Xavier Bertrand se confie au JDD : « l’alternative à Macron sera le FN ou la France Insoumise »

Dans une interview exclusive accordée au JDD et publiée ce dimanche 25 Juin 2017, Xavier Bertrand, président des LR (Les Républicains) des Hauts-de-Seine et ex ministre du Travail sous Nicolas Sarkozy est revenu sur les divisions qui minent le parti LR. L’ancien maire de Saint-Quentin a sévèrement taclé ses amis de droite, dont Fillon et Sarkozy

Xavier Bertrand balance tout au JDD. Parlant des leçons qu’il a tirées de la séquence électorale, il s’interroge : « cette séquence électorale insensée ? Celle qui était imperdable pour la droite et qu’on a perdue ? Celle qui a sacrifié toute une générale de nouveaux candidats aux législatives ? Celle-là ? ». Il estime que cette séquence a été bien plus qu’un fiasco pour la droite.

« Bien plus que cela ! Le vieux monde politique est par terre. Où sont passés ceux dont on disait qu’ils étaient les électeurs type de la droite ? Les agriculteurs, les commerçants, les artisans…sans parler des ouvriers ou des chercheurs. La droite s’est coupée de la société, rétrécie », regrette-t-il.

Au JDD, Xavier Bertrand reproche implicitement à sa propre formation politique d’avoir cherché à séduire le Front National. « Au-delà de la défaite de Fillon, c’est tout cela que nous payons. Depuis le débat sur l’identité et le discours de Grenoble, faute de résultats, et faute d’avoir fait les réformes complètement, nous n’avons eu de cesse de chercher à tout prix à regagner les électeurs du Front National… en courant après le FN ».

« Les promesses n’ont pas été tenues »

Xavier Bertrand a dénoncé un durcissement du discours de la droite qui, selon lui, a été à l’origine de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012. « (…) Les promesses n’ont pas été tenues. Et en 2012, on a tous entendu : ‘une semaine ou deux de plus et j’aurais gagné’. Bien sûr que non ! On a assisté à une radicalisation du discours. (…) La droite ne peut pas être dure avec les plus fragiles », note-t-il.

Sur la question de savoir si la tentative de retour de Nicolas Sarkozy a bloqué l’arrivée d’une nouvelle génération, il rétorque : « le problème, c’est surtout que notre logiciel a plus de dix ans. Dans cette primaire, il n’y avait pas d’idées. Et aujourd’hui, on nous dit : ‘on a failli revenir à 65 députés, on est quasiment le double, on a sauvé les meubles’. Soyons sérieux ! ».

« Ouvrons les yeux : nos électeurs nous ont quittés »

Le président LR des Hauts-de-Seine dresse un bilan désastreux du parcours de la droite ces dernières années. « Nous avons perdu en cinq ans deux élections présidentielles et cette fois, sans être au second tour ! Nous sommes revenus à moins de 100 députés et on veut nous faire croire qu’on est en capacité de rebondir ! Ouvrons les yeux : nos électeurs nous ont quittés », lance-t-il.

Il se pose une série de questions : « (…) que veut dire aujourd’hui être de droite ? Qu’est-ce que la droite et le centre proposent à une société nouvelle, avec une nouvelle donne politique ? Cela fait des années qu’on explique que le débat prioritaire, c’est la France identitaire. Et si on apportait des réponses à la France égalitaire ? (…) Nous ne nous posons pas ces questions parce qu’on est focalisé sur le FN, c’est devenu la boussole de beaucoup de dirigeants. Alors nous avons oublié d’être nous-mêmes, et au bout du moment, tout s’écroule ».

« Il a été jusqu’au-boutiste, mais il a été aidé par le jeu des uns et des autres »

Sur la question de savoir s’il reproche à François Fillon son jusqu’au-boutisme, Xavier Bertrand répond : « il a été jusqu’au-boutiste, mais il a été aidé par le jeu des uns et des autres qui se disaient : ‘il vaut mieux qu’il s’accroche et perde, le terrain sera dégagé ensuite’. Après le Trocadéro, Fillon une dette énorme vis-à-vis de Sens commun qui prend alors le pouvoir dans sa campagne ».

Le président LR des Hauts-de-Seine dénonce les « questions d’égos » qui ont empêché qu’un plan B puisse être trouvé pour remplacer Fillon, fragilisé par le Penelopegate. Il confie avoir conseillé à Juppé de ne pas remplacer Fillon. « Il fallait reconnaître les erreurs qui avaient conduit à son échec à la primaire », rappelle Xavier Bertrand parlant de Juppé.

« C’est dans notre pacte fondateur, dans notre ADN, l’opposition au FN »

Parlant de ceux qui ont apporté leur soutien à Fillon au Trocadéro, il est sans détour : « c’est le grand bal des hypocrites. J’ai pensé qu’il fallait que Fillon renonce. Lui-même a douté. Je le sais pour l’avoir vu vendredi avant Trocadéro. Mais, c’était à Fillon de dire : ‘je ne peux pas continuer ma campagne’ et de désigner un remplaçant ». Il dit regretter que Fillon ait refusé de rencontrer Sarkozy pour un grand meeting commun Fillon-Sarkozy et Juppé pour une sortie de crise.

Au JDD, Xavier Bertrand regrette que les responsables LR n’aient pas appelé à voter Macron pour faire barrage au FN. « (…) Je rappelle que l’UMP a été fondée en 2002 au lendemain de l’élection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen. C’est dans notre pacte fondateur, dans notre ADN, l’opposition au FN. Et quinze ans plus tard, nous ne sommes plus capables de dire tous ensemble que nous ne voulons plus de Le Pen, nous votons donc Macron ».

« Nous continuons à vivre ensemble, mais ça fait bien longtemps qu’on ne s’aime plus »

Il parle de « fracture terrible ». « C’est une fracture terrible, qui reste ouverte. En réalité, il n’y a plus grand-chose en commun entre nous. Nous continuons à vivre ensemble, mais ça fait bien longtemps qu’on ne s’aime plus. Et on a peut-être plus grand-chose à faire ensemble ».

Au JDD, Xavier Bertrand est droit dans ses bottes. Il déclare haut et fort qu’il ne sera pas candidat à la présidence du parti LR en novembre. « Je ne serai pas candidat à l’élection de novembre », déclare-t-il, justifiant sa décision par le fait qu’il veut faire de sa région Hauts-de-Seine sa priorité. « J’ai pris un engagement vis-à-vis des habitants de Hauts-de-Seine et j’ai l’intention de le tenir », souligne-t-il.

« Macron n’a jamais été dans une logique d’union nationale à l’allemande »

L’ex maire de Saint-Quentin a aussi regretté que la droite ait fait un chèque blanc à Emmanuel Macron. « Je pense qu’entre cette droite qui fait un chèque blanc à Macron et une autre revancharde qui veut empêcher y compris les bonnes réformes  de voir le jour, il y a de la place pour une troisième voie, une nouvelle opposition libre, qui s’oppose et qui propose », dit-il.

Sur la question de savoir s’il aurait pu travailler avec Macron, sa réponse est celle-ci : « je ne suis pas prêt à renier mes idées. Macron n’a jamais été dans une logique d’union nationale à l’allemande. Je ne suis pas sûr qu’il ait envie de s’ouvrir aux idées des autres. Sinon, Edouard Philippe et les autres ministres de droite auraient immédiatement discuté de l’abandon de la CSG (…) ».

« Dans quelques années, l’alternative à Macron sera le FN ou le FI »

Sur la question de savoir s’il est bluffé par Macron, il répond : « c’était le même phénomène il y a dix avec Sarkozy. Lui-aussi bluffait tout le monde, lui aussi allait renouveler complètement la vie publique, avec un nouveau style. Le PS était par terre. On connait la suite. En politique, le problème n’est pas de briller, mais de durer (…) ».

Sur la question de savoir ce qu’il redoute, Xavier Bertrand dira : « méfiez-vous de la France insoumise. C’est la première fois depuis 1981 que le président élu n’a pas été le porte-parole de la France populaire. Il est le représentant de la France qui va bien. Si la droite et le centre ne parle pas à la France des oubliés, dans quelques années, l’alternative à Macron sera le FN (Front National) ou le FI (France Insoumise) ».

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