Depuis son introduction sur le marché européen en 2005, la cigarette électronique inquiète car elle pourrait ne pas être sans danger et être un moyen d’initiation des jeunes au tabac. Sa place comme moyen d’arrêt du tabac est en cours d’évaluation. Bien qu’encore partielles, les études indiquent que si la cigarette électronique doit être surveillée et réglementée, elle est aussi une opportunité nouvelle car son développement est accompagné d’une baisse du tabagisme. Plus d’information en cliquant ici
Caractéristiques de la cigarette électronique
Inventée en Chine par Hon Lik en 2006, la cigarette électronique (ou e-cigarette) est le nom générique désignant des générateurs d’aérosols dont la forme s’inspire de la cigarette. La cigarette électronique ou vapoteuse sert à délivrer de la fumée artificielle aromatisée contenant ou non de la nicotine. Ce dispositif électrique est destiné à « vapoter », c’est-à-dire aspirer de la vapeur obtenue par l’échauffement d’une solution liquide présente dans un flacon de recharge ou cartouche. L’emplacement du filtre contient une mèche ou un réservoir pour le liquide aromatique de substitution au tabac. Les recharges sont sous forme de flacons de « e-liquides » composés de propylène glycol ou de glycérol, de divers arômes et éventuellement de nicotine. Il existe aujourd’hui plus de 7 700 arômes différents. Les taux de nicotine des e-liquides pour cigarettes électroniques sont indiqués en mg/ml. Les dispositifs électroniques de vapotage peuvent être jetables ou rechargeables au moyen d’un flacon de recharge et d’un réservoir ou au moyen de cartouches à usage unique. Le principe est de provoquer par un chauffage doux (environ 60°C) un aérosol plus ou moins concentré en nicotine. Contrairement à la cigarette traditionnelle, pour laquelle la température du foyer peut atteindre 500 à 700 degrés, il ne s’agit pas d’une combustion.
Quelques chiffres sur les consommateurs
D’après les données du Baromètre santé de l’Inpes réalisé en 2014, 6% de la population des 15-75 ans utilisent l’e-cigarette soit environ 3 millions de personnes en France. Sur l’ensemble de la population générale, les utilisateurs quotidiens de cigarette électronique représentent 2,9%, soit entre 1,2 et 1,5 million d’individus. Parmi ces utilisateurs, la majorité consomme aussi du tabac : 75% des utilisateurs de cigarette électronique sont des fumeurs réguliers et 8,4% des fumeurs occasionnels. Sur l’ensemble de la population âgée de 15 à 75 ans, les anciens fumeurs utilisant la cigarette électronique de manière exclusive ne sont que 0,9%, soit environ 400 000 individus. En mai 2017, l’InVS a publié un Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH n°12) analysant les résultats du Baromètre santé 2016 sur les niveaux d’usage de l’e-cigarette en France. Les résultats du Baromètre suggèrent qu’en France, entre 2014 et 2016, la prévalence du vapotage quotidien et celle du vapotage occasionnel ont diminué. Ces résultats montrent que l’expérimentation de la cigarette électronique n’augmente pas et que le produit n’attire pas de nouveaux consommateurs. En 2016, la prévalence d’usage quotidien parmi les plus jeunes (15-24 ans) diminue. Parmi les vapoteurs quotidiens, la part des ex-fumeurs est en augmentation et concerne plus de 4 vapoteurs sur 10 en 2016 (InVS, 2017).
Une étude récente menée aux Etats-Unis et publiée en janvier 2018 dans le JAMA (Journal of the American Medical Association) précise que les adolescents non-fumeurs qui utilisent des cigarettes électroniques sont deux à trois fois plus enclins à commencer à fumer du tabac que ceux n’ayant jamais essayé le « vapotage » (Watkins, 2018). Il reste encore débattu à ce stade si l’e-cigarette constitue une réelle « porte d’entrée » vers le tabac dans cette population, ou bien si ces deux moyens de consommation concernent en réalité une même population vulnérable, qui aurait expérimenté le tabac même en l’absence de cigarette électronique (Soneji, 2017). En effet, il a été montré que les adolescents utilisant la cigarette électronique sont également plus à risque d’expérimenter d’autres substances psychoactives (McCabe SE, 2018).
E-cigarette et sevrage tabagique
En 2017, une première étude menée par Santé Publique France s’est intéressée au rôle de la e-cigarette parmi les fumeurs français. Les résultats montrent que l’utilisation régulière d’e-cigarette est liée à une réduction de la consommation de tabac et à des tentatives d’arrêt plus fréquentes, mais n’apporte pas de preuve quant à son efficacité en termes d’aide à l’arrêt du tabac.
En 2018, Franks et al., ont réalisé une revue de la littérature sur l’utilisation des e-cigarettes comme outil de sevrage tabagique chez des sujets prêts à cesser de fumer, d’autres non disposés à cesser de fumer, et chez des patients. Ils observent qu’à court terme l’utilisation des e-cigarettes par les fumeurs est associée à un arrêt du tabac, avec une bonne tolérance mais une efficacité jugée modeste. Une autre étude menée auprès de patients atteints de cancer déclarant utiliser les e-cigarettes comme stratégie de sevrage tabagique, montre qu’elles n’ont pas été efficaces pour soutenir l’arrêt sur une période de 6 à 12 mois (Correa, 2018). Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer l’utilisation des e-cigarettes pour l’arrêt du tabac chez les patients atteints de maladies pulmonaires. Il n’existe pas de données décrivant l’efficacité des e-cigarettes pour l’abandon du tabac chez les femmes enceintes (Franks, 2018).
L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a lancé à l’automne 2018 l’étude ECSMOKE afin d’évaluer et comparer l’efficacité des cigarettes électroniques par rapport à un médicament, la varénicline, dans l’arrêt du tabac. Cette étude randomisée, nationale, multicentrique (11 centres hospitaliers participent) est financée par les autorités de santé (PHRC 2015).
Toxicité comparée entre cigarette électronique et la cigarette conventionnelle
Le nombre d’études scientifiques sur la toxicité de l’e-cigarette reste faible en raison de problèmes méthodologiques (étude de petite taille, résultats contradictoires, absence de suivi à long terme, conflits d’intérêts). Néanmoins, des études de toxicité ont été réalisées généralement en laboratoire sur animaux ou sur cultures cellulaires exposées aux liquides et aux fumées d’e-cigarettes et des recharges. En 2018, Kamilari et al, ont mis en évidence par spectroscopie par fluorescence X à réflexion totale la présence de métaux lourds dans les liquides de recharge de cigarettes électroniques. Les éléments d’intérêt sont le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le nickel (Ni), le cuivre (Cu), l’arsenic (As) et le chrome (Cr) considérés comme nocifs pour la santé humaine. Les liquides de recharge testés se sont avérés en dessous des concentrations définies par les autorités réglementaires (Kamilari, 2018).
L’aérosol, communément appelé « vapeur », émis par l’e-cigarette à la température d’environ 60 degrés, contient des substances toxiques communes à celles de la combustion des cigarettes conventionnelles comme le monoxyde de carbone ou les goudrons. Quant au principal composant des e-liquides : le propylène glycol, également utilisé comme additif alimentaire, il ne semble pas avoir de toxicité à court terme à la température de 60 degrés, la dégradation du glycérol en produits toxiques n’étant significative qu’au-delà de 250 degrés. Les concentrations de carcinogènes (formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine, toluène, nitrosamines) sont de 9 à 450 fois moins élevées qu’avec la cigarette traditionnelle (Pisinger, 2014). Les autres substances chimiques identifiées dans la composition des aérosols tels que le diacétyle, l’acétaldéhyde, le plomb, l’antimoine, l’arsenic, le nickel, le chrome et le cadmium sont réglementées par les normes AFNOR. Cependant, les connaissances scientifiques actuelles restent insuffisantes sur les effets de ces molécules sur le long terme.