TER à Dakar : chantage ou néocolonialisme? la SNCF veut faire plier l’Etat du Sénégal par tous les moyens

Un scandale qui alimente la chronique depuis quelques jours au Sénégal. Et pour cause! L’affaire dont il est question concerne le TER (Train Express Régional) inauguré, en grande pompe, le 28 décembre 2022 à Dakar par le président Mcky Sall qui chercherait, selon ses détracteurs, à briguer un troisième mandat.

L’inauguration fut un véritable coup de com’ pour le gouvernement en place qui peine encore à convaincre une bonne partie des Sénégalais de la pertinence de ce projet (financé à plusieurs milliards de FCFA) dans un pays où la précarité, la pauvreté et le chômage attisent la colère de millions de citoyens.

L’opération com’ s’est-elle transformée en fiasco? Difficile de répondre à cette question pour le moment. En tout cas, ce que l’on sait jusqu’ici, c’est que la récente révélation du journal Le Figaro sur les dessous de ce projet ne vont pas plaire à l’Etat sénégalais en raison du caractère très sensible du dossier dans lequel des proches du président sont impliqués.

En effet, d’après Le Figaro, le projet phare du TER qui été vendu aux Sénégalais comme une énormissime réalisation de Macky Sall n’est, en aucun cas, une propriété de l’Etat du Sénégal, mais plutôt de la SNCF, une entreprise française qui l’a conçu et réalisé dans le but de « réaliser à l’international 30% du chiffre d’affaires de la maison SNCF ».

« La SNCF (…) a aussitôt créé sur place la SETER (Société d’exploitation du TER) appartenant à 100% à la SNCF et adossée à une coquille vide appelée ‘SNCF International’ dirigée par Diego Diaz », révèle la source. Et d’ajouter : « en seulement trois ans, les équipes de la SETER vont procéder au lancement de ce train reliant Dakar à Diamniadio. Selon les prévisions de la société, la ligne transporterait 100.000 passagers par jour, et trouverait son équilibre financier au bout de trois ans. Et, à la suite de ce contrat de pré-exploitation, un nouvel engagement pour trois ans aurait dû suivre ».

Et c’est au niveau du nouveau contrat que la guerre entre le Sénégal et la France va commencer. Car, d’après Le Figaro, Jean-Pierre Farandou, le nouveau patron de la SNCF, a voulu durcir les conditions dudit contrat, ce qui n’a pas plu à Stéphane Volant, Franco-sénégalais et ancien secrétaire-général de la SCNF.

Ce dernier s’y oppose, mais va le payer cher. Car, il sera limogé immédiatement sans que le gouvernement sénégalais n’ait son mot à dire. « Il (Stéphane Volant) a été immédiatement remercié, pour être remplacé par Pierre Boutier ancien directeur territorial Occitanie, sans que le gouvernement sénégalais n’ait son mot à dire », révèle le média français. La nomination de Boutier est pourtant contestée par l’Etat sénégalais dans une lettre que le ministre sénégalais des infrastructures et transports terrestres adressera à Jean-Pierre Farandou le 12 mai 2022. Et c’est cette missive qui déclenchera les hostilités entre Paris et Dakar.

« Ce courrier fut l’équivalent d’une déclaration de guerre entre le Sénégal et la SNCF. D’autant qu’au terme de cette première période avec ce nouveau dirigeant, la SETER affichait des résultats bien en deçà des prévisions : les voyageurs n’étaient pas au rendez-vous. Les licenciements se sont enchaînés à la SETER, dont celui de son directeur général Frédéric Bardenet », renseigne Le Figaro.

Ayant des difficultés à trouver un successeur à Barnedet, la SNCF confie l’intérim de ce poste à deux intervenants extérieurs : Patrick Tranzer et Marc Burger, deux intervenants qui brillent par leur inexpérience notoire dans le ferroviaire. Pourtant, malgré leur lacune, ils factureront leur prestation à hauteur de 84.000 euros par mois via Valtus Transition, « sans compter les frais externes : chambre à demeure à l’hôtel Pullman pour l’un, et allers-retours hebdomadaires vers Nouakchott pour l’autre ».

Et ce n’est pas tout. Le gouvernement sénégalais est tenu, par le nouveau contrat, de prendre à sa charge le déficit de la SETER. Mais, malheureusement, la conjoncture mondiale ne jouant pas à sa faveur, l’Etat se retrouve en difficultés et multiplie les retards du paiement d’un montant de 25,78 milliards de FCFA.

C’est ainsi qu’entrera en action la société française Meridiam qui « fait alors une offre spontanée de reprise des activités à travers une concession sur 25 ans, assumant ainsi l’entier déficit des premières années ». Et Le Figaro de poursuivre : « cette entreprise française a par ailleurs été choisie par le Sénégal pour mener à bien le projet de Bus à haut niveau de service en cours à Dakar ». Un choix qui n’aurait pas plu à la SNCF qui, d’après les propos d’un membre du cabinet du premier ministre, a tenté d’imposer ses conditions « avec arrogance ».

Mais, la SNCF ne lâche rien et ne veut surtout pas perdre ce contrat. Ainsi, lundi dernier, Jean-Pierre Farandou s’est envolé à Dakar où il a rencontré le président sénégalais, Macky Sall. Parlant de cette rencontre, Le Figaro nous livre quelques secrets : « pendant une grosse demi-heure, les deux hommes ont tenté de trouver un ‘terrain d’entente’, qui se révèle n’être pas à l’avantage du Sénégal. Cet accord reste encore à formaliser avec le blanc-seing du conseil d’administration de la SNCF, qui n’a pas répondu aux sollicitations du Figaro. Mais surtout celui de la Commission des marchés public sénégalaise très jalouse de son indépendance ».