Une analyse de Kareem Salem étudiant en relations internationales.
Le président des États-Unis, Donald Trump a annoncé le 10 septembre le limogeage de John Bolton, son conseiller à la sécurité nationale. Contributeur régulier à Fox News et analyste à l’American Enterprise Institute, think tank conservateur de Washington, Bolton s’était positionné à la droite du Parti républicain sur les questions stratégiques. Pendant son mandat de conseiller à la sécurité nationale, les observateurs l’ont qualifié de « faucon parmi les faucons » ou de « diable ultraconservateur » suspecté de vouloir une confrontation militaire avec les Iraniens. En effet, Bolton a profité de la démission de l’ancien secrétaire à la Défense, James Mattis pour pousser Washington vers une confrontation militaire avec l’Iran (Blavignat 2019). Il convient de noter que Bolton avait poussé la Maison-Blanche à désigner les gardians de la Révolution iranienne comme une « organisation terroriste » (Beinart 2019).
L’ancien conseiller du président Trump est également un partisan équivoque de Benjamin Nétanyahu, qui a soutenu la reconnaissance de la ville de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert de l’ambassade des États-Unis à la ville sainte. Bolton avait été le principal point de contact à l’intérieur de la Maison-Blanche pour les tentatives de Nétanyahu d’organiser un « geste électoral » de dernière minute dans lequel Trump le soutiendrait pour un nouveau mandat de Premier ministre (Tibon 2019). Par conséquent, il est nécessaire d’analyser si le licenciement de Bolton conduira à un changement dans la politique de l’administration Trump au Moyen-Orient.
La politique coercitive de Trump à l’égard de l’Iran se poursuivra.
Les récentes tensions au Moyen-Orient, où des installations pétrolières saoudiennes ont été attaquées à Abqaiq et Khurais, inciteront la Maison-Blanche à maintenir les sanctions économiques contre le régime chiite. En effet, Trump a souligné cette semaine sa volonté de renforcer davantage les sanctions économiques contre le régime chiite (Macias et Pramuk 2019). Alors que les rebelles houthistes du Yémen, ont revendiqué cette action, le gouvernement américain estime que cette attaque a été menée depuis le sol iranien et que des missiles de croisière ont été utilisés (Detsch 2019).
Ces attaques ont eu un impact sur les marchés financiers. Le prix du Brent coté à Londres a enregistré la plus forte progression de son histoire le lundi 16 septembre, en clôturant en hausse de 14,6%, à 69 dollars (Wakim 2019). Bien que le prix du Brent ait chuté de 6,5% le lendemain, en clôturant à 65 dollars. Cela s’explique par le fait que le ministre saoudien de l’énergie avait déclaré que le royaume saoudien avait rétabli la moitié de la production perdue et que la production sera complètement restaurée à la fin du mois de septembre (England, Raval, Sheppard et Sevastopulo 2019).
Toutefois, certains proches du ministre saoudien de l’énergie doutent que les installations pétrolières puissent être restaurées dans un court laps de temps. Une personne proche du ministre a déclaré au Financial Times que les réparations se poursuivront au moins jusqu’à la fin du mois d’octobre (England et al., 2019).
Les relations américano-israéliennes resteront prospères.
La politique de l’administration Trump à l’égard d’Israël restera forte, que ce soit Benny Gantz ou Benjamin Nétanyahu en tant que nouveau Premier ministre. Les résultats des élections législatives israéliennes confirment qu’à l’heure actuelle aucun des deux candidats n’a de majorité pour former un gouvernement.
Depuis le commencement de son mandat, le soutien de Trump au gouvernement israélien est sans réserve (Duteil 2018). En nommant David Friedman l’ambassadeur des États-Unis auprès d’Israël, Trump a voulu souligner le soutien de la Maison-Blanche aux ambitions du gouvernement Nétanyahu d’annexer les territoires palestiniens de Cisjordanie. L’actuel ambassadeur américain est un farouche partisan de la colonisation et un membre actif des Amis de la colonie de Bert El, en Cisjordanie (Duteil 2018).
Le soutien de Washington au contrôle militaire israélien de la Cisjordanie devrait se poursuivre. Les deux candidats, Gantz et Nétanyahu soutiennent les colonies israéliennes dans les territoires de Cisjordanie (Wootliff 2019). En soutenant cette politique, Trump veut signaler à son électorat chrétien évangélique son soutien indéfectible à la politique des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens de Cisjordanie. Cet électorat, qui a voté à 81% à l’élection présidentielle de 2016 pour Trump, estime que la Cisjordanie représente le « cœur historique et spirituel d’Israël » et que le retour de tous les juifs en terre d’Israël – préfigure le retour du Messie, Jésus-Christ, et l’établissement du royaume de Dieu sur la terre pendant mille ans (Bruenig 2019 ; Bastier 2018). Dans un État comme le Texas où 31% de la population se considère comme des chrétiens évangéliques, formant ainsi le plus grand bloc d’électeurs religieux dans l’État de plus de 28 millions, il est clair que la mobilisation de cet électorat pour un second mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche sera importante.
Perspective.
Le limogeage de John Bolton ne signifie pas que la politique américaine au Moyen-Orient changera. Trump continuera à apporter un soutien sans réserve au nouveau gouvernement israélien parce que c’est dans son intérêt politique. De même, le président Trump maintiendra sa politique de « pression maximale » contre l’Iran parce qu’il continue de croire que cela reste le meilleur moyen de faire tomber le régime chiite.
Pourtant, cette politique coercitive pourrait embraser la région et affaiblir l’économie américaine. Par l’intermédiaire de leurs alliés dans la région, l’Iran veut montrer qu’au lieu d’être un jeu perdant pour lui et gagnant pour les autres (les États-Unis et ses alliés), Téhéran souhaite transformer l’équation en une dynamique perdant-perdant pour tout le monde (Vaez 2019). Le risque est que demain de nouvelles tensions entre les milices pro-iraniennes et l’Arabie saoudite conduisent à une nouvelle hausse des prix du pétrole. Trump ne peut pas se permettre de se présenter à l’élection présidentielle de 2020, où les prix du pétrole sapent le pouvoir d’achat des ménages américains.