Donald Trump, le premier président indépendant d’Amérique (Analyse de Dan Balz)

En regardant les choses à travers des lunettes, la candidature du Président Trump était improbable du début à la fin. Aujourd’hui, deux choses sur sa victoire doivent mériter une attention particulière : une, que la victoire de Trump serait mieux comprise comme la réussite du président indépendant et deux que la victoire de Trump serait plus uniquement la sienne que celle de Barack Obama.

Réfléchissez bien sur la manière dont il s’est imposé. Il y a une poignée d’importants événements lors d’une campagne électorale qui donnent aux candidats la chance de se mettre en valeur, de mettre en valeur leur jugement et leur vision. Le premier est le choix du colistier. Le deuxième est la mise en place des conventions et le troisième est la performance dans les débats. Hillary Clinton a fait mieux que Trump sur tous les trois points. Néanmoins, l’équipe de Trump a cru que les débats ne sont pas tombés à la faveur de Clinton.

Ensuite, il y a les facteurs qui vont dans le sens de produire une campagne réussie. Ces facteurs incluent les ressources, les opérations et les mécaniques de campagne ainsi que les compétences avec lesquelles les candidats évitent les erreurs et font face à des revers inattendus. Hillary Clinton a levé plus de fonds que Trump. Elle avait de nombreux employés bien payés sur le terrain dans les Etats clés. Elle a passé beaucoup plus de publicités à la télévision que Trump.

Trump a soulevé de nombreuses controverses tout au long de la campagne, tandis que les problèmes d’Hillary étaient moins nombreux. C’est seulement dans les derniers jours que Trump s’est senti plus sûr de lui. En d’autres termes, dans toutes les étapes de la campagne, Trump était perçu comme le perdant.

Mais, aujourd’hui, il constitue une équipe pour son administration tandis qu’Hillary Clinton est en train d’absorber le choc brutal d’avoir perdu une élection présidentielle qu’elle pensait avoir remportée. Trump doit son succès en partie au fait qu’il était candidat à la présidentielle dans un environnement qui favorisait le changement au détriment du statut quo. Mais, sa chance ou son génie est allé au-delà de cela.

On a noté depuis longtemps que les conditions pour qu’un candidat indépendant fasse une campagne présidentielle sérieuse ont existé. Le degré de mécontentement envers Washington, l’anxiété envers l’économie et l’humeur générale aigre par rapport à l’avenir ont jeté les bases d’une campagne de la part de quelqu’un en dehors du système, qui n’est lié à aucun parti politique et qui a fait la promesse de faire bouger les choses.

L’obstacle des candidats indépendants à la campagne présidentielle est que le fait de gagner des élections dans un système qui favorise clairement les deux plus grands partis (Républicain et Démocrate) est une cause perdue d’avance. C’est la principale raison pour laquelle Michael Bloomberg, ex maire de New York, avait décidé plusieurs fois de ne pas se porter candidat après avoir étudié la situation.

Trump a pris les éléments d’une candidature indépendante (l’absence d’une idéologie claire, la reconnaissance de son nom au niveau national et la fortune personnelle nécessaire pour financer sa campagne présidentielle) et a fait ce que personne n’avait pensé faire. Il a pris, d’une manière hostile, le dessus sur un grand parti. Il avait le meilleur des deux mondes, une candidature d’outsider avec un appel idéologique entrecroisé et la plateforme d’un grand parti pour lancer l’élection générale.

Au moment où il a fini sa mission, il avait déjà renversé deux dynasties politiques : la dynastie Bush dans les primaires et la dynastie Clinton dans la campagne présidentielle. Tout au long de la campagne, la grande question a été celle de savoir si l’année 2016 allait redessiner la carte électorale. Surtout parce que ce fut la conséquence de l’idée que la démographie est le destin.

Ce fut une sténographie pour les Démocrates qui espéraient que les données démographiques en changement constant (les hausses de la communauté hispanique principalement) ainsi que l’augmentation d’une population de plus en plus diplômée feraient que certains Etats passeraient de rouge à violet et d’autres de violet à bleu. Un exemple a été la manière dont Hillary Clinton a vu Virginie et le Colorado comme deux Etats ayant devenus Démocrates durant les années Obama.

Ils ont aussi vu une chance de gagner en Arizona cette année et ils croyaient que l’Etat de Georgia deviendrait bientôt un véritable Etat clé. Le revers de la médaille du concept « la démographie est le destin » était que, pendant un moment, les Républicains auraient pu avoir leur meilleure opportunité de changer la carte en se focalisant sur des Etats du nord particulière industrielle qui comptent tous une population vielle et blanche et très peu de diplômés.

Sauf Ohio, ces Etats (Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin) faisaient tous partie de ce que Ron Brownstein appelait le « mur bleu ». La phrase a été la sténographie pour les Etats qui dès 2012 avaient voté Démocrate durant six élections présidentielles consécutives. Malgré les données démographiques, il est apparu que le mur serait un obstacle de taille que Trump ne surmonterait pas pendant les élections, bien que son discours sur les accords commerciaux et l’immigration ait été fait sur mesure pour les électeurs de cette région.

Ce qui s’est passé est que cette carte d’une nouvelle Amérique n’est vraie que dans un sens. Trump a converti une portion de cette carte qui tout d’un coup a accueilli son message et Clinton a échoué dans les Etats qui, un jour, pourraient pencher vers le camp démocrate. La carte du nord était assez mûre pour que Trump la cueille, contrairement aux Etats du Sud qui étaient acquis à Hillary.

Pour les Républicains, le fait que Trump ait gagné la présidentielle en ayant perdu le vote populaire devrait être une source de préoccupation. C’est la deuxième fois dans cinq élections récentes que le GOP est arrivé à la Maison Blanche avec moins de votes, tandis que Clinton apparaîtra avec une popularité claire et une marge de vote beaucoup plus importante que celle d’Al Gore en 2000.

Dans une analyse, Mark Gersh du Comité National pour un Congrès Efficace a étudié le vote dans 14 Etats swing contre le reste des Etats du pays. Trump a remporté le vote populaire dans ces 14 Etats et a obtenu 142 votes électoraux de ces Etats. Dans les 36 autres Etats, il a perdu le vote populaire par une marge plus grande. Il a trouvé le vote là il en avait besoin. Hillary non.

Comment il a réussi à le faire ? Regardez Ohio. Pendant des années, l’Etat a été la tête de troupeau classique et dans les trois dernières élections, il a été l’épicentre dans la course à la Maison Blanche. Cette année, il est tombé en faveur de Trump de 8 points et a basculé de sa norme historique par sa plus grande marge en plus d’un demi-siècle.

Mike Dawson, un expert en statistiques des élections à Ohio, a livré une analyse du vote la semaine dernière pour le Colmbus Dispatch. Il a trouvé que les pourcentages de Trump étaient plus élevés que ceux de Mitt Romney en 2012 dans 83 des 88 comtés du pays. Les pourcentages de Trump dans la partie rurale sud-est de l’Ohio ont été les plus importants depuis la victoire d’Herbert Hoovert en 1928. A Youngstown, jadis une zone démocrate, Trump a obtenu 52% des voix contre seulement 32% pour Mitt Romney en 2012.

Ohio n’était pas unique. Les mêmes cas ont été constatés dans d’autres Etats du Nord. Néanmoins, dans trois Etats bleus convertis par Trump, Clinton aurait dû gagner si les Afro-américains ne lui avaient pas tourné le dos ou si elle avait empêché que les nombreux blancs diplômés s’éloignent d’elle pour se tourner au parti Républicain. Cette population avait été perçue comme un élément clé d’une nouvelle coalition Clinton.

Trump a redessiné la carte comme il a redessiné les règles de sa campagne. Pour ces raisons particulières et malgré toute la polémique suscitée par sa campagne et ses nominations personnelles, il ne devrait pas être sous-estimé et/ou étudié à travers des lunettes.

Analyse de  Dan Balz, correspondant en chef de Washington Post. Il a été également correspondant du journal au niveau de la Maison Blanche. L’article a été traduit de l’anglais vers le français par www.lecourrier-du-soir.com. Pour le lire en anglais, cliquez sur le lien suivant: « Washington Post »

SHARE
Cheikh Tidiane DIENG est fondateur et rédacteur en chef du site www.lecourrier-du-soir.com. Diplômé en Médias Internationaux à Paris, en Langues et Marché des Médias Européens à Dijon et en Langues étrangères (anglais et espagnol) au Sénégal, ce passionné de journalisme intervient dans des domaines aussi divers que la politique internationale, l’économie, le sport, la culture entre autres. Il est aussi auteur du livre : "Covid-19 ; le monde d'après sera une dictature". Contact : cheikhdieng05@gmail.com