France : 350 avocats et magistrats dénoncent les menaces contre Lucie Simon, avocate de l’Imam Hassan Iquioussen

Dans une tribune publiée ce 09 septembre par Libération, un collectif d’avocats dénonce les messages de haine qui visent Lucie Simon, l’avocate de l’Imam Hassan Iquioussen, porté disparu depuis plus d’une semaine alors qu’il était visé par une procédure d’expulsion du territoire français. 

Dans la tribune lue par Lecourrier-du-soir.com, le collectif dénonce les attaques qui visent cette avocate sur les réseaux sociaux

Lecourrier-du-soir.com vous invite à lire la tribune dans sa version intégrale

Excellente lecture 

« La haine, vulgaire et lâche, jetée au visage d’une avocate qui a simplement fait son métier. Métier que l’on caricature, que l’on insulte, que l’on salit. Reprocher à un avocat de défendre un homme, quoi qu’il ait fait, c’est lui refuser toute nuance, toute distance, avec celui qu’il défend. Le reprocher à une femme, c’est en outre nier toute dimension professionnelle à son engagement, c’est lui refuser toute objectivité en pensant, aussi bêtement qu’indécemment, qu’elle ne peut défendre qu’en raison d’une attraction supposée à l’égard de son client. «On te retrouvera et tu seras jugée par le tribunal du peuple.» La haine, encore, jetée au visage d’une magistrate cette fois pour avoir, avec ses collègues, simplement rendu la justice.

Défendre, c’est contredire, c’est opposer, assister, épauler, soutenir un homme que la vindicte accuse, la bave aux lèvres, de tous les maux. Juger, c’est décider, en toute indépendance et dans l’intimité de sa conscience, au vu d’une loi qui fait société, qu’un homme mérite ou non d’être condamné, sanctionné, expulsé. Défendre, juger, c’est œuvrer, chacun à son échelle et dans le respect de ses prérogatives, au fonctionnement d’une justice commune.

La justice doit demeurer libre

Menacer un avocat, menacer un magistrat, c’est avant tout menacer l’Etat de droit, c’est au fond dire de la justice qu’elle n’existe pas ou plus exactement que l’on peut faire sans elle. Menacer un avocat, menacer un magistrat, c’est aussi dire à la justice qu’elle n’est rien qu’un obstacle entre celui que l’on accuse et le châtiment public qu’après tout il mérite. S’en prendre à ces deux fonctions, c’est au fond dire qu’elles ne sont pas légitimes. S’en prendre à celles qui les incarnent, c’est également s’en prendre à des auxiliaires d’une justice méprisée par ceux qui devraient, au contraire, toujours la protéger. Car si notre consœur n’est pas le premier avocat à faire l’objet de menaces (bien que leur caractère profondément sexiste et raciste, tout comme leur expression, sont symptomatiques de notre temps), force est de constater que cette haine, souvent silencieuse, s’est ici fait entendre parce qu’on lui a ouvert la voie.

La justice ne peut être rendue sur Twitter, tout comme elle ne peut être instrumentalisée par des ministres qui la veulent au service de leurs ambitions politiques, ou comme relais des signaux qu’ils veulent émettre. Elle doit demeurer libre, indépendante et préservée d’un jeu médiatique cynique, grossier, outrancier. Chercher à lui extorquer des décisions, menacer ses acteurs, c’est non seulement faire le lit de ceux qui veulent l’abattre, mais également celui de ceux qui la croient aux ordres et qui, partant, n’en attendent plus rien. Menacée, outragée, la justice, prétendument aveugle, ne doit pas rester muette »

Parmi les 350 signataires : Romain Ruiz, avocat au barreau de Paris, Nino Arnaud, avocat au barreau de Marseille, Jacqueline Laffont, avocate au barreau de Paris, Florence Nikolic, magistrate, Claire Dujardin, avocate au barreau de Toulouse et Présidente du SAF, Vincent Brenghart, avocat au barreau de Paris, Corinne Dreyfus-Shmidt, avocate au barreau de Paris, Olivia Ronen, avocate au barreau de Paris, Maya Lino, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis, Raphaël Kempf, avocat au barreau de Paris, William Bourdon, avocat au barreau de Paris, Nathalie Rubio, magistrate, Pascale Taelmann, avocate au barreau du Val-de-Marne et ancienne bâtonnière du Val-de-Marne, Stéphane Maugendre, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, Elise Arfi, avocate au barreau de Paris et membre du Conseil de l’Ordre, Marie Asso, greffière, Héloïse Cabot, avocate au barreau de Paris…