Fin de l’abondance : Macron prévient : « le dernier quinquennat va tuer l’état-providence français : il faut l’accepter ou périr »

(Edito)

« Nous vivons la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance ». Cette phrase choc d’Emmanuel Macron a déclenché, en France, une polémique sans précédent qui a fait réagir toute la classe politique, à gauche comme à droite.

Les propos de Macron ont été prononcés ce 24 août lors d’un point de presse, à l’Elysée, à seulement moins d’une semaine de la rentrée. Face aux journalistes, le plus jeune président de la Vème République qui entame un second mandat décisif a lancé un message fort à ses concitoyens : l’Etat-providence français, tant vanté dans le monde, arrive à sa fin. Et, comme en Espagne, en Grèce, en Italie et au Portugal, il faudra faire avec.

Dans l’interview accordée à la presse, Macron n’a pas choisi ses mots au hasard. En effet, face aux Français, il a mené un véritable travail psychologique, en préparant les esprits. Ainsi, il a ouvertement parlé de « grande bascule » et de « grand bouleversement » en soulignant notamment la fin des liquidités sans coût (le fameux ‘quoi qu’il en coûte’), la fin de l’abondance de produits et de technologies dont la disponibilité semblait perpétuelle… Et là, tout est dit.

Cependant, il est très intéressant de faire remarquer que dans l’interview du chef de l’Etat, il n’y a eu que cette partie de son discours à avoir attiré une attention toute particulière de l’opinion publique et les réactions sur les réseaux sociaux le confirment. Les Français, dans leur immense majorité, ont été cueillis à froid, totalement désaxés d’entendre de la bouche de leur président que l’abondance (que beaucoup disent n’avoir jamais connue d’ailleurs) est morte et enterrée.

Mais, trop naïfs sont celles et ceux qui s’offusquent des propos tenus par Emmanuel Macron car ce qu’ils n’ont toujours pas compris, c’est que le plus jeune président de la Vème République, ex banquier d’affaires, a justement été mis à la tête de la France pour mettre fin à l’Etat-providence dont jouissait encore ce pays, le seul en Europe.

En Grèce, en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne, des politiques extrêmement austères, mises en place ces dernières années et imposées par Bruxelles pour faire face aux récentes crises financières, ont fini par mettre ces pays presque à genoux, réduisant du jour au lendemain les citoyens à une main-d’œuvre quasi gratuite, corvéable à souhait et prête à tout accepter pour survivre.

Pendant ce temps, la France baignait dans une « abondance » incommensurable qui faisait rêver tous ses voisins. Les frais de scolarité universitaire étaient parmi les plus faibles en Europe. Les retraités jouissaient d’un traitement plus favorable que leurs voisins européens, les aides sociales estimées à des milliards d’euros et l’accès aux soins à des tarifs extrêmement avantageux avaient fini par transformer ce pays en une espèce d’El Dorado dans une Europe en pleine crise sociale. Mais, la fiesta ne pouvait plus continuer. Car, depuis Bruxelles, cet Etat-providence français était très mal vu et il fallait y mettre fin immédiatement.

En France, le peuple semble n’avoir rien vu venir, d’où sa stupeur suite à la mise en garde de Macron sur la fin de l’abondance. Pourtant, ailleurs, des observateurs plus avertis nous avaient déjà prévenus. En effet, je me rappelle d’un excellent édito du journaliste britannique Cole Strangler consacré à la grève générale du 5 décembre 2019 qui avait paralysé tout le pays.

Dans l’analyse intégralement lue et traduite par Lecourrier-du-soir.com, le Britannique ne s’était pas trompé. Parlant des manœuvres du président français de détruire l’Etat-providence français, Cole Strangler écrivait ceci : « Macron en est à sa dernière tentative de détruire le filet de protection des Français. Demain, le peuple va résister ».

Sur la réforme des retraites, le journaliste britannique étrille l’élite politique française. « Les autorités ont défendu leurs ambitions avec le langage du républicanisme français, promettant de mettre en place un ‘système universel’ dans lequel tout le monde est traité de manière équitable. Mais, ce qu’elles oublient de mentionner, c’est que le nouveau système serait pire que celui en vigueur », prévenait-il.

Plus loin, le journaliste s’en prend ouvertement à Macron dans un langage cru. « Le soutien au mouvement a été provoqué par le bilan économique général de Macron. Et la réforme des retraites n’est que sa dernière tentative de tailler sur les avantages d’un Etat-providence. En effet, depuis sa prise de fonction en 2017, le président n’a cessé de tailler sur les avantages de l’assurance-chômage et a facilité le licenciement aux entreprises tout en contrôlant le coût des services publics », dénonce-t-il.

Et d’ajouter : « Pendant ce temps, Macron a remplacé l’impôt sur la fortune (qui s’appliquait jadis à tous ceux qui disposaient de biens estimés à 1,3 millions d’euros) par l’impôt sur la fortune immobilière. Pendant que les Gilets Jaunes tentent de se faire entendre de manière dramatique, les Français ordinaires sont de plus en plus obligés de faire des sacrifices au moment où les plus riches se partagent le gâteau du pouvoir. S’il y a un fondement qui tient le Macronisme (une vision qui lie ces nombreuses réformes), c’est l’idée que la France doit être plus attractive pour le monde des affaires. Ceci a toujours été une obsession du lobby des affaires qui gouverne la France, le MEDEF. Et, cette idée ne s’est accélérée que depuis les années 1980 lorsque les voisins de la France ont commencé à poursuivre des réformes favorables au monde des affaires à un rythme plus rapide.  Regrettant n’avoir jamais trouvé son Reagan ou sa Thatcher, l’élite française partage désormais le sentiment que le pays a connu une régression sur le plan économique. Elle déplore le fait qu’il y ait trop de bureaucratie, trop de règles favorables aux travailleurs, que les dépenses publiques injustes évincent le secteur privé. Le système de retraite est révélateur de ces frustrations : là où les retraités voient des avantages obtenus au bout de plusieurs années de dur travail, les patrons et les réformateurs y voient un dinosaure coûteux alimenté par les impôts sur les salaires ».

Nul besoin de commenter les propos extrêmement limpides de l’analyste britannique qui avait tout vu venir dès 2019. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a échappé à personne que dès son arrivée au pouvoir, le plus jeune président de la Vème République a montré son vrai visage aux Français en tentant de leur imposer des mesures extrêmement sévères qui semblent d’ailleurs lui avoir été dictées par Bruxelles à savoir : la fin du statut des cheminots, la réforme des retraites, le refus de mettre en place l’impôt sur la fortune, la reforme du système éducatif…

Très fragilisé par la crise des Gilets Jaunes qui a asséné un coup dur à sa gestion du pouvoir, l’ex homme fort de Bercy a dû mettre toutes ces réformes en stand-by pour se réconcilier avec une France très en colère mais aussi et surtout éviter d’embraser le pays.

Mais, ça, c’était avant. Avec son deuxième mandat en poche, Macron sait qu’il n’a plus rien à perdre et joue son va-tout pour mener ses réformes à tout prix.

Les Français sont prévenus : l’abondance (autrement dit, l’état-providence) appartient désormais au passé.