Tunisie : le gouvernement ne sait pas quoi faire des terroristes tunisiens partis en Irak et Syrie

(Une analyse de Kareem Salem, étudiant en relations internationales)

La chute de Baghouz (Syrie), le 23 mars 2019, a mis fin au projet de califat de l’État islamique (EI) en Syrie et en Irak. Face à l’évolution politique et militaire dans la région, il est important que l’État tunisien se positionne sur la question des djihadistes Tunisiens encore dans la région. Une décision politique à cette question est importante, étant donné que le président Trump avait fait savoir en décembre 2018, son intention de retirer les forces américaines de la zone syrienne.

La Tunisie terreau pour les réseaux islamistes

Depuis le début du conflit, il est apparent que 3 000 Tunisiens avaient rejoint la zone irako-syrienne (Attia 2019). Ce part significatif de ressortissants Tunisiens ayant combattu sous les rangs des groupes djihadistes, s’explique par le démantèlement du system de renseignement tunisien, depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011 (Bourgou 2015).

L’effondrement du système sécuritaire Tunisien, avait eu pour conséquence, la perte de contrôle et de suivi d’éléments radicaux ainsi qu’une hausse en enrôlement de Tunisiens dans divers réseaux djihadistes sur le territoire tunisien (Bourgou 2015). Aux lendemains de la révolution, les islamistes d’Ennahda (un parti politique proche des Frères musulmans), avaient été particulièrement laxistes avec les mouvements djihadistes locaux, où le dialogue était privilégié avec ces derniers.

Les groupes salafistes dont les radicaux d’Ansar al-Charia, avaient l’autorisation de se former et de s’organiser, ainsi que de multiplier en toute légalité des apparitions médiatiques à travers les chaînes de télévision tunisiennes. Ansar al-Charia avait également joué le rôle de recruter de potentiels djihadistes notamment à Bizerte et à Tunis pour partir au Levant.

En outre, l’incapacité de la classe politique tunisienne de lutter contre la « salafisation » de la société tunisienne et de combattre la propagande extrémiste en ligne avait créé un terrain propice pour les groupes extrémistes de recruter des combattants.

Que stipule la Constitution Tunisienne

L’article 25 de la Constitution souligne qu’aucun ressortissant tunisien ne peut être déchu de la nationalité, ni être exilé ou extradé, ni empêché de revenir dans son pays. L’enjeu est ainsi considérable pour la classe politique tunisienne et pour les services de renseignements tunisiens, étant donné que la Tunisie avait déjà connu des attaques meurtrières revendiquées par des groupes extrémistes, notamment par l’EI lors des attentats de Sousse et du musée du Bardo en 2015.

D’un point de vue sécuritaire, l’article 25 de la Constitution empêche le pouvoir sécuritaire de mettre en place une politique efficace pour prévenir particulièrement le retour des ressortissants djihadistes tunisiens ayant combattu surtout en Irak. Un amendement de l’article 25 de la Constitution permettrait à l’État Tunisien de refuser les ressortissants djihadistes tunisiens qui sont prisonniers en Irak.

En effet depuis la défaite militaire de EI dans la zone irako-syrienne, le gouvernement irakien a proposé aux pays membres de la coalition internationale anti-djihadistes dont la Tunisie, de juger les ressortissants soupçonnés d’avoir rejoint le groupe EI, en échange d’au moins deux milliards de dollars.

Cependant, la question des ressortissants djihadistes tunisiens sous la main des forces kurdes du Rojava, au nord de la Syrie, est un véritable enjeu sécuritaire pour l’État tunisien. Un plan de rapatriement où ces personnes seront judiciarisées au moment de leur retour sur le territoire tunisien est la seule solution lucide. Ceci est nécessaire étant que le retrait des forces américaines laisserait la possibilité au Président Erdogan de mener une troisième opération militaire contre le Rojava kurde.

Un conflit entre les forces turques et kurdes du Kurdistan syrien serait contre les intérêts tunisiens surtout si les forces Kurdes décident de ne plus vouloir retenir leurs ressortissants extrémistes. Ne pas judiciariser ces derniers renforcerait le risque que ces personnes reviennent par leur propre moyen avec l’intention de renforcer les réseaux djihadistes en Tunisie ou dans la région, notamment en Libye et au Sinaï.