Un pas de plus vers la mort de la liberté d’expression. L’Assemblée Nationale française a adopté ce mardi une proposition de résolution contre l’antisémitisme. La dite proposition très controversée a été promue par Sylvain Maillard, député de la République En Marche (LREM). Sur les 577 députés au Parlement, 154 ont voté pour et 72 contre.
Nul besoin d’entrer dans les détails. Il faudra, cependant, se focaliser sur le danger que représente une telle proposition qui, il faut bien le souligner, est en l’état actuel sans valeur contraignante. Néanmoins, il est important de souligner un amalgame posé par la résolution qui consiste à associer l’antisionisme à une forme d’antisémitisme.
Lutter contre l’antisémitisme est une obligation pour tout Etat démocratique. Plus de 50 ans après la fin de l’Holocauste, l’on ne saurait accepter, ni même concevoir en ce 21ème siècle l’idée qu’une personne juive soit stigmatisée, insultée, menacée, voire assassinée parce que juive.
Nous sommes tous d’accord sur ce point. Et toute personne qui refuse que l’antisémitisme soit condamnée mérite, à mon avis, d’être sanctionnée par la justice, au même titre que toute personne proférant des chants ou messages racistes envers des personnes de couleur différente (noir, blanc…).
Cependant, il est d’une importance capitale de souligner que le sionisme n’est pas une idéologie. C’est une organisation née au début du 20ème siècle avec l’unique but de conférer au peuple juif une terre aujourd’hui appelée Israël. Parmi les personnalités clés de cette organisation, on peut citer le chimiste Hayim Weizmann, lequel entretenait d’excellentes relations avec Lloyd Balfour qui était devenu son chef hiérarchique dans le gouvernement britannique.
Je rappelle que ce même Balfour a donné naissance à la fameuse Déclaration Balfour du 2 novembre 1917, laquelle Déclaration donnera naissance à l’Etat d’Israël qui a obtenu son indépendance le 14 mai 1948. La Déclaration Balfour comprenait deux points essentiels : la reconstruction de la Palestine en tant foyer national juif et le soutien du gouvernement britannique à la réalisation de ce projet.
Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’avant la création de cet Etat juif, la Palestine existait déjà. Le sionisme avait pour but non pas de trouver une terre au peuple juif, mais de lui offrir toute cette partie du monde, ce qui a dû susciter la colère des Arabes qui se sont sentis trahis par un gouvernement colonial britannique qui non seulement a fermé les yeux sur une injustice, mais qui y a pris part entièrement.
Je tiens à rappeler que le projet sioniste (qui a donné lieu à la Déclaration Balfour de 1917) ne faisait pas l’unanimité au sein du peuple juif. En effet, à l’époque, les juifs non sionistes avaient immédiatement saisi Lionel de Rothschild, président de la Ligue des Juifs Britanniques, lui demandant de faire pression sur l’ex premier ministre britannique Lloyd George afin qu’il empêche le développement d’un foyer national juif.
Allez-vous me dire que ces juifs là étaient antisémites ? Non. Ils ne l’étaient pas. Mais, ils étaient conscients que la création d’un Etat juif dans une terre qui appartenait déjà à une population palestinienne arabe et musulmane n’allait créer que des conflits entre deux communautés qui peuvent en aucun cas cohabiter. Et plus de 50 ans après, ils avaient raison.
Aujourd’hui, les sionistes (et non pas les juifs) ont rendu la cohabitation presque impossible entre Palestiniens et Israéliens en approuvant toute politique de colonisation mise en place par l’Etat d’Israël défiant toutes les résolutions internationales. Et cette politique mérite d’être condamnée.
En conséquence, ce serait simpliste voire extrêmement périlleux d’associer antisionisme à antisémitisme. Ce serait une nouvelle forme de faire taire toute critique de la politique de l’Etat d’Israël au Moyen-Orient. Les antisionistes ne sont pas forcément des antisémites. Ils n’ont pas de problème avec les juifs mais plutôt avec un Etat dont la politique contre la population palestinienne pose parfois un sérieux problème moral.
Cette résolution du député Maillard est d’une gravité extrême et devrait être rejetée par toutes celles et tous ceux qui ne voudraient pas voir mourir la liberté d’expression dans ce pays. Sur le conflit israélo-palestinien, on ne saurait taire des voix ou chercher à faire pression sur des esprits libres afin qu’ils ne défendent qu’un seul camp, qui est aujourd’hui celui du plus fort.
Je ne dis pas que le peuple palestinien est exempt de critiques. Le Hamas est un sérieux problème et son discours anti-Israël et ouvertement antisémite n’aide pas à apaiser les tensions. Néanmoins, nous ne pouvons nous taire quand des maisons appartenant à des palestiniens sont rasées et quand des palestiniens sont expulsés de leurs terres vers d’autres pays voisins, comme c’est le cas en ce moment.
L’antisionisme ne peut pas être considéré comme un délit, ni un crime. Cependant, l’antisémitisme doit être condamné avec la plus grande énergie.