Gilets jaunes contre Emmanuel Macron : d’erreurs en erreurs jusqu’au désastre !

(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG)

Jusqu’où va aller ce bras de fer Gilets Jaunes vs Gouvernement ? Personnellement, je ne détiens pas la réponse à cette question, mais je crains le pire. J’avais publié un article ce 27 novembre prédisant une fin tragique du mandat de Macron si sa stratégie politique ne change pas.

Je tiens à préciser ici que je ne souhaite en aucun cas que la France (ni aucun autre pays au monde) bascule dans la violence. Et je pense que, dans une grande démocratie telle que la France, tous les moyens doivent être dès à présent mis en œuvre pour éviter le chaos qui commence à prendre forme dans ce pays.

Depuis le 17 novembre, date à laquelle les gilets jaunes ont organisé leur première manifestation au niveau national et dans les DOM-TOM dénonçant la hausse des prix du carburant et des impôts, la situation est devenue insoutenable et est loin de connaître une accalmie. Chaque jour qui passe semble nous mener vers une confrontation entre populations et leurs élus.

Je sais que mon modeste point de vue ne compte pas dans un conflit social aussi grave que celui-ci et qui rappelle à certains « Mai 68 ». Toutefois, je me permets de tirer la sonnette d’alarme car tout ce qui se passe depuis le 17 ne rassure pas. La colère du bas peuple est montée d’un cran, des scènes d’une rare violence sont filmées dans les rues de Paris (et en province) et la violence policière contre des manifestants, jusque-là désarmés, risque d’envenimer une situation déjà délétère.

Face à une grogne populaire d’une telle ampleur menée par des leaders presque inconnus du grand public, face à la tentative de récupération du mouvement par des hommes politiques (de droite comme de gauche) qui, depuis plusieurs jours, appellent à durcir le bras de fer, l’Exécutif doit savoir calmer le jeu, offrant une victoire, ne serait-ce que symbolique, à ses adversaires. Macron ne gagne rien en voulant à tout prix remporter une bataille déjà perdue.

Le bras de fer qui oppose gilets jaunes à Emmanuel Macron est surréaliste. Il est évident que sociologues, politologues et historiens ne manqueront pas d’idées pour commenter l’une des crises sociales les plus violentes que la France ait connue ces dernières années. Pour mettre fin à cette tension sociale, l’un des deux partis doit accepter de capituler. Sinon, nous irons tout droit vers le pire.

Je trouve tout à fait légitime qu’un peuple puisse se soulever pour réclamer ses droits et exprimer son ras-le-bol au moment où une partie de la population subit, de plein fouet, les conséquences directes d’une politique économique extrêmement sévère. La même politique qui a fini par paupériser Italiens, Grecs, Espagnols et Portugais et qui réduit, depuis au moins 100 ans, l’Afrique à l’état d’esclave.

Néanmoins, je constate, à ma grande surprise, que cette crise va au-delà d’une simple revendication. En réalité, la hausse des prix du carburant a été un tremplin ayant servi à la mise en place d’un mouvement devenu très politique. S’il y a une chose que je reproche aux gilets jaunes, c’est bien cela.

Permettez-moi de revenir sur quelques-unes de leurs revendications. Les gilets jaunes exigent en effet du gouvernement qu’il revoie à la baisse toutes les taxes, la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) ainsi que la taxe carbone et qu’il supprime le projet de loi visant à interdire le gasoil routier « fioul rouge » (pour les agriculteurs). Ils exigent aussi l’interdiction du glyphosate, l’annulation de la loi du biocarburant à l’huile de palme (gaz de schiste, OGM)…

La liste est longue mais je trouve que sur le plan écologique, les revendications sont tout de même cohérentes et légitimes. Toutefois, si on pousse un peu, on se rend compte du caractère utopiste de certaines de leurs revendications très politiques et qui, à ce que je sache, n’avaient à l’origine rien à avoir avec la genèse du mouvement.

En effet, au-delà de la question écologique, les gilets jaunes revendiquent une plus fréquente consultation du peuple, par voie de référendum mais aussi local et la suppression du Sénat. Ils exigent également que du gouvernement qu’il reconnaisse et comptabilise le vote blanc aux différents scrutins électoraux ainsi que la promulgation des lois par les citoyens eux-mêmes.

Je n’ai rien contre ces revendications, mais j’estime que ce serait plus efficace pour ce mouvement de se focaliser sur la question de la hausse des carburants et des impôts qui me semblent plus urgente. Toute autre considération d’ordre politique, à mon avis, peut attendre.

La liste des revendications n’est pas exhaustive. Toutefois, j’estime que se focaliser sur les priorités du moment permettrait de sortir de l’impasse. Je salue le courage des gilets jaunes qui mènent un combat qui profitera à tous les Français. Néanmoins, ils doivent comprendre que la persistance de cette crise sociale risque d’avoir des conséquences désastreuses pour la France.

De l’autre côté, j’ai du mal à comprendre l’attitude du gouvernement qui s’entête à vouloir à tout prix tenir le cap. Je rappelle que malgré la pression de la rue, ce mercredi, Edouard Philippe, premier ministre, a confirmé que le gouvernement maintient la hausse des taxes au 1er janvier. Un signe que le gouvernement est loin de céder à la pression, ce qui complique davantage la situation.

Je souligne qu’au moment où j’écris ces lignes, 84% des Français soutiennent les gilets jaunes, laissant le gouvernement de plus en plus seul dans un contexte extrêmement difficile pour Macron qui bat des records d’impopularité (26%). Face à une telle situation, renoncer au bras de fer serait, à mon avis, la meilleure solution pour sortir de la crise.

Le refus du gouvernement de capituler et la radicalisation des leaders du mouvement dont l’un des porte-paroles, Eric Drouet, a annoncé ce jeudi qu’il ne se rendra pas à Matignon où une rencontre est prévue avec Edouard Philippe ce vendredi 30 novembre risquent de plonger la France dans une crise plus profonde.

Si les gilets jaunes pensent que toutes leurs revendications seront satisfaites, ils se trompent. Si l’Exécutif pense qu’il peut mener sa politique économique sans coup férir, c’est qu’il n’a rien compris. Gilets jaunes et Exécutif savent pertinemment qu’il y a moyens de mettre fin à cette crise mais refusent de céder. Toutes ces erreurs commises dans des deux côtés pourraient nous mener tout droit vers le désastre.

Cheikh DIENG est rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com, média neutre et indépendant.

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Twitter : @Cheikh_Redac