Victoire de Netanyahou : Trump et le Sionisme ont gagné, Macron et la Démocratie ont perdu

(Une analyse du journaliste Cheikh DIENG)

Sauf surprise, tous les sondages annoncent la victoire de Netanyahou aux élections législatives de ce mardi 9 avril. En effet, d’après les dernières informations qui me sont parvenues, le Likoud, parti de Benjamin Netanyahou, a obtenu le même nombre de siège que celui de son rival Benny Gantz (Bleu et Blanc), soit 35 sièges chacun. A l’issue de ce scrutin, une certitude : c’est à Netanyahou qu’il reviendra de former un gouvernement.

Je ne m’attarderai pas trop sur des résultats qui étaient connus d’avance. Ces résultats qui mettent les deux formations à égalité en nombre de sièges (35) prouvent que la victoire s’est jouée dans un mouchoir de poche. La stratégie de Netanyahou de séduire l’extrême-droite israélienne en lui promettant d’annexer toutes les colonies palestiniennes (s’il est réélu), y compris la Cisjordanie a porté ses fruits.

Il faut souligner que cette élection n’était pas une confrontation entre Benjamin Netanyahou et Benny Gantz. Ce fut aussi une confrontation entre deux chefs d’Etat étrangers : Donald Trump et Emmanuel Macron. Le premier est connu pour son attachement inconditionnel à l’Etat d’Israël. Le second a préféré, depuis son arrivée au pouvoir, traiter la question israélo-palestinienne avec prudence. Je dirais même avec réalisme.

Les résultats des élections de ce mardi 9 avril nous prédisent une chose : une confrontation plus violente entre Palestiniens et Israéliens dans les mois, voire les années qui viennent. L’explication est que s’il y a un gouvernement qui a fortement exacerbé les tensions des deux côtés, c’est bien celui de Netanyahou qui, depuis son arrivée depuis 2009, n’a cessé de verser de l’huile sur le feu.

Rappelons que c’est sous Netanyahu qu’a été déclenché le conflit de 2014 qui avait duré 50 jours et fait plus de 2 100 Palestiniens. Jusqu’ici, des analystes se penchent sur les vraies raisons de ce conflit durant lequel un déploiement militaire spectaculaire avait été mené par Israël qui, dès octobre 2014, avait profité du chaos pour approuver l’implantation de nouvelles colonies à l’Est de Jérusalem.

La politique maladroite, malhonnête, fourbe et violente de Netanyahou aurait pu aller plus loin si Obama ne lui avait mis les  bâtons dans les roues. En effet, les deux chefs d’Etat ont toujours entretenu des relations assez tendues sur le conflit israélo-palestinien. Une série d’événements les avaient éloignés.

Rappelons qu’en 2016, cinq jours après la résolution 2334 de l’ONU condamnant la « colonisation juive en territoires palestiniens », John Kerry, secrétaire d’Etat de Barack Obama, n’avait pas hésité à traiter le gouvernement de Benjamin Netanyahou d’ « extrême-droite ».

« Le Premier ministre israélien soutient une solution à deux Etats, mais sa coalition actuelle est le plus à l’extrême-droite dans toute l’histoire d’Israël, avec un agenda mené par ses éléments les plus extrêmes », disait Kerry. Bien avant cela, l’accord nucléaire iranien signé en 2015 entre l’Iran et 5 grandes puissances avait porté un coup dur à Netanyahou qui ne s’en est jamais remis d’ailleurs.

Aujourd’hui, Bibi (Netanyahou) prend sa revanche. Adoubé par un Donald Trump dont l’expérience sur le conflit israélo-palestinien est très limitée, il se croit tout permis. Netanyahou a forcé la main à Trump pour obtenir la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis, mais aussi pour obtenir des Etats-Unis la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le Golan. Et ce n’est pas tout, Trump vient récemment de considérer la garde iranienne comme une organisation terroriste.

Toutes ces erreurs diplomatiques commises par l’administration Trump pour le simple plaisir du lobby juif américain rendent impossible toute tentative d’arriver à une solution politique dans un conflit qui dure depuis plusieurs décennies et qui a déjà fait couler beaucoup de sang de part et d’autre.

Pour trouver une solution à ce conflit, Macron qui a refusé de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan a reçu à Paris l’opposant israélien, Yair Lapid (N° de Bleu et Blanc), quatre jours avant les élections. Le seul fait de recevoir un opposant à Bibi à quatre jours d’une élection cruciale est un signal fort lancé à Netanyahou par Macron qui ne supporte plus sa politique très radicale sur une question politique très sensible, dans une partie du monde où les relations entre Arabes, Juifs, Chiites et Chrétiens ont été très conflictuelles ces dernières années.

La victoire de Netanyahou pour un 5ème mandat est presque sûre. Mais, l’incertitude plane désormais sur l’avenir politique de ce pays. La victoire de Netanyahou est une très grande victoire pour l’extrême-droite israélienne et pour le sionisme international dont l’unique objectif ces dernières années a été clairement d’agrandir le territoire israélien violant carrément tous les accords internationaux.

La grosse défaite n’est pas seulement celle de Benny Gantz, d’Emmanuel Macron ou de Barack Obama, mais celle de tous les démocrates qui, pendant plusieurs années, ont interpelé les Nations-Unies sur les violations flagrantes des droits de l’homme commis par un seul Etat : Israël.

Bibi gagne les élections et devra diriger Israël pour quelques années à venir. Pendant ce temps, nous devrions nous attendre au pire. Impliqué dans un grave scandale de corruption, il a préféré (pour sauver sa peau) jouer la carte de l’extrême-droite, en isolant de plus en plus la population arabe, quitte à mettre en place une loi très controversée : Etat-nation juif qui reconnaît Israël comme un Etat juif.

Bibi a joué et a gagné. Il était prêt à tout pour reprendre le contrôle du pays et mener une politique d’apartheid qui indigne tous les observateurs internationaux. Mais, tant qu’il a le soutien de Trump, tout va bien pour lui. Maintenant, attendons-nous au pire ! On n’est pas sorti de l’auberge.