Comment percevoir autrement la mort, par Mélodie Ducoeur

La question de la mort est un tabou dans la société occidentale. Moins on en parle, mieux on se porte. Pourtant, il s’agit d’une thématique qui est centrale dans la vie de tous : sans cette fin inéluctable, chaque instant perd en saveur. Il apparaît donc comme urgent de remettre ce sujet au cœur des préoccupations, sans pour autant le traiter de manière si sombre que le propos s’égare en signification. Mélodie Ducoeur a décidé de se lancer dans un projet qui toucherait tout le monde. Les jeunes enfants, les adolescents et les adultes. Pour cela, elle se base sur une nouvelle qu’elle a imaginée et qui a été décorée pour ses nombreuses qualités rédactionnelles. À partir de là, l’artiste adapte son idée et histoire sous divers formats. Un album avec des dessins pour les petits, un roman pour les jeunes enfants, un autre pour les adolescents, et enfin un livre de Noël, au royaume de Séraphin… Mais qu’est-ce que ce royaume ? Que peut-on tirer de cette « saga » qui traite d’un sujet aussi sensible que la mort ?

L’œuvre fait écho à un album de bande-dessinée très touchant, signé par l’artiste Jenny Jinya, une illustratrice allemande qui a dépeint avec une grande délicatesse et douceur le lien indéfectible qui unit l’animal et l’humain. Des histoires tristes, qui mettent l’accent sur la perte d’un être cher, et son devenir dans le monde invisible. Loving Reaper est une véritable pépite qui plaira à celles et ceux qui auront apprécié l’épopée de Mélodie Ducoeur…

Tout débute par un bouleversement dans la vie du jeune Dimitri. Du haut de ses dix ans, l’enfant est sujet à des moqueries répétées, qui se transforment en harcèlement et en violences psychologiques et physiques. Avec une maman aimante et très inquiète pour le devenir son fils, celle-ci souffre amèrement de le voir ainsi.

En cours, les professeurs lui reprochent de ne pas se concentrer. Dans la cour de l’école, ce sont ses camarades qui le fustigent et ne comprennent pas ses réactions atypiques. C’en est trop pour lui : il se suicide et laisse derrière un énorme vide… Cet évènement traumatisant ne s’arrête pas là : dans toutes les versions du livre, Dimitri s’élève pour le Royaume de Séraphin, où il devra apprendre à voler de ses propres ailes. Ses nouveaux amis sont des bébés et des enfants angéliques, qui possèdent des pouvoirs extraordinaires. Parmi ces compétences incroyables, on peut souligner le don de donner la vie par le toucher, de pouvoir faire pousser des plantes sur commande ou matérialiser des animaux. Le superpouvoir de Dimitri semble être l’humour : provoquer le rire chez les gens. Sous la supervision d’adultes (âmes de défunts), les plus petits et les adolescents se réunissent pour pouvoir maintenir l’équilibre sur Terre. Par ailleurs, ils ont la charge de créer des rêves, mais également de surveiller les vivants. Lors de catastrophes, ils ont aussi pour rôle d’aider les esprits à les rejoindre. Au-delà du caractère divertissant de l’œuvre globale de Mélodie Ducoeur, le lecteur se confronte à des réflexions extrêmement intéressantes et bien amenées, qui pourront notamment toucher un jeune public, et l’enjoindre à mieux accepter l’autre. Ce n’est un secret pour personne : les enfants peuvent parfois être cruels entre eux. Le harcèlement est une des raisons qui peut pousser un enfant fragile au suicide. Souvent, l’entourage s’étonne : on dit « personne ne l’a vu venir ». Pourtant, il existe bien des adultes qui peuvent surveiller les attitudes de chacun à l’école. Repérer les signaux d’alerte, qui permettront d’appréhender les tragédies de la sorte.

Le personnage de Gaëlle, la mère de Dimitri va connaître une évolution admirable. Elle qui avait mis au point un spectacle à l’école pour expliquer la différence de son fils, et ainsi endiguer une situation épineuse va aussi se lancer dans une campagne plus large. Cette maman endeuillée intervient donc dans des établissements scolaires, afin de parler et échanger avec de jeunes enfants au sujet de la différence et de la tolérance. Avec des phrases sages et un lexique simple, elle pose des mots sur des réalités qui dérangent. C’est un peu la parole de Mélodie Ducoeur qui se transmet à l’intérieur de son personnage.

En réalité, le Royaume de Séraphin présente toutes les caractéristiques d’une œuvre ludique, qui permet à chacun de dévoiler son meilleur potentiel. C’est aussi un ensemble intergénérationnel, qui réunit tout le monde autour d’un thème difficile d’accès. Grâce à une plume simple et très compréhensible par tous, l’auteure réussit à planter un décor enchanteur, qui attendrit et qui donne espoir. Pour celles et ceux qui ont perdu un proche en bas âge, cette aventure peut être l’occasion de souffler, tout en profitant d’un livre divertissant, qui fait voyager et parfois même rêver. En effet, dans le roman de Noël, les petits se plient en quatre pour distribuer du bonheur autour d’eux. On imagine aisément toutes ces âmes d’enfants mettre du cœur à l’ouvrage, pour apaiser la souffrance des parents encore en vie.

Le site de la collection : https://royaume-seraphin.com/

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Cheikh Tidiane DIENG est fondateur et rédacteur en chef du site www.lecourrier-du-soir.com. Diplômé en Médias Internationaux à Paris, en Langues et Marché des Médias Européens à Dijon et en Langues étrangères (anglais et espagnol) au Sénégal, ce passionné de journalisme intervient dans des domaines aussi divers que la politique internationale, l’économie, le sport, la culture entre autres. Il est aussi auteur du livre : "Covid-19 ; le monde d'après sera une dictature". Contact : cheikhdieng05@gmail.com