Covid en France : le gros dérapage d’Emmanuel Macron : « j’ai envie d’emmerder les non-vaccinés », dit-il

Dans une interview accordée au journal Le Parisien et intégralement lue par Lecourrier-du-soir.com, Emmanuel Macron n’a pas été tendre envers les non-vaccinés. Face aux journalistes, il dit vouloir les « emmerder »Lecourrier-du-soir.com vous propose de lire l’interview dans sa version originale

Excellente lecture 

Pascal Doublier. La présence du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe a scandalisé Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour. Que pensez-vous de cette réaction ?

EMMANUEL MACRON. Cette réaction était disproportionnée et malvenue. Si nous avions retiré le drapeau français, j’aurais pu comprendre. Or le drapeau français est présent lors des cérémonies patriotiques, comme le 8 Mai, le 11 Novembre, le 14 Juillet. Mais si vous passez un jour comme aujourd’hui sous l’Arc de Triomphe, il n’y a pas de drapeau. Ce qui a été fait le 31 décembre au soir et le 1er janvier a été de marquer cette entrée dans la présidence française de l’Union, en inscrivant notre drapeau européen — car il est aussi le nôtre. Là où il n’y avait rien, nous avons mis le drapeau européen. Donc, c’était une mauvaise polémique. Ce drapeau européen, j’en suis fier. Il faut l’assumer car c’est un symbole de paix. En écoutant trop de discours politiques qui opposaient la France à l’Europe, je me disais : ont-ils oublié d’où ils venaient ? Ma grand-mère maternelle est née sous la Première Guerre mondiale en 1916, elle a vu son père revenir estropié et la moitié de sa famille décimée. Elle a été mère au premier jour de la Seconde Guerre mondiale, elle a vu son mari partir à la guerre, puis son premier fils partir à la guerre d’Algérie. Et, ensuite, elle a connu la paix. Nos générations n’ont jamais connu la guerre. J’aime l’Europe parce que c’est un projet de paix.

Isabelle Berrier. La santé n’est pas une compétence européenne. Comptez-vous avancer sur ce sujet pendant votre présidence ?

Oui. L’Europe de la santé a déjà beaucoup avancé, même si ce n’est pas sa compétence, mais celle des États, avec les vaccins. Je veux accélérer les choses afin de permettre d’avoir des programmes de recherche beaucoup plus forts. On a lancé un projet dénommé HERA — Agence européenne de financement de recherche dans la santé — pour que nous continuions à inventer et à produire. On a des stratégies nationales, comme les 7,5 milliards d’euros investis dans la santé dans le cadre du projet France 2030, mais tout cela ne vaut que si on a des coopérations européennes, comme le font les Américains avec une agence fédérale qui leur a permis d’arriver plus vite au vaccin. Si on veut que l’Europe ne dépende pas dans cinq ou dix ans des États-Unis ou de la Chine, on doit mettre beaucoup plus d’argent ensemble et être un espace d’innovation en santé.

Pascal Doublier. On a l’impression que la construction européenne piétine, que sur beaucoup de sujets des pays s’opposent pour protéger leurs intérêts nationaux. Comment la rendre plus efficace ?

Par tempérament, il m’arrive aussi de penser que ça va trop lentement… C’est une construction politique inédite. La grande difficulté, c’est comment réduire nos écarts de perception, de sensibilité, nos écarts historiques. C’est le défi des prochaines années. Comment y arriver ? Il faut d’abord considérer que l’Europe, c’est le respect de nos différences qui sont une chance. Ensuite, il faut accepter sur certains points, comme les migrations, de prendre du temps mais de bousculer les habitudes. On va essayer de le faire sur Schengen, l’Europe des migrations. Il faut moderniser cette Europe, où tout se décide à vingt-sept, à l’unanimité. Il faut la transformer. Alors faut-il le faire à vingt-sept, ou une Europe à plusieurs vitesses ? C’est l’objectif de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui se tiendra en mai. On est en train de faire bouger ça. Là, on a décidé de faire tous un impôt minimum de 15 % et de taxer les GAFA (géants du numérique). Victoire ! Il faut être ambitieux. L’Europe n’est sans doute pas au bout de ses propres frontières, les Balkans occidentaux ne seront jamais en paix si on les laisse à part. Mais on ne peut pas garder ces règles de fonctionnement.

Pascal Doublier. Seriez-vous favorable à l’entrée de la Turquie en Europe ?

Non. Le projet politique, civilisationnel que poursuit aujourd’hui le président Erdogan n’est pas conforme aux valeurs de l’Europe. Elle a un projet d’expansion d’islam politique, de non-reconnaissance de Chypre qui est un État membre de l’UE, et une politique agressive en Méditerranée orientale. Mais je souhaite qu’elle ait des liens avec notre Europe parce que c’est ce qui l’arrime à nos valeurs et ce qui évite qu’elle dérive encore plus.

Pascal Doublier. Il y a des crises aux portes de l’Europe, en Ukraine, êtes-vous prêt à perdre une part de souveraineté pour construire une armée européenne ?

Je ne pense pas que nous puissions demain construire une armée européenne, parce que nos modèles d’engagement diffèrent. En Allemagne, le chancelier ne peut pas engager l’armée, par exemple. Ce qui ne nous empêche pas d’intervenir ensemble sur des théâtres d’opérations. Par contre, nous avons besoin d’une défense européenne. Des programmes communs, sinon nous dépendons des autres. Une industrie de défense européenne, avec des grands programmes comme le Scaf (l’avion du futur), le char du futur, des missiles, c’est la clé de la souveraineté. On le fait, et on va continuer à le faire, face aux grands défis du futur, dans la marine, dans le cyber et dans le spatial. C’est un espace d’invention, de recherche, extraordinaire, je crois beaucoup à ce rêve, la présidence française de l’Europe sera une présidence spatiale. J’irai moi-même à Toulouse en février prochain pour présider un Conseil des ministres européen sur le spatial, et je ferai des annonces sur notre stratégie.

Solène Jalet. La Commission européenne vient de qualifier le nucléaire d’énergie verte. Or, pour beaucoup, cette énergie génère toujours des déchets toxiques et est considérée comme dangereuse !

Le nucléaire présente l’avantage extrême de produire de l’énergie de manière décarbonée et non intermittente. Les renouvelables ne produisent pas de CO2, mais ont une faiblesse, c’est qu’elles sont intermittentes. Et ce n’est pas vrai de dire que vous pouvez passer du jour au lendemain du charbon à de l’éolien ou à du solaire parce que le vent ne souffle pas toute la journée et le soleil ne brille pas toute la journée. Nous avons la chance historique d’avoir 70 % de notre électricité produite par le nucléaire. Le Giec dit qu’il n’y aura aucune transition qui se fera dans le monde si on arrête avec le nucléaire. Et donc quelle est la stratégie qu’on doit avoir en Europe ? Partout où on a du charbon, on doit le supprimer. Et on ne peut pas tout faire au gaz parce qu’on dépendra des Russes. Et donc, le cœur de la stratégie européenne doit passer par le nucléaire si on veut décarboner et être plus indépendants. C’est pourquoi nous allons, nous en France, construire des réacteurs de nouvelle génération plus sûrs et qui produisent moins de déchets.

Isabelle Berrier. Je travaille dans un établissement d’accueil pour personnes âgées qui gère une équipe de dix aides-soignants et cinq infirmières. À ce jour, je n’ai plus qu’une seule infirmière. On n’a plus personne pour s’occuper de nos malades et ce n’est pas la prime de 206 euros brut du Ségur de la santé qui va nous faire tenir…

Le Ségur, ce n’est pas une prime, mais une revalorisation pérenne des salaires dans le public, entre 180 et 400 euros par mois, ce qui n’a jamais été fait dans notre pays, c’est inédit. Après, le sujet de la rémunération dans les métiers du soin a créé un problème de manque de personnel. Aujourd’hui, on a des gens qui démissionnent. À la fatigue, s’est ajouté un problème de sens, d’organisation, de conditions de travail et de déclassement. Donc, on va avoir des décisions à prendre, car on arrive au bout d’un modèle.

Mais lesquelles ?

On doit mieux reconnaître les métiers du soin. C’est un chantier colossal. Il faut notamment revoir les temps de travail de certains soignants, reprendre les cycles pour qu’ils travaillent dans de bonnes conditions et en les payant dignement. On doit aussi assurer une formation tout au long de la vie. C’est comme cela que l’on gardera de l’attractivité.

Marie-Eve Lenegre. Ce mercredi a lieu un nouveau Conseil de défense sanitaire. Doit-on s’attendre à des nouvelles mesures ?

Les décisions ont été annoncées la semaine dernière, donc il faut les laisser vivre. On reste sur la direction qui est donnée en cette rentrée de prudence. Au fond, la ligne est simple : c’est vaccination, vaccination, vaccination, et passe vaccinal. C’est l’objectif du texte de loi qui va être voté autour du 15 janvier. L’idée, c’est de mettre beaucoup de contrainte sur les non-vaccinés et, collectivement, de respecter les gestes barrière. Au Conseil de défense, on va faire un suivi de la rentrée des classes, des mesures déjà prises, de l’état de notre système hospitalier.

Hakim Bey. Que pensez-vous de la vaccination pour les 5-11 ans ? Est-ce normal de vacciner les plus jeunes alors que certaines personnes plus âgées ne se font toujours pas vacciner ?

Pour les enfants, c’est d’abord le choix des parents. Mais vacciner les enfants, c’est, au fond, protéger les parents et les grands-parents. Le choix qu’on a fait progressivement pour les adultes, c’est quasiment un choix d’obligation vaccinale. Le 12 juillet dernier, j’ai annoncé le passe sanitaire, mi-octobre, le test payant. Et là, une nouvelle étape avec le passe vaccinal. Cela va maintenant coûter plus cher et être plus contraignant pour ceux qui ne veulent toujours pas se faire vacciner.

Solène Jalet. C’est vrai qu’avec toutes les nouvelles mesures qui sont mises en place, on a l’impression d’une obligation vaccinale déguisée. Alors est-ce qu’officiellement, vous allez rendre la vaccination obligatoire ?

Je nous pose collectivement la question. Faisons l’hypothèse : si demain je dis : « pour tous les adultes, il faut être vacciné ». Comment on le contrôle et quelle est la sanction ? C’est ça, le vrai sujet. Je vais forcer des gens à aller se faire vacciner ? Les emprisonner et puis les vacciner ? Vous allez me dire : « vous êtes quelqu’un de bizarre vous… » On ne fera pas ça. Leur mettre des amendes ? Si j’ai des gens très modestes qui ne sont pas vaccinés, je vais leur mettre 1 000 euros, 2 000 euros, d’amende ?

Isabelle Berrier. Mais tous ces gens-là qui ne sont pas vaccinés sont ceux qui occupent à 85 % les réanimations… Et, par contre, il y a des gens qui sont atteints de cancers dont on reporte les opérations, à qui on ne donne pas l’accès aux soins et qui sont vaccinés !

Ce que vous venez de dire, c’est le meilleur argument. En démocratie, le pire ennemi, c’est le mensonge et la bêtise. Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale. D’ailleurs, la quasi-totalité des gens, plus de 90 %, y ont adhéré. C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné…

Isabelle Berrier. Et vous n’allez plus en réanimation… ?

Vous ne pouvez pas placer des soignants face à cela. Parce qu’un soignant, il regarde quelqu’un qui est malade et il ne regarde pas d’où il vient, ce qu’il est.

Isabelle Berrier. Mais aujourd’hui, ils font le tri sur l’hôpital nord de Marseille !

Non. Le tri, ça a un sens. Cela veut dire que quelqu’un arrive aux urgences et qu’on dit : « non, on ne le prend pas ». C’est une ligne rouge pour moi. Des pays ont vécu le tri, au début de cette crise, où on a dit à des parents, à des enfants : on ne le prend pas, on arrête, on ne lui donne pas sa chance. Nous n’avons jamais été confrontés à ça. Aujourd’hui, il n’y a pas de tri. Sur le terrain, j’ai des capteurs constamment. Mais, parce qu’il y a des gens qui refusent toujours de se faire vacciner, ils arrivent aux urgences et ils font que d’autres, doivent être transférés. Mais nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation où nos services d’urgence ne peuvent pas accueillir tous les patients. Moi, ma responsabilité, c’est que le pays ne se désunisse pas dans ces débats-là. Le fait même que l’on pose la question du refus de soin pour des gens non vaccinés est un drôle de virus. Et ça, c’est l’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation. Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen.

Juliette Baux de Castro. Je suis enseignante et je regrette de découvrir souvent les annonces de nouveaux protocoles dans les médias plutôt que d’abord par notre hiérarchie. Comment fluidifier la communication ?

Vous avez raison. Je vous donne le point. Il faut plus d’anticipation et plus de temps aux rectorats pour communiquer avec les écoles en amont. Le problème, c’est que l’on est dans une société de l’immédiat, tout va tellement vite avec l’information sur les réseaux sociaux ! C’est vrai que les ministres, à peine ont-ils dit une chose, ça se retrouve rapidement partout. Chacun a accès à l’information à 360 degrés.

Hakim Bey. À combien s’élève le quoi qu’il en coûte ? Va-t-il engendrer de nouveaux impôts ? Qui va payer ?

Le quoi qu’il en coûte, c’est 15 % du PIB. Le coût sur l’ensemble de l’économie, si on ne l’avait pas fait, serait monté à 45 % du PIB. Grâce à nos mesures, on en ressort avec un chômage qui a baissé et une croissance historique, donc c’était un bon choix. Alors maintenant qui va payer ? D’abord, oui, cette dette il va falloir la payer. Mais avec de l’activité. Moi, tant que je serai dans mes fonctions, il n’y aura pas d’augmentation d’impôts. Dans cette crise sanitaire, j’ai même continué de baisser les impôts. C’est par notre capacité à produire davantage et exporter, que nous pourrons progressivement dégager les surplus qui permettront de rembourser la dette.

Marie-Eve Lenegre. J’ai hérité de ma marraine et l’État français m’a volé 60 % de l’héritage, je trouve ça scandaleux. Quand est-ce que vous allez arrêter ça ?

Rappelons d’abord que l’impôt, c’est ce qui permet de financer tous les services publics. Ceci étant dit, je pense qu’il y a un sujet sur ce que j’appellerais la « transmission populaire », c’est-à-dire lorsqu’on n’est pas sur des montants exorbitants. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire. Nous sommes une nation de paysans dans notre psychologie collective ce qui est une force. Nous avons cela dans notre ADN et donc la transmission est importante pour nous. Donc, je pense qu’il y a des choses à améliorer. Il faut plutôt accompagner les gens pour les aider à transmettre les patrimoines modestes. Votre problème est toutefois très spécifique : vous seriez en filiation directe, vous auriez été beaucoup moins taxée.

Juliette Baux de Castro. Que faire pour améliorer le salaire des enseignants ? Madame Hidalgo promet de doubler sur cinq ans les salaires pour rattraper les salaires allemands…

Oui, je pense qu’on peut améliorer. Mais j’ai aussi un rapport de la Cour des comptes qui montre que le temps de l’enseignement en France n’est pas satisfaisant par rapport au nombre d’enseignants embauchés. Pourquoi ? Car on a un système trop rigide. Et comme pour les soignants, il faut redonner du sens sur le terrain. Il faut revaloriser les salaires, certes, mais surtout repenser la fonction. Le sujet, c’est le temps scolaire et la liberté qu’on peut donner à certaines écoles de bâtir leur propre projet pédagogique selon leur territoire.

Marie-Eve Lenegre. Dans les quartiers nord à Marseille, il n’y a pas que chez McDo qu’il y a des « drive », il y a aussi des drives de drogue. Quand vous traversez ces quartiers, c’est incroyable, ils font la loi, ils barrent des rues pour faire leur trafic… Quand allez-vous envoyer la police ou la gendarmerie ?

La difficulté, c’est que l’on a un système de la drogue qui s’est mondialisé, qui s’est professionnalisé et numérisé. Nous aussi on s’est modernisé, on y va, on les harcèle, on ne lâchera rien. La drogue, il n’y a pas de vendeurs s’il n’y a pas de consommateurs. Il faut de l’argent pour acheter de la drogue. C’est rarement dans les quartiers populaires qu’on la consomme, c’est là qu’on la vend. C’est dans les quartiers riches qu’on la consomme. On est une nation, de citoyens tous solidaires, et donc, plus chacun fait la traque aux pratiques, même festives, plus on peut réduire cela. Les gens qui consomment de la drogue dans les soirées sympathiques, ce sont des gens qui financent ces systèmes mafieux et l’insécurité des quartiers les plus populaires. « Nous avons, concitoyens, des devoirs avant d’avoir des droits. Il ne faut, en la matière, aucune faiblesse. »

Juliette Baux de Castro. On est parfois très seuls, dans nos classes, face aux problèmes qu’on rencontre, notamment lorsqu’on enseigne les valeurs de la laïcité. Je n’ai pas besoin de vous rappeler l’assassinat de Samuel Paty… Comment mieux soutenir les enseignants ?

Il faut les soutenir absolument. Pendant des années, nous n’avons pas assez formé les enseignants à la laïcité. On a amélioré les choses, nous ne sommes pas au bout de ce travail. La laïcité doit en faire partie : apprendre en substance et en profondeur ce que c’est, apprendre comment l’enseigner et savoir comment réagir aux provocations ou à des pratiques qui ne sont pas acceptables. Quand il y a un problème, on doit en parler et le régler. Quand il y a un problème, quand la laïcité n’est pas dûment respectée, la hiérarchie doit être au côté de l’enseignant pour expliquer à la famille, à l’enfant, quels sont leurs devoirs. Nous avons, concitoyens, des devoirs avant d’avoir des droits. Il ne faut, en la matière, aucune faiblesse.

Tom Rial. Vous aviez promis d’interdire le glyphosate. Vous ne l’avez pas fait. On a l’impression que sur l’écologie, vous agissez plutôt par raison, alors que sur l’économie les sujets vous font vibrer !

Je plaide le contraire, l’écologie ne me fait pas moins vibrer ! On ne pourra plus produire de la même manière. Cette pandémie nous l’a montré : on ne peut pas être des citoyens en bonne santé si on ne l’intègre pas. On a doublé les surfaces en bio et amélioré la situation en matière de bien-être animal. J’assume d’avoir donné la priorité à la sortie des phytosanitaires les plus dangereux, les plus cancérigènes. On les a réduits de 94 % au cours du quinquennat. Sur le glyphosate, nous, les Français, avons été à la pointe au niveau européen, en refusant la prolongation de dix ans qui se préparait en 2018. On a dit « on va essayer de sortir en trois ans ». Sur le glyphosate, je n’ai pas réussi. Certains agriculteurs m’ont dit que si on les obligeait à sortir rapidement, ils allaient mettre la clé sous la porte, parce que leurs concurrents espagnols ou italiens, eux, pouvaient continuer à produire. C’est l’erreur que j’ai commise en début de quinquennat : il faut agir sur ces sujets au niveau européen. Cela ne marche pas si on le fait tout seul. Je ne peux pas mettre des agriculteurs dans des impasses et sans solution. On est à l’heure des solutions pratiques.

Hakim Bey. On assiste à une montée des extrêmes. Que comptez-vous faire pour contrer ce phénomène ?

On assiste à une montée des discours d’extrême droite. Il y a une fascination du conflit, du clash, du sensationnel. L’émotion négative prend trop d’importance. Sa sphère de jeu sont les plateaux télé et les réseaux sociaux. On en a vu les conséquences dans la société américaine. On ne peut pas déplorer l’attaque du Capitole et en même temps chérir les causes qui ont produit ces effets. Nous devons nous interroger sur nous-même. Il y a une discipline du débat citoyen. C’est une responsabilité des partis politiques, des médias et des réseaux sociaux, qui orientent nos choix. Il faut combattre la montée des excès, en mettant plus de raison dans le débat collectif et moins de passions négatives. Autant que la montée des extrêmes, c’est l’abstention qui nous guette…

Solène Jalet. Justement, quelles sont les actions concrètes pour inciter les jeunes à voter ?

Si vous ne votez pas, vous donnez plus de poids aux autres. On ne peut pas dire qu’on veut changer la société sans participer. La démocratie, c’est d’abord le vote. Je veux lutter contre une société de l’abstention et de la violence. Vous n’avez pas le droit d’être violent contre les maires, les députés et le président, aussi parce que vous pouvez les changer à chaque échéance. Le vote est une obligation citoyenne. C’est un droit de vote et c’est un devoir de l’exercer. À nous d’innover aussi dans les pratiques.

Solène Jalet. Pourquoi ne pas rendre le vote obligatoire ?

Mais vous êtes obsédée par les obligations (rires) ! Il faut réussir ensemble à bâtir de la confiance. Ce n’est pas quelque chose qui se décrète.

Hakim Bey. Mais, au fait, vous présenterez-vous à la prochaine présidentielle ?

J’aime notre pays, j’ai beaucoup d’ambition pour lui. Je me bats depuis cinq ans pour que cela aille mieux. J’ai plutôt à cœur qu’il continue à aller mieux. Après, le temps viendra… Si je m’exprime aujourd’hui, quelle va être ma capacité à gérer le pic d’une crise sanitaire ? En tout cas, est-ce que je continue à avoir des ambitions, des rêves et des volontés pour notre pays ? Oui. Est-ce le temps des choix personnels alors que j’ai des décisions importantes à prendre à très court terme face à la pandémie ? Non. Est-ce que ce moment va venir, plutôt tôt que tard compte tenu du calendrier ? Oui. Cette décision se consolide en mon for intérieur. J’ai besoin d’être sûr d’être en capacité d’aller aussi loin que ce que je veux.

Marie-Eve Lenegre. Quand on vous voit, on n’imagine pas une seconde que vous ne serez pas candidat !

Il y a sept ans, je n’étais pas en politique. Il y a cinq ans, peu de gens misaient sur votre serviteur. Je ne veux pas garder un mandat pour avoir un mandat. Si je me représente, que je suis réélu et que je me contente de gérer dans un second mandat, dans cinq ou dix ans, les gens me feront des reproches légitimes. Gérer des crises, c’est bon, j’ai connu (sourire). Mais la question, c’est de restaurer la force de notre nation et de faire face aux défis qu’on a évoqués écologiques, éducatifs, sanitaires… C’est ce que je dois conforter dans les semaines qui viennent. Mais il n’y a pas de faux suspense. J’ai envie. Dès qu’il y aura les conditions sanitaires qui le permettent et que j’aurai clarifié ce sujet, en moi-même et par rapport à l’équation politique, je dirai ce qu’il en est avec la même liberté car je ne veux rien m’interdire. J’ai toujours été libre, c’est ce qui m’a permis de faire

Solène Jalet. Cette campagne est marquée par la présence de nombreuses femmes, de Valérie Pécresse à Anne Hidalgo en passant par Marine Le Pen et peut-être Christiane Taubira. Est-ce le moment pour qu’une femme prenne la tête du pays ?

Pour la vie de la nation, c’est une très bonne chose qu’il y ait des femmes candidates. Par ailleurs, il faut continuer à travailler sur un agenda féministe et ce n’est pas uniquement aux femmes de le porter. J’assume d’avoir été plus féministe, il y a cinq ans, que beaucoup de candidates femmes. J’ai parfois été raillé par ceux qui le sont devenus. En octobre 2016, je disais que le premier problème était l’insécurité pour les femmes dans les transports. On a vu que c’était en effet un sujet. On doit continuer à se battre sur l’égalité salariale dans les conseils d’administration, dans les entreprises ou contre les violences faites aux femmes et les féminicides. Les premiers jours de l’année ont montré que ce combat était loin d’être terminé. C’est une honte pour notre pays de voir que plusieurs femmes sont déjà tombées sous les coups de leurs conjoints. Ce n’est pas seulement le sujet des femmes. Mais de tout le monde.