(Une analyse de Sidy Touré)
Au début de la pandémie qui ravage encore le monde, l’OMS, par la voix de son SG, avait prédit l’hécatombe ou l’apocalypse en Afrique noire. À chaud, de vives réactions s’en sont suivies de la part de fils du continent qui se sentaient à la fois offensés et menacés. Cette prédiction n’était point scientifiquement motivée mais seulement basée sur le simple constat sur l’état des infrastructures sanitaires en Afrique. Cela, les leaders africains, en général et sénégalais en particulier, en sont bien conscients. La plupart d’entre eux pour ne pas dire tous se soignent soit au Maroc, en Europe ou en Amérique. Cette attitude constitue un aveu extrême de la situation chaotique dans le secteur de la santé dont la solution n’est pas pour demain.
Comme un général devant ses troupes, Macky Sall déclarait avec la solennité requise une guerre contre la pandémie du virus chinois, le Covid-19, le 23 mars 2020. Le pays est en guerre dira-t-il, une sorte de calque des propos du Président Français. On peut quand même lui concéder ce plagiat, devenu une habitude!
Une belle trouvaille pour le Chef de l’État d’inviter tout le monde à se réunir autour de l’essentiel. Ainsi appelle-t-il sélectivement toutes « les forces vives de la nation » pour échanger sur des décisions qu’il a pourtant lui-même déjà entérinées.
Remarquons que le gouvernement a eu à peu près trois mois pour développer une bonne stratégie de riposte. Rien n’a été fait dans ce sens si on voit comment la gestion de cette pandémie a été chaotique!
Macky Sall donne une réponse militaire et alimentaire à un problème de santé. Ainsi raison est donnée à ses plus sévères critiques qui pointent du doigt sa capacité intellectuelle et de sa manière de gérer. Il met le focus sur deux aspects qui, si pas exclus de la réponse, devaient être secondaires : l’alimentaire et la sécurité, l’enseignement, laissé en rade, devait être pris en compte dès le départ non pas par la fermeture des écoles mais une stratégie à le poursuivre autrement surtout au niveau universitaire! C’était possible d’éviter la rupture dans l’enseignement supérieur si l’État avait fait appel à la contribution de Orange par rapport à sa responsabilité sociétale envers le peuple.
L’état d’urgence et le couvre-feu à l’échelle national ont été sans fruits. La longue mobilisation de la police, de la gendarmerie et de l’armée n’a même pas pu stopper le transport clandestin de personnes surtout sur l’axe Touba-Dakar. Ces mesures d’exception ont cristallisé une frustration qui a fini de pousser jeunes et moins jeunes à exiger leur levée. Les longues queues devant les boulangeries, les immenses foules devant les arrêts de bus, les nombreux kilomètres de marche de travailleurs après une longue journée de labeur pour rentrer à la maison avaient très vite montré les limites des mesures pompeusement annoncées et assorties d’une concentration de tous les pouvoirs entre les mains du Président (Loi d’habilitation) qui lui a permis de gouverner la crise à distance (signature de décrets et discours à la nation) et de se confiner immédiatement!
Pourtant un état d’urgence sanitaire combiné au déclenchement du Plan ORSEC qui allaient mobiliser tous les moyens matériels et humains vers le domaine médical suffisaient pour faire face au Covid-19 dans un premier temps. Le plan ORSEC est un mécanisme déjà en place dont l’activation aurait permis une excellente coordination de la lutte contre la pandémie de même que la mobilisation des moyens de l’État et du secteur privé.
L’activation du plan ORSEC, renforcée avec un flux de fonds importants, pourrait beaucoup avantager notre pays dans la lutte vu la longue expérience de l’administration à sa mise en œuvre. Mais peut-être que ça n’aurait pas pu assurer le gain politique attendu!
À défaut de limiter le trafic aérien en provenance des pays déjà touchés surtout l’Italie, la France, l’Espagne, et la Chine, il fallait alors penser très vite à préparer le dispositif médical c’est-à-dire renforcer l’équipement médical, s’assurer d’un stock durable des médicaments pour traiter les symptômes, une quantité suffisante de masques, de savons, de gels hydroalcoolique, accroître le nombre de lits dans les hôpitaux situées dans les régions peuplées.
L’administration Sall a pris le taureau, non pas par les cornes, mais par la queue. D’abord dans l’architecture du gouvernement est présente le Ministère de la santé et de l’action sociale qui est censé prendre en charge toutes les questions d’ordre social. Donc l’implication du ministère du développement communautaire et de l’équité sociale dirigé par le beau-frère du Président dans la distribution de vivres cache non seulement des relents politiques et politiciens mais aussi une opération de marketing politique ratée pour mettre sur orbite un membre de la galaxie des Sall. Pour aider les moins favorisés efficacement et rapidement, il suffisait de recourir au système de transfert d’argent et le tour est joué. Mais la distribution de denrées rapproche plus et mieux l’homme politique de sa clientèle. Alors c’est une manière pour le gouvernement de bloquer le discours sur l’émergence pour affirmer la pauvreté dans le pays!
Parlant de pauvreté, Son excellence Macky Sall a pensé pertinent de porter le combat de l’annulation totale de la dette de pays dont le Sénégal. Cette requête sonne mal à l’oreille surtout pour nous qui sommes du développement international. De la mendicité au nom de l’Afrique qui a déjà trop reçu en termes d’aides! Les plaidoiries pour l’annulation de la dette n’ont pas eu d’échos favorable et on le savait aussi puisqu’aucune pandémie ne saurait déclencher une telle opération. L’endettement est une responsabilité calculée et mesurée qui se fait aussi en prenant en compte de nombreux paramètres dont différents types de risques. C’est dommage si notre Président l’ignore encore pour s’être lancé sur une mission aussi impossible.
Chaotiquement, voilà comment le Sénégal a géré la pandémie du virus chinois et les différentes étapes de la gestion ont été les plus décevantes les unes les autres. Si le relâchement des mesures était une reculade, leur levée était une démission de faite du Président de la République, un aveu d’incapacité difficile à témoigner dans une république. La maladie progresse statistiquement et géographiquement, l’État recule au fur-et-à mesure par incompétence, incapacité et a fini par démissionner par peur!
Apprendre à vivre avec le virus. Monsieur le Président, c’est porter les masquer, se laver les mains régulièrement et maintenir la distance recommandée par les médicaux. C’est là la responsabilité civique de chaque citoyen, et vous, le super privilégié, il vous revient de protéger le peuple en toute circonstance contre tout mal et toute agression sans reculade ni démission tacite. Un Président ne démissionne pas, un général de l’armée n’abdique pas!
C’est un sacrifice aussi pour un chef de famille, un jeune à la porte de l’avenir de rester à la maison sans travail. Qu’à fait le gouvernement à par le budget annoncé de mille milliards! Président, c’était à vous de montrer la voie en renonçant à certains de vos nombreux privilèges et vos ministres, directeurs généraux et députés allaient suivre. Une ponction de salaire des ministres et directeurs, la renonciation temporelle à vos fonds politiques seraient un baume pour le peuple.
Le tableau de la pandémie au Sénégal n’est pas du tout reluisant! Plus de malades, plus de zones touchées et plus de morts! À l’heure où j’écris ces lignes, la capitale Sénégalaise compte plus de cas de Covid-19 que Washington D.C., la capitale Américaine! Aussi notre pays compte moins de 6500 cas que la Côte-d’Ivoire voisine mais aussi plus de 130 décès!
Dakar concentre la grande majorité des cas de Covid-19 et qui est en même le grand centre de distribution nationale, son isolement s’impose, quel qu’en soit le coût financier, pour endiguer la propagation du virus mais cela requiert du courage.! Au bout du tunnel, il faudra se préoccuper à soigner une bonne fois pour toute le secteur de la santé à l’agonie depuis très longtemps.
Sidy Moukhtar Touré
Washington D.C.
stoure@ulaval.ca
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