Macron peut-il sauver l’Europe en 2018 ? : l’analyse de CNN sur le projet fédéraliste de Macron

Emmanuel Macron s’est fait une réputation d’homme qui fait des rêves impossibles et qui les transforme en réalité. Son ascension improbable lors de la présidentielle française, sa victoire historique lors des législatives un mois plus tard (après son élection, ndlr) avec un mouvement novice et la réforme du marché du travail français semblaient relever de l’utopie…jusqu’à ce qu’il prouve le contraire.

Une bonne dose de chance et un bon timing l’ont certainement aidé, mais aussi sa détermination et sa mission presque messianique qu’il associe à tout ce qu’il fait. Désormais, il veut les associer à l’Europe. Dans son discours de Nouvel An, il a fait savoir aux Français, mais aussi aux Européens que l’Union Européenne avait besoin de redécouvrir son ambition afin de devenir une union « plus souveraine, plus unie et plus démocratique ».

C’est un sujet qu’il pourrait aborder une nouvelle fois cette année lors de ses vœux de Nouvel An adressés aux corps diplomatiques français. Son projet n’est plus un mystère puisqu’il a été décliné au cours de trois importants discours en 2017 et a été déjà présenté au Conseil Européen. Et le projet est, comme vous pouvez vous y attendre, très ambitieux.

Le président français veut se débarrasser d’une Europe des Nations pour créer quelque chose plus proche d’une Nation d’Europe. Il veut que l’UE se dote de son propre ministre des finances, de son propre budget, de sa propre gouvernance économique. Il croit que l’UE peut avoir sa propre armée et sa propre police aux frontières. Il veut un système fiscal harmonisé et sur le plan politique un Parlement européen plus fort avec des partis transnationaux et des listes.

En gros, le sort d’une Europe fédérale qui, ces dernières décennies, a été un sujet presque tabou, abordé à demi-mot dans les coulisses de Bruxelles et qui, certainement, n’a jamais été évoqué par le dirigeant d’une des plus puissantes nations européennes. Pour y arriver, il souhaite que le peuple européen et les nations européennes soient consultés cette année à ce sujet.

Beaucoup d’entre eux ont fait part de leur ferme opposition à toute idée de fédéralisme, car leurs gouvernements font face à des électorats qui, ces dernières années, ont voté pour moins Europe. Parmi eux, il y a non seulement les pays d’Europe de l’Est, qui risquent d’être exclus du projet de Macron, mais aussi l’Allemagne, la Hollande et peut-être bientôt l’Italie.

Jean Monnet, l’un des architectes et pères fondateurs de l’Union Européenne, avait prédit que l’Europe serait façonnée dans ses crises. Toutefois, les récentes crises qui se sont focalisées sur la dette souveraine et sur la question des migrants, sont précisément dues au fait que l’Europe ne s’était pas encore façonnée. Ces crises semblent en conséquence menacer l’existence même de l’Union en renforçant les positions et la popularité de ceux qui veulent sa destruction (les nationalistes et les sceptiques contre qui Macron appelle à résister).

La réponse, selon Macron, est que l’Europe réponde enfin à la question de savoir ce qu’elle est : une vague fédération de nations européennes ou une union fédérale européenne. C’est la question qui a divisé et qui a tourmenté l’Europe depuis sa création. Et jusqu’à l’ascension fulgurante de Macron au pouvoir, le premier (une vague fédération de nations européennes) a été plus défendu que le second (union fédérale européenne).

Désormais, le second a trouvé un champion qui non seulement souhaite le défendre haut et fort, mais aussi prendre le risque de mettre son poids politique pour assurer son succès. La vraie question est de savoir si en 2018, après tout ce qui s’est passé ces dernières années, de la crise de la dette au Brexit, il est trop tard ou c’est vraiment le moment.

Si Macron arrive à se frayer un chemin, l’Europe fera un grand bon en avant pour ressembler davantage à ce que ses pères fondateurs envisageaient, mais qui sera très différente de ce qu’elle est devenue. Et vu tout ce qui se passe en France ces jours-ci, on a le sentiment que s’il n’y arrive pas, alors c’est juste que ce n’est pas possible.

Analyse de Melissa Bell, journaliste à la chaîne CNN.

L’analyse a été intégralement traduite de l’anglais au français par Cheikh DIENG, rédacteur en chef et fondateur du site d’information www.lecourrier-du-soir.com

Pour lire l’analyse dans sa version originale, cliquez ici : CNN