Une attaque nucléaire de Trump contre la Corée du Nord est-elle constitutionnelle ? : Réponse

Alors qu’une éventuelle guerre nucléaire entre les Etats-Unis et la Corée du Nord est de plus en plus prise au sérieux suite aux menaces de Trump adressées à Pyongyang, le caractère constitutionnel de cette guerre est au cœur des débats dans la classe politique américaine où les avis sur la question restent encore très mitigés.

Certains membres du Congrès ont déjà pris leur position. Ils estiment en effet qu’une attaque nucléaire contre la Corée du Nord ordonnée par Trump est illégale. « Notre position est que l’approbation d’une attaque nucléaire est anticonstitutionnelle », a fait savoir Ted Lieu, député de Californie. Ted Lieu a d’ailleurs fait une proposition exigeant un accord du Congrès avant un ordre de Trump de mener une attaque nucléaire.

Il ajoute : « pour le moment, une seule personne peut ordonner le lancement de milliers d’armes nucléaires et c’est le Président. Personne ne peut l’arrêter. Sous la loi, le Secrétaire à la Défense doit suivre ses ordres. Il n’y a aucune supervision judiciaire, ni de supervision du Congrès ».

« Le processus d’approbation d’une attaque nucléaire »

D’après le média américain Politico, le processus d’approbation actuelle d’une attaque nucléaire a été entériné après les attaques atomiques contre les villes japonaises de Nagasaki et d’Hiroshima. En 1946, le Président Harry Truman avait signé l’ « Atomic Energy Act », une loi qui confère au Président des Etats-Unis toute la responsabilité sur la gestion de l’arsenal nucléaire.

Politico souligne que le processus d’approbation d’une attaque nucléaire ne prend pas en compte le même équilibre des pouvoirs que les décisions de la branche exécutive. Ce processus autorise le Président à utiliser les armes nucléaires avec un simple ordre verbal. Certains experts croient que le Président n’a pas besoin de consulter son Secrétaire à la Défense, les ordres du Président ne pouvant pas être outrepassés.

« Inconstitutionnel ? »

La question de la constitutionnalité d’une attaque nucléaire ordonnée par le Président des Etats-Unis est alors posée. En effet, la Cour Suprême ne s’est jamais penchée sur la question de la légalité du processus d’approbation d’une attaque nucléaire, d’où les points de vue divergents chez les spécialistes.

La Constitution américaine autorise le Président des Etats-Unis à faire usage d’une importante force militaire sans l’aval du Congrès s’il s’agit d’un cas de légitime défense. Mais, serait-il constitutionnel pour le Président des Etats-Unis de répondre à un bombardement conventionnel par une frappe nucléaire ? Qu’en-est-t-il du terrorisme d’Etat ?

Ces questions n’ont aucune réponse définitive. Le côté obscure est en effet dû en partie au fait que ceux qui ont rédigé la Constitution des Etats-Unis n’aient pas prévu la capacité des armes nucléaires à produire des destructions de masse. C’est l’avis de Samuel Issacharoff,  professeur de droit constitutionnel à l’Université de New York.

Mais, d’après le professeur Issacharoff, la lacune d’un document sur la question ne rend pas anticonstitutionnelle une action militaire (nucléaire ou pas) du Président des Etats-Unis. « Ce que l’on pourrait dire, c’est que le schéma constitutionnel serait très mal conçu dans des circonstances actuelles », précise Issacharoff.

« La Résolution des Pouvoirs de Guerre »

Le débat entre juristes pourrait même être plus houleux si le Président envisage une frappe préemptive plutôt qu’une frappe de représailles. La Constitution accorde bel et bien au Congrès l’autorité de déclarer une guerre, ce que le Congrès n’a pas fait depuis la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, des Présidents avant Trump (et Trump même) ont déclenché des guerres ou les ont encouragées sans avoir obtenu l’autorisation du Congrès.

En 1973, le Congrès avait passé la Résolution des Pouvoirs de Guerre (War Powers Resolution) demandant qu’à l’absence d’une déclaration de guerre le Président se présente au Congrès dans les 48 heures qui suivent le déploiement des troupes chez l’ennemi et qu’il retire les troupes sous 60 jours si le Congrès n’approuve pas cette guerre. Une simple lecture de cette résolution pourrait ainsi donner à Trump un pouvoir unilatéral de 48 heures.

Cependant, la Résolution des Pouvoirs de Guerre n’a pas mis fin à de longues interventions militaires. En 1999, le Président Bill Clinton avait ordonné le déploiement de troupes dans l’ex République de Yougoslavie de Kosovo et elles sont restées en place malgré l’échec  d’obtenir l’aval du Congrès.

« La guerre de Corée »

Malgré un débat tendu, certains experts disent que Trump pourrait contourner le besoin de passer au Congrès pour déclarer la guerre à la Corée du Nord, car les Etats-Unis sont déjà en guerre contre la Corée du Nord. En effet, la guerre de Corée (1950-1953) s’est terminée par un armistice, mais les deux parties n’ont jamais signé le traité de paix prévu à Genève en 1954 pour officialiser la fin de la guerre entre les deux Corées.

« A l’absence d’un instrument juridique qui rend la guerre inappropriée, on peut dire que le Président détient tous les pouvoirs qu’il avait avant », explique Saikrishna Prakash, professeur de droit à l’Université de Virginie. Mais, là aussi, il y a un avertissement. Le Congrès américain a approuvé le financement de la guerre de Corée, mais n’a jamais déclaré la guerre formellement. La guerre a été déclarée par les Nations-Unies.

Cet article est une analyse de Manuela Tobias, journaliste à Politico. L’article a été intégralement traduit de l’anglais au français par l’équipe du média www.lecourrier-du-soir.com.

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