Castex à Matignon : trois certitudes : Macron est de droite, Sarko est toujours au pouvoir et la gauche peut revenir

Emmanuel Macron est décidément imprévisible. Quand on l’attend à l’Ouest, il débarque à l’Est. Et ce vendredi 3 juillet, les Français s’en sont rendu compte à la suite de la nomination de Jean Castex au poste de Premier ministre pour succéder à Edouard Philippe qui devra retourner au Havre.

Emmanuel Macron aurait pu saisir ce remaniement ministériel pour redorer l’image d’un Exécutif totalement affaibli et rejeté par une grande partie des Français. Hélas, il a encore raté une énorme occasion de tendre la main à ses concitoyens en confiant les clés de son gouvernement à un homme du sérail qui incarne parfaitement l’Ancien Monde dont les Français ne veulent plus.

En effet, Jean Castex, maire de Prades, située en terre catalane, est un homme de droite, très proche de Nicolas Sakozy, dont il fut le secrétaire général à l’Elysée. S’il est connu dans la classe politique française, il reste néanmoins très méconnu par ses concitoyens qui n’avaient jamais entendu parler de lui avant.

Il ne sera pas question de s’attarder sur le bilan de Jean Castex loué par plusieurs de ses ex collaborateurs. J’essaierai humblement d’analyser le choix porté sur lui par Emmanuel Macron qui, en le nommant Premier ministre, a, à mon avis, tout simplement donné le sentiment d’avoir transformé son pouvoir en un Titanic dont le naufrage est désormais certain.

De cette nomination qui a cueilli à froid des milliers de Français, il y a trois certitudes indiscutables.

Première certitude : Macron est bien de droite. Le président français, pour accéder au pouvoir en 2017, était tout à fait conscient que les Français en avaient ras-le-bol de l’Ancien Monde et de ses appareils politiques qui, depuis plus de 20 ans, ont promis monts et merveilles au peuple mais n’ont jamais respecté leurs engagements une fois arrivés au pouvoir.

Ainsi, il avait totalement rejeté l’étiquette de gauche que certains voulaient lui coller. Et conscient que se présenter comme un candidat de droite allait probablement lui coûter cher, il s’était déguisé en centriste en un moment où ses deux prédécesseurs (Sarko et Hollande) avaient totalement tué la gauche et la droite. Cette stratégie ne pouvait que porter ses fruits et elle lui a permis d’accéder au pouvoir en 2017.

Pourtant, le masque est très vite tombé. Pour diriger le gouvernement, Macron n’avait pas hésité à choisir un juppéiste (Edouard Philippe) avec lequel dès le début de son quinquennat il a mené une politique libérale impitoyable qui a failli embraser le pays. La crise des Gilets Jaunes, la réforme des retraites, la baisse des APL, la privatisation de la SNCF, la privatisation de la Française des Jeux…ont été autant de preuves évidentes que la France n’avait pas un président centriste, mais un chef d’Etat de droite dure dont la mission principale était sans doute de mettre fin à l’Etat-providence français.

Emmanuel Macron aurait pu sauver son image de président centriste en choisissant, lors de ce remaniement, un écologiste ou un leader politique issue de la gauche comme Premier ministre. D’ailleurs, c’est ce virage écologiste qu’attendaient bon nombre de Français à la suite de la vague verte qui a déferlé un peu partout en France lors des seconds tours des élections municipales. Cependant, il a catégoriquement tourné le dos aux vainqueurs des municipales, préférant retirer les clés de Matignon à un juppéiste pour les confier à un Sarkozyste. Le choix a été très maladroit et le président s’en mordra les doigts dans un futur proche.

Deuxième certitude : ce n’est pas Macron qui est aux manettes, mais bien Nicolas Sarkozy. En effet, toute personne intéressée par la politique française et ayant eu l’opportunité de la suivre de très près sait qu’Emmanuel Macron voue une grande admiration à Nicolas Sarkozy. D’ailleurs, il s’est plusieurs affiché en compagnie de l’ancien chef d’Etat en public.

Et je dois vous apprendre que deux mois après son élection à la tête du pays, Macron avait invité l’ex président à un dîner discret à l’Elysée. Et ce n’est pas tout. Durant les heures les plus sombres de la crise des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron n’a jamais cessé de solliciter les conseils de Nicolas Sarkozy qui s’était transformé en son « Monsieur Communication » pour plusieurs raisons : son expérience politique mais aussi ses idées de droite. Pendant ce temps, Macron ne voulait plus entendre parler de François Hollande qui pourtant lui avait confié le prestigieux poste de Ministre de l’Economie.

Depuis un mois, les deux hommes ont régulièrement maintenu le contact et il n’y a aucun doute que Nicolas Sarkozy a beaucoup joué dans le choix de Jean Castex en tant que successeur d’Edouard Philippe. D’ailleurs, Sarko lui aurait récemment conseillé de supprimer le poste de Premier ministre. Ce poste existe toujours, mais il est clair qu’en plaçant Castex à Matignon, Macron veut avoir les coudées franches pour gouverner tout seul. Alors, pour celles et ceux qui pensaient que Sarko était politiquement mort, détrompez-vous. Son ombre plane toujours à l’Elysée et il est, sans aucun doute, l’éminence grise du plus jeune président de la Vème République qui semble lui obéir au doigt et à l’œil.

Troisième certitude : la gauche peut encore revenir au pouvoir. Cette hypothèse semble certes très peu probable vu l’état actuel de la gauche, mais elle est bien possible. En effet, nul doute que l’élection de Macron a principalement servi à une seule chose : neutraliser totalement la gauche pour mener la France vers la voie du libéralisme tchatchérien.

L’Etat-providence socialiste qui avait jusqu’ici garanti à des millions de Français une vie digne contrairement à leurs voisins européens gênait profondément l’oligarchie capitaliste européenne qui ne pouvait plus accepter que les acquis sociaux des Français restent intacts. En un moment donné, la France, comme toutes les nations européennes, devait elle-aussi subir la casse sociale comme l’ont subie les Italiens, les Espagnols, les Grecs et les Portugais.

Pour y arriver, il fallait neutraliser complètement la gauche. Et l’arrivée de Macron doit être ainsi comprise. Et cet argument se confirme dans le choix de Jean Castex alors que les résultats des élections municipales avaient clairement montré la voie à suivre à Emmanuel Macron. La voie était celle-ci : se débarrasser de Philippe (malgré sa forte popularité), nommer un Premier ministre écolo-compatible ou de gauche et changer de politique. Un tel changement n’allait probablement pas mis fin aux tensions sociales mais il aurait sans doute participer à calmer les nerfs qui sont en ce moment très tendus.

La gauche peut revenir au pouvoir. Car, dans le choix d’un libéral pour diriger le gouvernement, la plus grande victime n’est pas la gauche, mais bien la droite (Les Républicains) devenue l’annexe (le terrain de chasse) d’Emmanuel Macron. Edouard Philippe est un produit des Républicains et Jean Castex l’est tout autant. En conséquence, il n’y a aucun doute que Macron est le candidat de la droite, même si, ces dernières années, le parti LR a refusé de reconnaître cette réalité de peur de voir sa formation politique (déjà très divisée) disparaître.

Une gauche peut revenir aux affaires en 2022 mais pour cela il faudra impérativement qu’elle soit unie. Le scénario espagnol où le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (l’équivalent du PS) a finalement accepté de s’unir avec Podemos (équivalent de la France Insoumise) pour chasser Mariano Rajoy (chef d’Etat de droite) du pouvoir reste désormais la seule option pour éventuellement évincer Macron. Car à droite, il est très peu probable que les LR s’unissent au RN pour prendre le pouvoir.

La réalité actuelle est que la nomination de Castex au poste de Premier ministre prouve que le terrain de la droite est partiellement conquis par Macron qui a ainsi confirmé qu’il n’est pas centriste et n’a plus envie de s’associer à la gauche pour gouverner. Et cette erreur monumentale doit être exploitée par les socialistes et les insoumis pour lui porter le dernier coup de poignard.

La gauche ne peut pas se permettre de rater cette ultime opportunité qui se présente à elle. Si elle perd la présidentielle 2022, elle ne reviendra jamais.