêt contre lui quelques jours plutôt. Humiliée, la justice sénégalaise tentera de laver son honneur en déclenchant immédiatement une vaste opération pour localiser et arrêter l’avocat Gilet Jaune qui, d’après la presse sénégalaise, avait emprunté la voie terrestre (en provenance de la Gambie voisine) pour s’introduire discrètement et clandestinement sur le territoire sénégalais.
Pendant plusieurs heures, une véritable chasse à l’homme a ainsi été mise en branle par les autorités sénégalaise afin de mettre la main sur un avocat français jugé dangereux d’autant plus qu’il menace de traîner Macky Sall et des membres de son gouvernement à la Cour Pénale Internationale (CPI) en raison de leur implication directe ou indirecte dans les émeutes de mars 2021 et de juin 2023 qui ont coûté a vie à une vingtaine de jeunes sénégalais pour la plupart partisans d’Ousmane Sonko.
Pourtant, en dépit d’un dispositif hors-norme, Juan Branco a failli passer entre les mailles du filet de la police aux frontières. Et n’eût-été la vigilance de la police mauritanienne, l’avocat Gilet Jaune aurait quitté l’Afrique pour rejoindre Paris sans coup férir. Hélas, il fut démasqué par la police mauritanienne qui l’arrêta et le transmit aux autorités sénégalaises le 05 août. Et le reste de l’histoire, nous le connaissons.
En effet, l’avocat risque gros car, à peine arrêté, deux nouvelles charges pèsent déjà sur lui : séjour irrégulier et outrage à magistrat qui s’ajoutent aux (anciennes) accusations d’attentat, de complot, de diffusion de fausses nouvelles et d’actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves. Et les choses sont allées très vite. Une fois arrêté, l’avocat français a immédiatement été envoyé à la prison de Rebeuss, l’une des Maisons d’arrêt et de corrections les plus dures du Sénégal où il côtoiera de dangereux délinquants.
Mais, ce qui intrigue en France où une forte mobilisation est en cours pour obtenir la libération sans condition de Maître Branco, c’est le silence assourdissant d’Emmanuel Macron et de la diplomatie française qui, jusqu’au moment où j’écris ces lignes, ne s’est pas encore prononcée sur ce sujet extrêmement délicat pour 2 raisons :
- Branco croupit dans les geôles d’un régime dont le président (Macky Sall), de plus en plus impopulaire, est l’un des plus grands alliés de Macron en Afrique. Donc, Paris préfère se taire pour ne surtout pas s’attirer les foudres de l’Etat sénégalais qui l’accuserait d’ingérence, ce qui nuirait gravement à ses relations avec un pays stratégique dans un contexte où la France est de plus en plus rejetée en Afrique
- Parce qu’il y a moins d’un mois, l’Etat français poursuivait Juan Branco l’accusant d’avoir mis en danger les intérêts de Français présents au Sénégal. La plainte du Quai d’Orsay a d’ailleurs été classée sans suite.
C’est quand même assez surprenant de constater que pour la première fois un citoyen français, de surcroît avocat venu plaider pour son client, est arbitrairement détenu à l’étranger par un régime autoritaire sans que le président Macron, tout à fait au courant de la situation, ne lui apporte son soutien.
En plus d’être irresponsable, le silence de Macron est criminel car, dans sa violente guerre contre l’opposant Ousmane Sonko, Macky Sall et son régime sont prêts à tout pour neutraliser tout soutien au seul homme capable de leur arracher le pouvoir en 2024, ce qui risque de ne pas se produire car son parti politique, Pastef Les Patriotes, a été dissout ce 31 juillet et depuis plusieurs mois, tous les poids lourds du mouvement sont traqués comme des criminels et détenus dans les prisons sénégalaises sans aucun motif valable.
S’il arrive quoi que ce soit à Juan Branco, Emmanuel Macron devra s’attendra à en porter l’entière responsabilité et pour éviter que l’irréparable ne se produise, il a tout intérêt à demander à son ami ivre de pouvoir de libérer Branco et tous les opposants politiques qui n’ont strictement rien à faire dans les prisons sénégalaises.
Le silence de Macron est criminel.