Tensions entre le Hezbollah et Israël : faut-il craindre une nouvelle guerre au Moyen-Orient ?

(Une analyse de Kareem Salem, étudiant en relations internationales)

L’année 2006 a été une année mouvementée pour la région du Moyen-Orient. La reconstruction de l’Irak avait été entravée par une guerre sectaire entre groupes insurgés sunnites et chiites. Dans les territoires palestiniens, la victoire du Hamas aux élections législatives avait conduit à un conflit entre les dirigeants du Hamas et du Fatah.

Mais c’est surtout la guerre entre Israël et le Hezbollah qui a marqué la communauté internationale. Le conflit aurait commencé le 12 juillet 2006, lorsque le Hezbollah a capturé deux soldats des Forces de défense israéliennes (FDI) sur le sol israélien. En guise de riposte, le gouvernement israélien a lancé l’opération « Changement de direction », où des raids aériens avaient eu lieu sur tout le Liban, afin de récupérer les soldats israéliens faits prisonniers et de briser le Hezbollah. De son côté, le Hezbollah avait lancé de nombreuses roquettes sur le nord d’Israël. En 33 jours de guerre, plus de 1 200 Libanais, civils pour la plupart ont été tués (Daher 2011). Du côté Israélien, 119 soldats et une quarantaine de civils ont été tués (Daher 2011).

Malgré la cessation des hostilités, les tensions persistent entre Israël et le Hezbollah. Les tensions se sont intensifiées ces dernières semaines depuis que deux drones israéliens chargés d’explosifs ont été abattus par le Hezbollah. L’organisation chiite a riposté en envoyant des missiles antichars qui ont été tirés vers la colonie d’Avivim. Il est donc nécessaire d’analyser s’il devrait y avoir une crainte d’une nouvelle guerre violente entre Israël et le Hezbollah.

Le Hezbollah, bras droit de l’Iran

L’Iran a joué un grand rôle dans la création du Hezbollah. Au moment de l’invasion israélienne du Liban en 1982, environ 500 gardes révolutionnaires iraniens ont été envoyés dans la Beqaa pour équiper et entraîner les combattants des groupes chiites libanais (Ghorayab et Sueur 2007). En 1985, ces groupes chiites se sont réunis sous le nom de Hezbollah. L’organisation libanaise se projette avant tout comme un mouvement politique fondamentaliste islamique chiite qui prend sa source idéologique directement du Khomeynisme et de sa théorie du « Wilayat al-Faqih » (Théorie du Jurisconsulte). Cette théorie soutient que le jurisconsulte détient le pouvoir politique ultime (Daher 2017).

Les liens sectaires étroits avec le Hezbollah permettent au régime iranien de poursuivre sa politique contre Israël au Liban. Le soutien de la population chiite libanaise au Parti de Dieu et au pouvoir chiite iranien permet à l’État iranien, grâce au soutien du Hezbollah, de transmettre sa politique hostile contre l’État hébreu dans les couches sociales chiites du Liban (Daher 2019). En ce sens, en poursuivant une politique anti-israélienne, le régime iranien entend faire en sorte que l’Iran et son allié libanais soient reconnus comme le fer de lance du nationalisme arabo-musulman contre Israël au Liban et dans la région. La brève guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006 faisait partie de cet objectif dans lequel le chef du Hezbollah Nasrallah a été célébré comme un héros arabe de Casablanca au Caire (Roy 2016).

L’Iran affaibli par les sanctions économiques américaines

Bien que le Parti de Dieu ait en grande partie construit sa base de popularité grâce à sa résistance armée à Israël, il est peu probable que le Hezbollah veuille encourager une nouvelle guerre avec l’État hébreu à court terme. En effet, une telle décision est en partie dépendante de celle de l’État iranien (Picard 207). Il convient de noter que depuis la sortie des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en mai 2018, qui a conduit à une série de sanctions économiques par l’administration Trump, y compris sur toutes les importations de pétrole iranien, l’économie iranienne s’est affaiblie.

La mise en place d’une politique coercitive contre le régime iranien a entraîné une chute de la monnaie iranienne et une inflation record de près de 40%, ce qui a eu un impact sur le pouvoir d’achat des Iraniens (Makooi 2019). En empêchant le régime iranien de vendre son pétrole, le gouvernement iranien a perdu 80% de tous les revenus de l’État (Assadi 2019). En ce sens, l’Iran ne peut pas se permettre qu’une escalade des tensions entre le Hezbollah et Israël mène à une nouvelle guerre violente dans laquelle l’Iran serait probablement impliqué.

Une nouvelle guerre avec le Hezbollah ne serait pas dans l’intérêt d’Israël

Les autorités israéliennes sont bien conscientes que l’organisation chiite libanaise a renforcé ses capacités et ses ressources militaires depuis la guerre de 2006. Le Hezbollah s’approche désormais d’une armée conventionnelle (Cimino 2016). L’organisation chiite a renforcé son arsenal militaire, en particulier dans les domaines des roquettes et des drones, et a renforcé son agilité militaire lors de son intervention aux côtés des forces de Bachar al-Assad en Syrie (Rodier 2019). Ainsi, une escalade violente avec le Hezbollah pourrait entraîner d’importantes pertes militaires et un déclin de la stabilité sécuritaire, en particulier dans les villes du nord d’Israël.

En outre, il n’est pas clair non plus que le président Trump souhaite que Benjamin Netanyahou accentue les tensions avec le Parti de Dieu. Le président Trump sait qu’une nouvelle guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait déclencher une intervention iranienne en soutien à l’organisation chiite. À l’heure actuelle, le président Trump ne veut pas intervenir dans une confrontation directe avec le régime iranien parce qu’il croit toujours que la diplomatie coercitive américaine poussera l’Iran à la table des négociations. Compte tenu de toutes ces considérations, une nouvelle guerre avec le Hezbollah ne serait pas dans l’intérêt de l’actuel Premier ministre israélien, qui se trouve politiquement affaibli par les résultats des élections législatives israéliennes du mois dernier.