135 ans après la Conférence de Berlin qui avait donné le feu vert aux puissances occidentales pour dépecer l’Afrique en mille morceaux, l’Histoire se répète. Et les coïncidences sont assez troublantes. S’il y a une seule différence, elle réside dans le fait qu’en 2020, ce ne sera plus le morcellement de toute l’Afrique qui sera à l’ordre du jour, mais plutôt de celui d’un seul pays : la Libye.
En effet, après la Conférence de Berlin de 1884-1885 qui avait été à l’origine de la colonisation de l’Afrique et du pillage sauvage des richesses de ce continent par les puissances occidentales, l’indépendance avait été promise au continent noir. Dans les années 1960, plusieurs pays africains ont ainsi sauté de joie au moment de célébrer leur « indépendance ». Pauvre Afrique ! Ils n’ont jamais compris qu’il ne s’agissait que d’un leurre.
Le cas de la Libye est la preuve évidente que nous vivons sous l’ère du néocolonialisme. Et les faits qui se produisent sur le sol libyen quotidiennement le confirment. En effet, en 2011, l’Occident nous avait vendu l’idée qu’il fallait à tout prix se débarrasser du régime de Mouammar Kadhafi, ex homme fort de Tripoli tué sauvagement en pleine rue après une intervention militaire française. L’Occident avait profité d’une occasion en or pour mettre ce pays à genoux : la révolution arabe qui avait déjà fait fuir Ben Ali et Hosni Moubarak.
Il n’a pourtant suffi que qu’une dizaine d’années pour que la supercherie de l’Occident soit dévoilée au grand jour. Désormais, le déroulement des opérations en Libye prouve que l’idée de se débarrasser de Kadhafi n’était qu’un subterfuge utilisé par l’Occident non pas pour sauver le peuple libyen (comme ils nous le disaient) mais pour se partager l’énorme quantité de pétrole dont regorge ce pays.
Au début de cette analyse, j’ai parlé de coïncidence et je m’explique. En effet, dans la Conférence de Berlin de 1884-85, 14 puissances occidentales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie, Espagne, Portugal, France, Suède-Norvège, Belgique, Russie, Etats-Unis, Grande-Bretagne, l’Empire Ottoman (actuelle Turquie), Pays-Bas et le Danemark) s’étaient réunies en Allemagne afin de se partager un gâteau (Afrique) qui depuis n’a cessé de leur garantir leur survie économique.
Ces faits suivants nous en disent plus sur la situation actuelle.
1ère coïncidence : 135 ans après la Conférence de Berlin, une nouvelle Conférence de Berlin sera organisée à Berlin, encore une fois.
2ème coïncidence : si en 1884, ce fut le chancelier allemand Bismarck qui avait été à l’initiative de l’événement, en 2020 ce sera une chancelière allemande (Angela Merkel) qui décidera du sort d’un pays indépendant et qui, il faut bien le rappeler, a cessé d’être une colonie depuis 1947, un an avant l’indépendance d’Israël obtenu le 14 mai 1948.
3ème coïncidence : parmi les puissances étrangères convoquées à Berlin en 2020 pour décider du sort des Africains qu’il fallait « civiliser » (comme aimait à le dire Léopold II, le Roi belge), figure l’Empire Ottoman (actuelle Turquie). En effet, cette même Turquie, qui a annoncé il y a trois jours le déploiement de son armée en Libye contre le général Haftar, a été finalement été conviée à cette rencontre par la chancelière Merkel, comme nous l’a appris ce lundi 30 décembre le média libyen Libyan Observer.
Si les acteurs qui décideront du sort de la Libye vont changer (il est peu probable que les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, le Danemark… soient invités), la colonne vertébrale reste intacte. En effet, il est certain à 100% que la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis vont y prendre part. Et si de nouveaux acteurs se joindront à ces puissances occidentales, ce seront certainement les pays du Golfe qui tirent les ficelles depuis Doha et Riyad.
4ème coïncidence : comme ce fut le cas entre 1884-1885 où aucun représentant de l’Afrique n’avait été consulté sur des décisions prises concernant le destin de leur propre continent, 135 ans après, les mêmes qui avaient découpé l’Afrique de manière totalement arbitraire, créant des crises territoriales qui n’ont toujours pas quitté le continent noir, sont à nouveau prêts à apporter des « solutions » sans que le peuple libyen n’ait son mot à dire.
Après avoir provoqué la chute de Kadhafi, voici que l’Occident joue au pompier pyromane prétendant résoudre un conflit qu’il a lui-même déclenché avec la complicité des richissimes Etats du Golfe. 135 ans après la Conférence de Berlin qui a signé l’arrêt de mort de l’Afrique sur tous les plans (économique, politique, social), la même mascarade se poursuit et porte le même nom.
Le bourreau aurait pu pourtant, ne serait-ce que par respect aux Africains, changer le nom de l’événement et le baptiser « Conférence de l’Allemagne » afin de ne pas éveiller les vieux souvenirs qui ne cessent de blesser tout un continent, mais il se fiche éperdument des peuples colonisés qui, selon lui, doivent éternellement rester des sous-hommes assistés par l’Occident.
135 ans après, l’Histoire se répète. Les vainqueurs trinquent à Berlin loin des bombes, loin des tirs de mortiers et loin des attentats et des offensives militaires, tandis que les perdants vivent sous une peur existentielle et doivent se consoler de l’issue d’une Conférence qui, en aucun cas, ne prendra en compte leurs revendications quotidiennes et ne fera que renforcer la position de ceux qui ont déjà gagné la guerre de Libye sans jamais exposer leur peuple.
L’Afrique est, encore une fois, insultée.