Tension politique au Sénégal : Et s’effondra la démocratie sénégalaise! (Par Sidy Touré)

(Une analyse de Sidy Touré)

« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes » avait déclaré le Président Américain Barack Obama lors de sa visite officielle au Sénégal en juin 2013. Ne dit-on pas souvent aussi que « Les hommes passent, les institutions demeurent » ? Ces institutions sont encadrées par la loi dans leur fonctionnement et dans une démocratie, elles sont indépendamment séparées pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi, le respect des droits de tous et le bon fonctionnement de la société. Elles doivent être fortes pour assurer cette indépendance nécessaire dans un Etat respectant et se soumettant lui-même les lois qui gouvernent tous. Des institutions sont fortes lorsqu’elles ne suivent point les désirs d’un individu y compris le Président de la République, lorsqu’elles bannissent la partialité dans les décisions rendues. Elles ne portent allégeance qu’aux lois et règlements. Elles sont incarnées par des personnes à la morale et l’éthique irréprochables. Voilà de manière éclatée, ce que vouliez dire le Président Américain à l’Afrique.

Le Sénégal enregistre son premier putsch depuis 1963

Alors qu’on était à douze heures du démarrage de la campagne présidentielle devant consacrer la fin des 12 ans de Macky Sall à la tête du Sénégal, ce dernier surprend tout le monde avec une déclaration reportant illégalement les élections pour motif de corruption de juges qu’il a lui-même choisi.

Il est utile et essentiel de rappeler que la législation n’autorise pas le report que ce soit par décret ou par le biais du parlement. Le processus électoral était enclenché, la liste officielle des candidats en lice publiée par le Conseil Constitutionnel dont les décisions sont définitives et ne sont susceptibles d’aucun recours. Toute annulation, report de l’élection et ou prolongation du mandat présidentiel ne peut être qu’un coup d’Etat contre le peuple. Sa déclaration et son décret portant annulation et ou report de l’élection n’ont pas de base légale et sont donc nul et non avenue. C’est pourquoi Macky Sall s’est vite tourné vers sa majorité parlementaire pour faire avaler la pilule au peuple. Ils n’ont non plus le pouvoir de report ou de prolongation du mandat de 5 ans.

Lourd palmarès d’un dictateur

Le Président sortant Mr Macky Sall a un riche palmarès en ce qui concerne la violation des lois du pays. Déjà, alors ministre de l’Intérieur sous Abdoulaye Wade, il avait fait du forcing pour voter sans pièce d’identité.

Cette attitude n’a fait que grandir quand il est parvenu au pouvoir. C’est une longue liste de bourdes judiciaires commises par Le Président qui s’est même permis de renvoyer un Procureur de la manière la plus vile, c’est-à-dire en pleine audience au tribunal et via un message téléphonique écrit. S’ensuivirent la radiation de hauts cadres de la fonction publique, l’emprisonnement de plusieurs centaines d’hommes et de femmes sous des prétextes les plus fallacieux les uns les autres, l’assassinat de dizaines de manifestants, les disparitions, la fermeture des médias indépendants et la coupure d’internet et des réseaux sociaux.

Avant cette tentative de reporter la présidentielle, Mr Sall a usé de tous les subterfuges politico-judiciaires pour éliminer et emprisonner autant de candidats qu’il ne veut pas voir participer aux élections. C’est ainsi qu’il a jeté le chef de l’opposition Ousmane Sonko en prison, le secrétaire général de son parti mais aussi d’autres personnalités qui prétendaient diriger le Sénégal. Sonko a été arrêté pour « vol de téléphone portable » devant son domicile, Diomaye Faye pour « outrage aux magistrats » vers 22 heures dans son lieu de travail. Finalement leur dossier a été mute en terrorisme pour les garder le plus longuement possible. Ils croupissent en prison depuis plus de 6 mois. Cerise sur le gâteau, Pastef, principal parti de l’opposition, est dissout par décret !

Macky sall n’est pas un republicain, il ne respecte que sa volonté et pour lui tous moyens sont bons pour se débarrasser de ses adversaires politiques. Son aversion aux lois et à la légalité de Macky Sall est corroborée par le fait que presque toutes les lois passées sous son règne le sont par voie d’urgence, c’est-à-dire sans debat et ou par forcing, c’est-à-dire avec l’appui de la Gendarmerie, comme c’est le cas avec cette dernière qui consacre le premier coup d’Etat au Sénégal depuis 1963.

Hier, il a fallu les gros bras de la Gendarmerie nationale (GIIGN) dans l’hémicycle pour voter de force une loi anticonstitutionnelle rallongeant les 5 années du Président sortant jusqu’au 15 Décembre. Si rien n’est fait pour arrêter ce tyran, il y’aura un report de ce report !

Le Chef de l’Etat montre une versatilité d’esprit plus qu’élastique. Il change de position au grès de la météo politique et sans gêne. Tout le monde s’étonne que ce soit le même Président qui avait récemment déclaré, dans un discours a la nation qu’il « renonçait à un autre mandat » pour non seulement sauvegarder la paix mais aussi puisque son « Code d’honneur » lui interdisait de trahir sa parole.

Sur la tribune des Nations-Unies, lors de la 78eme Assemblée Générale, il a eu droit à des applaudissements appuyés devant les caméras du monde en disant à la communauté internationale que son destin présidentiel était arrivé à terme et  qu’il passerait le témoins à son successeur le 02 Avril 2024 !

De la même manière, il a eu le courage de visiter tous les foyers religieux du pays pour faire ses adieux. A-t-il vraiment pris cela en compte en tentant de reporter le rendez de la souveraineté populaire pour une « histoire de corruption de juges » qui ne convainque personne ? Le premier corrupteur n’est-il pas lui qui signe des décrets taillés sur mesure pour faire ramener des fonctionnaires à la retraite pour occuper des postes hautement stratégiques et politiques ?

Je rappelle que les 12 années que Macky a passées à la tête du Sénégal sont synonymes d’impunité totale pour tous ses partisans. Il a réduit la redevabilité au niveau zéro comme il a tenté en vain de « réduire l’opposition a sa plus simple expression ». Lui-même ne disait-il pas à tous les citoyens qu’il a avait place « sous son coude de nombreux rapports d’enquête » incriminant des membres de son clan politique ?

La déchéance d’un vrai faux démocrate

Le Président sortant n’est ni plus ni moins qu’un tyran qui n’a jamais eu le courage de montrer son vrai visage. Tout le temps qu’il dirige ce pays, il se présente sous une double facette. Aux yeux de la communauté internationale, c’est un démocrate qui usurpe du passé glorieux de son pays et d’un faux discours et au niveau local, il agit et parle comme un monarque face à ses sujets qui arrêtent les citoyens sans plainte ni convocation et qui les libère aussi sans procès.

L’empreinte que laissera Macky Sall dans le Sénégal n’est pas reluisante. Elle est peinte de scandales de toute sorte, de complots politiques les plus salaces les uns les autres et de scandales financiers et fonciers les plus rocambolesques mais aussi jamais élucidés. Tout cela accompagnée d’injustice rarement témoignée dans l’histoire de notre dont beaucoup portent sa propre signature. Le renvoi d’un seul coup de tous les membres de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) à la suite d’une injonction à la DGE de donner au candidat Ousmane Sonko des fiches pour le parrainage, le double refus d’appliquer une décision de justice rendue par le Tribunal des Grandes Instances de Ziguinchor et de Dakar n’en sont que quelques exemples.

Le peuple se rappellera longtemps de ce lot de désarroi et de chagrin qu’il va laisser derrière lui. Il a déchiré le tissu social, fendu la dignité et l’honneur de nombreuses familles par l’emprisonnement, l’exil forcé, la torture et la violence policière lors des manifestations et tout simplement la mort. Son dernier coup est cette tentative de reporter une élection présidentielle et étendre de facto son mandat devant finir ce 02 Avril.

A la communauté internationale, je dis de soutenir le peuple sénégalais dans sa quête de liberté et le débarrasser de cet homme dangereux pour son avenir. Tout comme j’appelle cette même communauté à faire tout pour que justice soit rendue pour les familles des dizaines de morts de Mars 2021 à nos jours. Que les conditions de la disparition de du Gendarme Didier Badji et de son ami Fulbert Sambou soit éclairées et que tout coupable et commanditaire soit jugé et puni.

A la Gendarmerie nationale et a l’Armée de rester debout et républicaines pour faire bloc à côté du peuple sénégalais.

Vive la liberté, vive la démocratie !

Sidy Toure, Washington DC. 08 Fev 2024