Edito CNN : « Macron a fait de la France la détentrice du pouvoir en Europe »

Le président français Emmanuel Macron et Donald Trump, président des Etats-Unis, ont construit des relations très fortes. Les poignées de main entre les deux hommes (ce 25 mai 2017 en marge du sommet de l’OTAN à Bruxelles) et les festivités du 14 juillet de la même année sont là pour le confirmer.

Les deux s’entretiennent régulièrement au téléphone et cette semaine, Macron sera le premier dirigeant étranger à effectuer une visite officielle aux Etats-Unis depuis la prise de fonction du président américain. Donc, ce n’est vraiment pas une surprise lorsque, dans une interview de deux heures (sur BFMTV), le président Macron a reconnu être le facteur décisif derrière la politique de Trump en Syrie.

« Il y a dix ans, le président Trump disait que la volonté des Etats-Unis était de se désengager de la Syrie. Nous l’avons convaincu qu’il était nécessaire qu’ils y restent. Nous l’avons convaincu qu’il était nécessaire de mener ces frappes contre des sites d’armes chimiques malgré les agitations médiatiques concernant ses twittes », a déclaré Macron.

(…). A 40 ans, Macron s’est présenté comme un chef d’Etat frère qui procure ses conseils à un président américain impétueux : le chuchoteur de Trump. La Maison Blanche n’était pas content et il n’a pas fallu longtemps pour qu’elle fournisse une réponse déconcertante, minimisant l’influence de Macron.

La Mission des Etats-Unis en Syrie « n’avait pas changé », avait déclaré Sarah Sanders, chargée de presse de la Maison Blanche dans un communiqué. « Le président a été clair sur le fait qu’il veut que les forces américaines retournent au pays dès que possible. Nous sommes déterminés à écraser Etat Islamique et créer les conditions qui empêcheront son retour », avait-elle ajouté.

L’interview de Macron sur BFMTV avait pour but de marquer la première année de l’arrivée du président français à la tête de la France. Néanmoins, le timing de l’interview menée au lendemain des frappes en Syrie signifie aussi que le président devait expliquer aux Français pourquoi avoir ordonné les avions de guerre français à lancer une dizaine de missiles contre la Syrie.

Dès ce lundi matin, Macron essayait de faire traîner son faux pas diplomatique : en acceptant à la fois d’être sur la même longueur d’onde que la Maison Blanche et de confirmer ses propos. « Je ne dis pas que ni les Etats-Unis ni la France ne resterons militairement engagés en Syrie », a-t-il d’ailleurs insisté lors d’une conférence de presse avec Jacinda Ardern, premier ministre néo-zélandais.

« Oui, la Maison Blanche a raison de dire que l’engagement militaire est contre le groupe Etat Islamique et se terminera le jour où la guerre contre Etat Islamique sera terminée. La France a la même position. Mais oui, j’ai raison de dire que les  Etats-Unis (parce qu’ils ont décidé de mener cette intervention avec nous) ont compris que notre responsabilité va au-delà de la guerre contre Etat Islamique », disait Macron.

Macron veut remettre la France au centre du monde. Dans les  jours qui ont précédé l’attaque, il avait courageusement déclaré que la France avait des « preuves » que le régime syrien avait mené une attaque chimique contre sa population, même s’il n’a pas encore fourni des preuves.

Le Palais de l’Elysée avait également mis en ligne une rare vidéo patriotique disant que « le pays endosserait ses responsabilités ». Macron est un visionnaire et tout comme Trump, il utilise Twitter pour obtenir un effet majeur. Plutôt que d’émettre une annonce autoritaire des frappes contre la Syrie depuis l’Elysées, il a préféré montré sur twitter des photos de lui et de ses commandants à qui il a donné l’ordre de frapper la Syrie qu’il accuse d’avoir « franchi la ligne rouge ».

La tentative de Macron de se présenter en tant qu’homme influent et raisonnable différend de Donald Trump obéit à un modèle dans lequel il (Macron) cherche à être le dirigeant politique le viable de l’Europe, particulièrement lorsqu’il s’agit d’être en première ligne d’une attaque diplomatique contre la Russie.

En Grande-Bretagne, la première ministre, Theresa May, est empêtrée dans une bataille diplomatique contre Moscou concernant l’empoisonnement d’un ancien espion russe sur le sol britannique. Elle s’est aussi s’attirée les foudres des députés britanniques qui lui reprochent le fait de ne pas avoir consulté le parlement avant d’ordonner des frappes contre la Syrie. Macron, pour sa part, a simplement ignoré les critiques de l’opposition française qui a mené un débat sans importance et sans aucun vote à l’Assemblée Nationale.

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel jouait auparavant le rôle de négociatrice entre les Etats-Unis et la Russie. Mais, trop soucieuse de renforcer sa faible coalition à la suite d’une élection désastreuse, elle a été supplantée par les efforts d’Emmanuel Macron qui a été très dynamique.

Quelques heures avant d’ordonner des frappes militaires, Macron s’entretenait au téléphone avec le président russe, Vladimir Poutine, à qui il a réitéré sa volonté de visiter Moscou en Mai.

Macron est peut-être allé trop en soulignant son influence sur la prise de décision de Trump. Mais, la relation solide entre les deux hommes (Macron et Trump) est inébranlable et son message, envoyé à Moscou et aux autres, est clair : la France est le détenteur du pouvoir en Europe.

Edito signé: Atika Shubert, journaliste CNN

L’édito a été traduit du français à l’anglais par Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com

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