France : un an après son élection, si le même bilan se répète, Macron est fini politiquement

7 mai 2017-7 mai 2018. Un an après l’arrivée de Macron à la tête de la France, l’heure est au bilan. Le plus jeune président de la Vème République n’a pas à s’inquiéter. Quel que soit le bilan, il est sûr de diriger la France jusqu’en 2022. Toutefois, il est évident aujourd’hui, compte tenu de la situation actuelle, qu’un second mandat d’Emmanuel Macron est d’ores et déjà compromis.

Lorsque Macron a été élu le 7 mai 2017 en tant que président de la France, il venait de d’entrer dans l’Histoire de ce grand pays. Emmanuel Macron peut se targuer d’être le plus jeune président de la Vème République, mais surtout d’avoir réussi à arracher le pouvoir à la gauche et à la droite qui se le partagent depuis plusieurs décennies.

Il a en effet été élu sous l’étiquette d’En Marche. Et après avoir pourtant occupé le prestigieux poste de ministre de l’Economie d’un gouvernement socialiste, il n’a pas hésité à désavouer la gauche, refusant catégoriquement l’étiquette de candidat socialiste.  Dans un déplacement au Puy du Fou, il avait déclaré devant les journalistes : « je ne suis pas socialiste ».

Ce qui doit être retenu dans l’élection de Macron est que l’homme politique qui ne s’est revendiqué ni de gauche ni de droite a obtenu une couverture médiatique faste jamais obtenu par un candidat à la présidentielle. Je me permets de rependre un extrait d’une analyse de Marie Bénilde publié en 2017 dans le Monde-Diplomatique et intitulé : « Emmanuel Macron, fabriqué pour servir : le candidat des Médias ».

Marie Bénilde commence son analyse en ces termes : « le succès d’un candidat inconnu du public il y a trois ans ne s’explique pas seulement par la décomposition du système politique français. Inventeur d’une nouvelle manière de promouvoir les vieilles idées sociales-libérales qui ont valu au président François Hollande des records d’impopularité, M. Emmanuel Macron a trouvé dans les médias un solide point d’appui. Son histoire ressemble à un rêve d’éditorialiste ».

En 2016, bien avant son élection, Le Figaro avait déjà attiré notre attention dans un article intitulé : « Emmanuel Macron : chouchou des Français ou chouchou des médias ? ». Dans l’article datant du 11 mars 2016, le politologue et professeur à Sciences Po Paris, Thomas Guénolé, répondant aux questions du Figaro, trouvait la « starification » de Macron « absolument disproportionnée ».

Je retiens une partie de l’interview où le politologue déclare ceci : « (…) la ‘stratification’  dont bénéficie Emmanuel Macron ces dernières semaines dans plusieurs médias est absolument  disproportionnée par rapport à son capital de sympathie dans la population ».

Il est évident que le rôle joué par les médias a beaucoup contribué à son élection. Je ne remets pas en cause son large victoire à la présidentielle et aux législatives 2017. Mais, je fais remarquer qu’il n’était pas le meilleur des candidats. Macron était simplement le candidat des médias, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis.

Le cas des Etats-Unis est encore plus spectaculaire. En Juin 2017, un mois après son élection, un article d’opinion publié sur CNN titrait : « Macron, l’homme fort de 39 ans dont l’Europe a besoin ». Et chez les médias conservateurs, Macron fait encore rêver. Ce n’est pas pour rien que le très puissant Financial Times a consacré ce 7 janvier 2018 un article d’opinion à Macron intitulé : « Emmanuel Macron peut réussir là où d’autres ont échoué ».

Un an après son élection, Macron fait certes rêver les médias internationaux. Cependant, en France, ce n’est plus le cas. L’effet Macron s’estompe peu à peu. Preuve de ce désenchantement médiatique : les médias français ont largement relayé les irrégularités notées dans ces comptes de campagne. Chose inimaginable il y a six mois. Je vous le  dis : si les médias creusent un peu, ils trouveront des éléments qui risquent d’accabler un candidat presque à terre et qui ne fait plus rêver.

Toute la difficulté de Macron réside dans sa volonté de vouloir réformer la France à la va-vite. Je rappelle que cette stratégie de réformer très vite un pays qui fait face à une crise socio-économique (chômage, pouvoir d’achat, immigration) sans précédent est une directive qui vient directement de l’Union Européenne.

En effet, en juillet 2017 (trois mois après l’élection de Macron), le message de l’UE a été très clair. Dans une interview accordée à CNBC, Jyrki Katainen, une des plus importantes autorités de la Commission Européenne, invitait Macron à aller vite dans ses réformes.  « En tant que premier ministre de la Finlande, je peux vous dire que plus les réformes passent vite, mieux c’est. Et ainsi, le reste du mandat, tu en profiteras pour récolter les fruits de ces réformes », disait-il. Une directive que Macron doit impérativement appliquée au risque de perdre la confiance de ses partenaires de l’UE qui ont largement contribué à son élection.

Au niveau national, tout change. Juillet 2017, deux mois après son élection, il obtient l’autorisation de 270 députés pour légiférer par ordonnances sur la réforme de la Loi Travail. Un mois plus tard, dans une interview accordée au Parisien, son premier ministre Edouard Philippe défie les opposants à cette loi. A la question de savoir si le texte de la Loi Travail fait la part belle aux revendications patronales, il rétorque : « je ne suis pas là pour faire plaisir à tel ou tel, je suis là pour mettre en œuvre les engagements du président de la République et pour faire redémarrer le pays ».

Après la baisse des APL et la hausse de la CSG, deux mesures très impopulaires auprès des Français, Macron ne recule devant rien. En février, son premier ministre annonce la fin du statut des cheminots. Là également, le message est clair : « le statut de la SNCF est particulièrement rigide. Or, le monde change. La SNCF doit changer aussi. Face à ses concurrents, la SNCF ne peut plus rester la seule à recruter au statut ». Tout est dit !

8 avril, malgré les fortes pressions des syndicats français qui menacent de perturber le trafic ferroviaire à travers une série de grèves, l’Exécutif reste indifférent aux revendications sociales. « Je vois que certains soutiennent ce mouvement de grève, d’autres le critiquent. En tout cas, moi, je reçois des messages de Français qui soutiennent le gouvernement, en disant qu’il faut aller jusqu’au bout. Et bien, c’est ce que nous allons faire », insiste Edouard Philippe dans une interview accordée au Parisien le 7 août 2018.

C’est intéressant de noter que malgré cette crise sociale sans précédent qui marque la première année de Macron à la tête de la France, les médias conservateurs ne veulent surtout pas lâcher leur dernier espoir. Ce 4 mai, le très puissant média américain Bloomberg (ex Business Week)  a titré : « Les Banques Françaises ont besoin de la touche Macron ». Et ce 22 avril, le très prestigieux centre de recherche Brooking Institutions adoube le président français : « le ‘Miracle Macron’ pourrait transformer la France en une puissance internationale ».

Je pourrais passer des heures et des heures sur le bilan du très charismatique président français qui, il faut bien le reconnaître, est un grand homme qui mérite tout mon respect. Cependant, sa politique économique qui divise fortement la France démontre qu’il n’est pas le Messie tant attendu pour délivrer son pays plongé dans une crise économique sans précédent et qui bascule petit à petit vers un « MAI 68 bis ».

Un an après son arrivée à la tête de la France, force est de reconnaître que Macron jouit d’une très belle image à l’international, mais ne fait plus rêver au niveau national. Le  constat est là : les sondages ne jouent plus en sa faveur et les médias français prennent leur distance petit à petit. Une situation favorable aux syndicats et aux mouvements ouvriers qui ont repris du poil de la bête ces derniers mois.

Je vous le dis ici : si le même bilan se répète, Macron peut dire adieu à un second mandat.

Edito signé : Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com basé à Paris.

Email : cheikhdieng05@gmail.com