Tensions dans le Golfe arabo-persique : le Liban sera-t-il déstabilisé?

(Une analyse de Kareem Salem, étudiant en relations internationales)

Depuis la sortie de Washington de l’accord nucléaire iranienne, les tensions entre les États-Unis et l’Iran se sont accentuées. Depuis mai dernier, des navires commerciaux, un oléoduc saoudien ainsi qu’un drone américain ont été attaqué dans le Golfe arabo-persique.

Le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah avait prévenu le 31 mai dernier, que toute guerre contre l’Iran affecterait l’ensemble du Moyen-Orient. Il convient donc de se demander si les récentes tensions dans le Golfe arabo-persique pourraient accentuer les tensions entre le Hezbollah et le gouvernement de Saad Hariri au Liban.

Hariri au sommet de La Mecque 2019

Le Liban était représenté par le Premier ministre libanais, ainsi soulignant l’intention de ce dernier de vouloir montrer sa solidarité avec l’axe Riyad-Abou Dhabi, face aux récentes attaques des houthistes (une rébellion pro-iranienne soutenue militairement et financièrement par Téhéran), contre un oléoduc saoudien et le sabotage de quatre navires, au large des Émirats (Barthe 2019).

En effet, le Premier ministre Hariri, avait souligné durant ce sommet d’États arabes l’importance de la solidarité arabe face à l’ingérence extérieure. Cette prise de position est bien contraire du mouvement chiite libanais qui condamne toute prise de position visant à affaiblir le régime iranien par les alliés de l’axe Riyad-Abou Dhabi.

Le Liban : un pays stratégique

Tout contrôle d’influence du Liban permet aux puissances saoudienne et iranienne d’avoir un accès à la Méditerranée, de Tyr à Tripoli. Ceci est important pour Riyad, puisque la Syrie sous le contrôle d’un régime Alaouite de confession chiite est un allié important de Téhéran notamment depuis la Première Guerre du golfe. Le royaume saoudien avait donc souhaité d’apporter leur soutien au clan Hariri notamment Rafiq Hariri, (dont ce dernier avait un rapport privilégié avec le roi Fahd) ainsi qu’à son fils Saad après l’assassinat de son père en 2005 (Daher 2016). De plus le Premier ministre actuel dispose de la nationalité saoudienne.

Sous le président Trump, il est important que les États-Unis soutiennent les personnalités politiques qui sont opposées au renforcement politique du Hezbollah au Liban. Cette prise de décision par le président Trump, s’inscrit dans un contexte où ce dernier souhaite détruire tout ce qu’avait construit Obama. En effet sous le président Obama, Washington avait souhaité être particulièrement clément envers le « parti de Dieu » afin de faciliter les négociations sur le nucléaire menées avec l’Iran (Ottolenghi 2018).

Toute détente entre Washington avec le Hezbollah serait contraire à la politique pro-Israël mené par le président Trump. En effet, ce dernier voit le Hezbollah comme étant une organisation terroriste qui représente une menace à la fois pour les intérêts américains et israéliens.

Tout soutien au Premier ministre Benjamin Netanyahu contre le Hezbollah, serait dans les intérêts du président Trump, étant que ce dernier dépend des chrétiens évangéliques américains, très puritain et conservateur, pour être réélu en 2020. Cette communauté religieuse soutient la politique des colonies israéliennes mené par Netanyahu dans les territoires palestiniens (Bastier 2018).

Enfin pour le régime des mollahs toute exportation de la révolution islamique dans le monde arabe serait pour eux un moyen de renforcer la puissance iranienne à travers la région. Le Liban s’inscrit dans ce contexte, à travers le « parti de Dieu », où leur insertion dans le paysage socio-institutionnel libanais leur permet de jouer un rôle central dans la politique libanaise.

En effet, la victoire du mouvement chiite aux élections législatives de 2018, leur permet d’avoir une grande influence dans le processus décisionnel du pays, donc leur permette de promouvoir la politique islamique du régime des mollahs.

Le Hezbollah est également un acteur essentiel, dans la politique menée par l’Iran contre Israël. En effet, la République islamique, voit Israël comme un avant-poste du colonialisme » occidental dans la région. Étant que le Liban possède des frontières avec Israël et que le « parti de Dieu » s’est ancré dans des régions libanaises à forte population chiite (notamment dans celles près de la frontière avec l’État hébreu), que leur permette de promouvoir leur haine envers Israël, et de conduire des attaques contre ce dernier, le Hezbollah est donc un acteur essentiel pour la politique étrangère iranienne.

De même, le Hezbollah est un allié important dans la diffusion de l’islam politique chiite notamment dans les pays frontaliers avec l’Arabie Saoudite. En effet, le « parti de Dieu », apporte aux rebelles Houthistes (organisation armée yéménite de confession chiite) un entrainement militaire ainsi qu’une fourniture d’armes dans leur lutte contre les pays membres de la coalition mise en place par Riyad et les forces loyalistes au président Hadi (Amelot 2015 ; Jacob et Varulkar 2018).

Perspective

Toute hausse de tension entre l’axe Riyad-Washington et Téhéran-Hezbollah pourrait accentuer la cohésion politique et sociale au Liban. En effet, il se peut que d’éventuelle sanction contre le « parti de Dieu », mené par l’axe Riyad-Washington, pourrait renforcer les tensions politiques au Liban surtout si le Premier ministre libanais apport un soutien public à cette prise de décision.