La France déclare la guerre à la junte malienne : « votre gouvernement est illégitime, il est issu d’un coup d’Etat »

Dans une interview accordée à la RFI/France 24 ce 31 mars, Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, n’a pas été tendre envers la junte militaire malienne qui dirige le pays depuis le coup d’Etat d’août 2021 qui avait renversé l’ancien président, Ibrahim Boubakar Keïta (IBK). Le chef de la Diplomatie française qualifie la junte d’ « illégitime » et accuse les mercenaires de Wagner de « se servir sur les ressources propres du Mali »

Lecourrier-du-soir.com vous propose de lire l’interview dans sa version originale

Excellente lecture 

RFI/France 24 : Est-ce qu’il y a un risque de famine dans certains pays du Sud avec la perturbation très grave du marché des céréales et que peut faire la France pour empêcher la famine ?

Jean-Yves Le Drian Il y a un risque réel dans les céréales -à la fois le blé, le maïs, le tournesol- parce que l’Ukraine est un grand producteur et que c’est difficile aujourd’hui de cultiver en Ukraine. D’où des craintes majeures sur la sécurité alimentaire d’un certain nombre de pays. Je pense aux pays du Moyen-Orient, de l’Afrique en particulier. D’où l’initiative qu’a prise le président de la République lors de la réunion du G7 à Bruxelles, la semaine dernière, qui s’appelle l’opération « Farm », qui consiste à prendre des initiatives dans trois domaines différents. D’abord dans le domaine de la commercialisation, pour qu’il y ait plus de transparence, plus de fluidité sur les marchés, éviter le stockage, éviter la spéculation sur les céréales. Un dispositif de solidarité, pour faire en sorte que les pays les plus en difficulté puissent être soutenus par des livraisons et que l’on permette au Programme alimentaire mondial de faire son travail et de ne pas être soumis à la spéculation et au stockage pour pouvoir distribuer, et puis aussi pour produire davantage. Tous les pays sont incités à le faire. Ce triptyque-là, il est majeur, il est initié par la France, mais il est repris aujourd’hui par l’Union européenne pour que l’on puisse être totalement solidaire et éviter ces risques, qui ne sont pas pour demain matin, mais qui sont malheureusement pour après-demain.

Depuis deux mois, monsieur le ministre, les militaires maliens et les miliciens présumés du groupe russe Wagner sont rendus responsables par les Nations unies et Human Rights Watch de graves exactions dans le centre du Mali. Est-ce que vous confirmez ou pas ces informations ?

Tous les éléments que nous avons, y compris les ONG qui ont enquêté sur le sujet, y compris les Nations unies, montrent que finalement la présence de Wagner au Mali, c’est quoi ? C’est des exactions et la limitation des libertés publiques. Vous en savez quelque chose.

Vous faites allusion à la suspension des émissions de RFI et de France 24 ?

Oui bien sûr. C’est le nouvel autoritarisme qui fait que la junte au pouvoir est prise un peu en otage aussi sur ces points par la force Wagner. Donc Wagner, qui était réputée devoir être une force de libération, c’est une force d’exaction et de prédation. Et en plus, ils se servent sur les ressources propres du Mali. C’est pour ça que c’est très grave.

Il y a deux mois, l’ambassadeur de France à Bamako a été expulsé par les autorités maliennes. Est-ce que tout dialogue avec Bamako est rompu ou est-ce qu’Emmanuel Macron parle avec le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta ?

Ce gouvernement n’a aucune légitimité. C’est un gouvernement issu d’un coup d’État et c’est un gouvernement qui, pour l’instant, ne met pas en place les formes de reconnaissance légitime qu’il pourrait avoir du peuple malien. Nous travaillons, nous, avec la Cédéao pour lutter contre le terrorisme parce, ce qui va se passer, c’est une réarticulation complète du dispositif français et du dispositif européen. Et que la décision de réarticulation, de repositionnement, de réorganisation a été prise par les Européens et par les Africains, ensemble, au mois de février dernier. Non seulement les pays du Sahel, mais désormais aussi les pays du golfe de Guinée, puisqu’on voit des percées, une porosité de l’action des groupes terroristes dans le nord de ces pays.

Alors la France va se redéployer au Niger. Est-ce qu’au Niger, on ne se risque pas de se heurter au même problème qu’au Mali, c’est-à-dire un sentiment anti-français ?

Ce n’est pas du tout comme cela que ça va se passer. La France ne va pas se redéployer au Niger. Nous nous réorganisons ensemble. Quand j’ai dit nous, ce sont les Européens et les Africains, pour faire consolider les quatre piliers de ce qu’on appelle les accords de Ndjamena, c’est-à-dire à la fois la lutte contre le terrorisme, la formation des forces militaires des pays concernés, le retour de l’État dans les zones qui sont reconquises et le développement. Je vais à Madrid lundi prochain pour assister à la troisième réunion de l’Alliance pour le Sahel, pour mobiliser les fonds pour ces pays. Nous allons nous réorganiser en fonction des demandes de chacun des États concernés, et solidairement entre les Européens et les Africains. Donc ce n’est pas la France qui se réinstalle au Niger. Ce n’est pas ça. Au Niger, il y aura une demande, mais européenne. Je dis bien européenne.