Le maire PCF de Saint-Denis interpelle Macron : « ne tirez pas un trait sur le rapport Borloo »

Au moment où le rapport Borloo pour les banlieues est sur le point d’être enterré, Laurent Russier, maire PCF de Saint-Denis, interpelle Emmanuel Macron. Dans une lettre publiée par le JDD, il exhorte le président français à ne pas enterrer le rapport Borloo

« Monsieur le Président, ce mardi 22 mai, vous n’annoncerez pas les orientations du gouvernement pour la politique de la ville. Pourtant, les banlieues vont mal. Jean-Louis Borloo, dans son rapport remis au Premier ministre le 26 avril, en dresse le constat. La vie des Dionysien-ne-s l’illustre. Nadia veut partir de sa cité car son fils subit menaces et pression pour rejoindre le trafic.

Les équipes enseignantes de certaines écoles sont renouvelées à chaque rentrée, au mépris des partenariats pédagogiques engagés. Kevin, pourtant titulaire d’un master en droit des entreprises, se résout à devenir chauffeur-livreur. Une association d’entraide scolaire ferme ses portes, faute de salariés en contrat aidé. Sonia voit son activité professionnelle à domicile mise en danger par les difficultés d’acheminement des courriers et colis. Les locataires d’une résidence HLM demandent à la police de ne plus passer la nuit pour dormir sans les cris d’alerte des dealers.

Cette réalité illustre l’urgence d’un plan ambitieux pour les quartiers populaires. Le rapport Borloo porte cette volonté. Il a su fédérer un grand nombre d’acteurs qui connaissent les besoins des banlieues. Il a su recenser et chiffrer des mesures pouvant améliorer la vie des 5 millions de français qui vivent dans les 1.300 quartiers de la politique de la ville. Il a su médiatiser des pistes d’actions fortes telles que les cités éducatives, le renforcement de l’action sociale, l’académie des leaders… Il a su, surtout, redonner un espoir à ces femmes et ces hommes qui subissent des logiques ségrégatives les dépassant largement.

Bien sûr, le rapport Borloo a des défauts. J’aurais souhaité qu’il aborde le problème des banlieues par la racine, à savoir les inégalités, les dynamiques d’exclusion que produisent des territoires, des marchés, des institutions. J’aurais souhaité que les propositions en matière de sécurité soient plus fortes et traitent de toute sa chaîne, de la prévention – indispensable – à la répression en passant par la médiation et la justice, sans oublier le travail d’enquête sur les filières criminelles (stupéfiants, contrefaçons…). J’aurais aimé qu’il mette en son cœur le pouvoir d’agir des habitants des quartiers car il est primordial de redonner confiance aux citoyens des banlieues, en leurs capacités de penser, de faire et de fédérer.

Mais tirer un trait sur le rapport Borloo pourrait être perçu comme le signe d’un mépris sans précédent vis-à-vis des habitants des quartiers populaires. Tirer un trait sur le rapport Borloo pourrait alimenter la résignation, la crise démocratique, les dérives communautaires à l’œuvre. Et ce d’autant plus que l’action du gouvernement pour les villes populaires est bien trop loin des besoins. Le dédoublement des CP se fait au détriment du dispositif « Plus de maîtres que de classes » pour favoriser les remplacements et des nombres d’enseignants en collège et en lycée. Les emplois francs, sous la présidence Hollande, ont déjà largement fait la preuve de leurs limites. La police de sécurité du quotidien ne se déploiera en septembre que dans 15 quartiers sur 1300.

Monsieur le Président, dans plusieurs discours, vous rappelez que votre ambition est de réconcilier notre pays. A l’heure de la montée des populismes dans bon nombre de pays européens, je trouve votre ambition noble et je la partage. Cependant, comment pouvez-vous réaliser cette ambition quand les entreprises du CAC40 bénéficient de 26 milliards d’euros de crédits d’impôts par an alors que les locataires HLM devront permettre à l’Etat de réaliser une économie de 100 millions d’euros par la baisse des APL? Réconcilier notre pays est aujourd’hui indispensable pour fuir les dérives radicales, communautaires, démagogiques. Mais pour cela, investir pour la banlieue, pour sa jeunesse, pour la France de demain, est primordial. »