Présidentielle 2019 au Sénégal : lettre ouverte aux cinq candidats (Par Ablaye Léona Diop)

(Une analyse de Ablaye Léona Diop, basé à Lyon)

Lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle de 2019 : le pays attend vos réponses concrètes aux défis auxquels il est confronté

«  Nous avons distingué, dans l’économie politique, une science de la nature et des causes de la richesse des nations, un art des moyens par lesquels une société donnée peut augmenter le plus possible son bien-être » L. Walras

A la veille de ce rendez-vous électoral dont l’issue impactera de manière significative et durable le destin de notre pays et face à la nature et au niveau du débat politique actuel, il nous est apparu nécessaire d’interpeller directement et sans filtre les cinq personnes qui ont pris l’engagement et la lourde responsabilité de briguer le poste de président de la République.

Loin de nous l’idée ou la volonté d’exposer, ici, toutes les nombreuses problématiques auxquelles font face les sénégalais dans leur vie de tous les jours mais il s’agit plus modestement d’apporter dans le débat public des interrogations sur les défis essentiels que devra relever ce pays  pour impulser une réelle dynamique de développement et de progrès après 59 ans de retard.

Qu’avons-nous fait de notre indépendance si difficilement acquise?

Quand la colonisation est la seule relation qui lie un État dominant à ses vassaux, on ne peut espérer une quelconque possibilité de développement ou de  progrès pour ces derniers. Le colonisateur peut mettre en place une administration d’une efficacité redoutable, implanter d’importantes  infrastructures voire un système éducatif de qualité mais  uniquement dans une logique d’exploitation pour accroître ses propres intérêts. Le seul mécanisme en jeu ici, du point de vue du colonisateur, est l’exploitation voire la spoliation pure et simple .

Dans ce contexte, il n’est nul besoin d’être un spécialiste en économie pour déterminer les raisons du sous-développement d’un pays colonisé comme le nôtre et nos compatriotes dirigeants ne peuvent être tenus pour responsables de cette situation durant cette époque.

Partant de ce fait, la question que nous devons nous poser, nous sénégalais, est la suivante : Nos pères et mères se sont battus pour nous arracher du joug colonial, mais 59 ans après, qu’avons-nous fait de cette indépendance si difficilement acquise ? Quel bilan peut-on établir ?

Devant cette question lourde, la plupart d’entre-nous pourrait, à tort ou à raison, céder à la trivialité de  désigner pour responsables les hommes et les femmes qui ont eu en charge la gouvernance du pays pendant ces 59 années mais une réponse de ce type serait profondément réductrice. En réalité, chaque sénégalais, a sa part de responsabilité dans la situation actuelle de ce pays même si celle d’un président de la république n’est pas du même ordre que celle d’un étudiant.

On pourrait rétorquer que, finalement, la situation du pays n’est pas si catastrophique qu’on veut nous le faire croire et en seulement 59 ans d’indépendance après des  siècles d’exploitation mercantile, il est difficile voire impossible de faire de ce pays un état moderne développé qui occupe une place dans le concert des nations les plus développées.

Mais avec  un peu de recul, on constate que ce postulat ne résiste pas longtemps à l’examen de la situation économique actuelle de plusieurs pays qui ont été colonisés et qui ne disposaient pas de plus d’avantages comparatifs au sens de Ricardo que le Sénégal au sortir des indépendances.

Singapour figure parmi les économies les plus développées et les plus prospères du  monde en ce début du XXI ème siècle. Avec le trio formé par Taïwan, la Corée du Sud et Hong Kong,  ils constituent les « quatre dragons » dont la folle histoire économique a fait l’objet de nombreuses recherches dans le monde entier.

Selon, les données de la Banque mondiale, cette cité-Etat, comme on l’appelle, totalise un PIB (Produit Intérieur Brut) de 324 milliards de dollars en  2017 pour une population de 5,6 millions d’habitants. Ce qui revient à un PIB par habitant de 58 000  dollars environ, soit 33 millions de FCFA si l’on veut ramener ces chiffres à la réalité de notre pays. En macro-économie, le PIB (Produit Intérieur Brut) mesure la valeur de tous les biens et services produits dans un pays sur une année. A lui seul, il n’est pas suffisant pour mesurer le niveau de bien-être d’une population donnée mais sa variation peut être révélatrice de l’état de santé économique d’un pays.

Sur le classement de 2018 des pays par ordre de PIB par habitant, Singapour occupe la 12 ème place devant les pays bas et le Canada.  A titre comparatif, le Sénégal comptabilise un PIB annuel de 21 milliard de dollars, soit 15 fois moins que Singapour, avec un PIB par habitant de 1325 dollars, 762 000 F CFA en monnaie nationale. Tout se passe comme si, grossièrement, chaque sénégalais apportait  762 000 F CFA à la production nationale de richesse du pays. Les statisticiens ont l’habitude de dire que la moyenne sans écart-type ne veut pas nécessairement dire grand chose mais Spinoza pourrait leur rétorquer que «  toute l’idée de la mer est dans une goutte d’eau ». En effet, un PIB par habitant de 762 000 F CFA ne nous donne pas la répartition exacte des richesses produites dans le pays mais il peut nous renseigner sur l’efficacité économique du pays comparé aux autres nations du monde.

Cette formidable réussite économique de cette cité – État dont la population n’atteint même pas les 6 millions d’habitants pourrait être assimilée à celle des pays occidentaux qui ont réellement impulsé leur dynamique de développement au XVIII ème siècle mais un examen de l’histoire récente de Singapour montre qu’il n’existe aucune origine comparative avec ces pays occidentaux.

En 1960, au moment où le Sénégal acquérait son indépendance, Singapour n’était qu’une petite bourgade britannique dont le PIB atteint à peine 700 millions de dollars (30 fois moins que le PIB sénégalais actuel). Ce pays qui figurait dans la liste des pays pauvres du tiers monde au moment de son indépendance en 1965 après sa séparation avec la Malaisie a su enclencher un mécanisme économique lui permettant d’assurer un taux de croissance soutenu de 10% sur plusieurs années et à dépasser ainsi des pays comme la France en termes de PIB par habitant.

On peut donc avec des exemples précis, démontrer que, l’état actuel de notre pays ne peut pas être  uniquement dû à son passé colonial et que les causes racines du frein au développement sont à chercher en priorité dans la gestion politique et économique du pays par ses propres fils. S. Sam Mbaye, un des plus grands penseurs sénégalais, imputait une partie de ces difficultés à « l’exercice de décolonisation » qui, selon lui, n’a jamais été menée à son terme au lendemain des indépendances. Cheikh Anta Diop avait aussi alerté sur les pièges de la décolonisation.

Le constat actuel est sans appel : nos parents se sont battus pour une indépendance et nous n’avons pas été à la hauteur de leur sacrifice.

Les économistes ont démontré que le développement économique s’appuie nécessairement sur un État fort qui dispose d’institutions correctement administrées. En effet, pour qu’un pays puisse se développer, il n’ y a pas besoin de grandes théories,  il lui faut du capital financier, des ressources humaines et des institutions efficaces. Hors, la plupart de ces facteurs dépendent de l’État. L’économiste britannique Paul Collier, que nous avons eu la chance de connaître comme professeur, décrit cette spirale des pays pauvres ainsi «  Un État faible empêche le développement économique, et en retour la pauvreté bride l’émergence d’un État fort ». Par ailleurs, Esther Duflot et Abhijit Banerjee montrent dans leur livre Repenser la pauvreté que ce qui manque cruellement aux habitants des pays pauvres c’est un État et des institutions qui les aident «  à prendre les bonnes décisions ».

Force est de constater qu’aucun des gouvernements libres qui ont eu à diriger ce pays n’a su mettre en place un État en capacité de relever ces défis politico-économiques. L’une des questions les plus fondamentales auxquelles devraient répondre les candidats à l’élection présidentielle est relative au mode de gouvernance, quel système et institutions comptent-ils mettre en place pour sortir le pays de ce piège infernal ?  Quelles réformes et surtout quel ordre de priorité ?

L’éducation, un socle pour le développement économique ?

 Pour défendre sa politique en matière d’éducation, on raconte qu’Abraham Lincoln affirmait que si ses détracteurs trouvaient que « l’éducation coûte cher , ils n’ont qu’à essayer l’ignorance ». On peut aujourd’hui constater que le tribunal de l’histoire lui a donné raison. En effet, l’histoire du monde moderne ne connaît pas de pays qui est passé d’un état de pauvreté à un état de développement économique sans une éducation massive de sa population. L’exemple le plus proche est celui des quatre dragons d’Asie. Ces pays qui ont été pour la plupart pauvres avec des taux d’éducation très faibles (52% de taux d’alphabétisation pour Singapour en 1957 selon le National Archives of Singapore) dans les années 60 disposent aujourd’hui des meilleurs systèmes éducatifs au monde. Le taux moyen d’alphabétisation avoisine les 96% dans ces pays, à comparer avec le taux de 52% d’alphabétisation des adultes pour le Sénégal (données de la banque mondiale de 2017).

Ce résultat extraordinaire est obtenu grâce à la mise en place d’une politique éducative progressive. A la veille de son indépendance, Singapour a mis en œuvre le premier plan d’action marquant une nette rupture, le « Five-Year Plan »  entre 1961 et 1965 avec comme priorité la mise à disposition d’une école primaire universelle et gratuite à toute sa population. En 1965, 59% du budget de l’éducation est allouée aux études de niveau primaire. L’axe majeur de ce plan d’action est le renforcement des études en mathématique, science et technique. C’est le socle qui a permis à ce pays d’obtenir un des meilleurs systèmes éducatifs au monde.

Dans l’équation complexe du développement économique à laquelle notre pays est confronté et que les candidats à l’élection présidentielle devront résoudre, l’éducation ne pourra jamais être la variable d’ajustement.  Au contraire, elle constitue le fondement sur lequel devra reposer toute stratégie de développement crédible.

En effet, le lien entre éducation et développement économique est simple à établir. Nous avons indiqué précédemment que pour développer un pays il faut du capital financier, des ressources humaines et des institutions efficaces pour organiser l’activité économique. Les ressources humaines sont d’une importance capitale dans ce triptyque et l’éducation est le moteur du développement et de la qualité de ces ressources. Plus la population d’un pays dispose d’une éducation de qualité, plus ses ressources humaines c’est-à-dire les hommes et femmes qui vivent et travaillent dans ce pays ont une productivité élevée. En économie et de manière simplifiée, la productivité  d’un travailleur mesure sa capacité de production de biens ou de service. Ainsi plus un travailleur est qualifié dans son métier, plus sa productivité augmente.

Prenons l’exemple d’un jeune cordonnier de Ngây qui produit habituellement 5 paires de chaussures par jour. Après une formation dans un centre professionnel de cordonnerie, il parvient à en fabriquer 7 par jour. On dit que sa productivité a augmenté de 2 paires de chaussures par jour.

On pourrait ainsi résumer la principale équation économique du pays que devra essayer de résoudre tout candidat à l’élection présidentielle : augmenter la productivité globale des sénégalais.

Au delà du rôle que devra jouer l’éducation dans la stratégie de développement économique du pays, le modèle même de société que nous voulons bâtir devra s’appuyer sur notre système éducatif. Dans son long dialogue avec Adimante et Glaucon dans la République de Platon sur le processus d’implantation d’une citée véritable et juste, Socrate met en exergue les effets d’un programme éducatif totalement exporté. Il expose la question en ces termes : «  Ne trouves-tu pas que c’est une honte et l’indice sérieux d’un manque d’éducation que de se trouver contraint de recourir à une justice empruntée à d’autres, qu’on regarde comme des maîtres et des arbitres, en raison de l’impossibilité d’en trouver chez soi ». Et il ajoute « qu’en toute tâche, la chose la plus importante est le commencement et en particulier pour tout ce qui est jeune. C’est en effet principalement durant cette période que le jeune se façonne». Un grand sage sénégalais l’exprime autrement : « Éduquer un enfant c’est comme graver sur du marbre alors qu’éduquer un homme âgé revient à écrire sur de l’eau ».

Le type de sénégalais que nous souhaitons façonner devra naître de nos écoles à condition que celles-ci soient à l’image de notre identité culturelle et religieuse. Cheikh Anta Diop l’exprime ainsi : « Il n’y a qu’un seul salut, c’est la connaissance directe, et aucune paresse ne pourra nous dispenser de cet effort. Il faudra absolument acquérir la connaissance directe … et arracher notre patrimoine culturel».

Notre système éducatif actuel est hérité de la période coloniale. Aucune réforme de profondeur n’a été menée depuis cette période. L’analyse du programme élémentaire et secondaire suffit pour s’apercevoir qu’il ne reflète en aucune manière la richesse historique et culturelle de ce pays. L’histoire et la vie  de nos grands poètes et philosophes ne sont pas enseignée à travers ces programmes alors que l’histoire d’autres pays ou d’autres penseurs constitue une grande partie de ces programmes. Or l’être humain a besoin de connaître son histoire pour pouvoir vivre sereinement son présent et préparer efficacement son avenir. Un arbre a besoin de ses racines pour pouvoir développer ses branches vers le ciel. Le diagnostic de la situation montre que nous avons besoin de modifier en profondeur ce système si nous comptons figurer parmi les nations qui disposeront d’un poids politico-économique en ce XXI ème siècle.

Tous les sénégalais qui ont effectué leurs études supérieures à l’étranger après l’obtention de leur baccalauréat au pays comprennent que le système élémentaire et secondaire dispense des enseignements théoriques solides en mathématique et sciences humaines mais regorgent de beaucoup de lacunes sur la formation technique. Le manque criard de moyens pédagogiques est l’une des causes les plus importantes. Ce système a donc besoin d’ouverture et d’orientation vers les enseignements techniques et professionnelles comme le pratiquent la quasi-totalité des pays développées. En effet, une stratégie de développement ne peut aboutir que s’il s’appuie sur 2 orientations majeures que sont l’industrialisation et l’urbanisation. L’industrie a d’abord besoin de techniciens pour exister.

Le second handicap du système éducatif sénégalais peut se mesurer par le taux de réussite et d’insertion professionnelle des étudiants dans les études supérieures. Notre éducation supérieure publique est tellement génératrice de désespoir que la plupart des bacheliers ne dispose que de deux alternatives : partir étudier dans les universités européennes et américaines ou s’inscrire en école privée.  Dans un pays où le revenu moyen mensuel par habitant est de 45 260 F CFA , ces 2 options ne sont atteignables que pour une infime partie des familles sénégalaises.

Les seules réalisations des gouvernements successifs se limitent à une augmentation du nombre d’écoles existantes et un recrutement de personnel enseignant mais aucun de ces gouvernements n’a eu le courage politique de s’attaquer aux causes racines de la crise de l’éducation que vit le pays.

L’analyse des propositions des candidats sur ce domaine montre qu’une grande partie n’est pas à la hauteur de la problématique.

L’urgence pour la prochaine équipe qui devra gouverner ce pays est de résoudre cette crise du niveau supérieur de sorte que la république puisse offrir à tous ses fils une éducation publique de qualité en phase avec les réalités socio-économiques que traverse le monde et dans un second temps une réflexion en profondeur devra être menée pour bâtir un système qui reflète notre identité culturelle et religieuse.

Le peuple sénégalais est en droit d’attendre des  propositions de fond sur ce domaine prioritaire.

Et notre approvisionnement et production énergétique ?

Dans notre combat qui devra nous sortir de l’état de sous-développement, on peut considérer que la maîtrise de notre approvisionnement énergétique est de loin l’un des facteurs les plus importants. En effet, aucun projet de développement solide ne peut se concrétiser sans une offre énergétique maîtrisée qui couvre  tous les spectres de la demande industrielle. Et une industrie prospère consomme beaucoup d’énergie dans ses activités.

Tous les sénégalais savent que nos centrales de production électrique ne sont pas en mesure de satisfaire la demande de consommation des habitants. Les délestages répétitifs sont les symptômes les plus visibles de ce déficit de production. Et nul besoin de parler des besoins électriques du secteur industriel.

Pour donner un ordre de grandeur sur cette insuffisance de nos capacités de production, on pourrait comparer la capacité électrique installée rapportée au nombre d’habitants du pays à celles des pays industrialisés. Les plus récentes estimations fiables du Sénégal du U.S. Energy Information Administration s’élève à 1 000 MW de capacité électrique installée. On en déduit une capacité de 66 W par habitant à comparer aux 2 524 W par habitant de l’Allemagne ou aux 1 985 W par habitant pour un pays comme la France. Les énergies renouvelables occupent une part très limitée de ces moyens de production, 10% environ.

Quand la question énergétique fait l’actualité des médias, nos dirigeants ont tendance à mettre en avant la stratégie du mix énergétique comme modèle qui doit permettre de couvrir l’ensemble des besoins du pays. Or,  les pays leaders du domaine ont déjà dépassé cette approche réductrice qui a longtemps été utilisée  pour justifier des politiques énergétiques de moins en moins acceptées par les populations des pays concernés. L’argument d’une indépendance énergétique est souvent avancé pour conforter ce choix mais pour  un pays comme le Sénégal, la stratégie d’un mix équilibré n’a aucun sens compte tenu de la situation actuelle du pays. Notre géographie devrait permettre d’orienter la politique énergétique du pays vers une production basée essentiellement sur les ENR (énergies renouvelables) avec une priorité pour le solaire et l’éolien. Cette stratégie ne s’oppose pas au maintien et à la construction de centrales thermiques conventionnelles. Pour pallier à l’intermittence des ENR, le pays aura besoin de ces centrales thermiques lors des pics de consommation. Une stratégie de production orientée vers les énergies renouvelables ne peut réussir que si elle est accompagnée d’une politique de décentralisation de la production électrique. Il faut encourager les citoyens à produire leur propre électricité avec un appui de l’État sur le financement des projets d’auto-production. Par ailleurs ; le modèle actuel de notre entreprise nationale d’électricité, qui couvre la Production, le Transport et la Distribution d’électricité nécessitera des réformes structurelles.  L’expérience des pays développés montre que ce modèle est générateur de nombreux dysfonctionnements et de manque d’efficacité.

Les récentes découvertes de gisements de gaz dans le pays pourraient être un atout d’une extrême importance pour le développement du pays à condition que les citoyens disposent de l’expertise technique nécessaire à son exploitation et que les bénéfices soient correctement investies dans l’intérêt de tous les sénégalais. Si la redistribution de ces revenus sensibles n’est pas équitable, l’or liquide ou gazeux qui était source d’espoir peut rapidement devenir source de conflits. Le cas actuel de déstabilisation politique et économique du  Venezuela dont la capacité de production d’hydrocarbures dépasse celle de la plupart des pays du Golfe peut servir d’exemple.

Dans le monde du XXI ème siècle, l’électricité et l’énergie de manière plus générale, sont indispensables au développement économique et à tout progrès social et il est du devoir des candidats à l’élection de nous proposer un plan d’action à la hauteur des enjeux évoqués.

Qu’en est-il de l’agriculture, l’entrepreneuriat et l’ouverture au marché mondial ?

Selon l’agence de presse africaine et l’agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), le montant des importations de riz du Sénégal s’élève à 19,400 milliards de FCFA en février 2018, soit une hausse de 22% par rapport à l’année précédente.

Le domaine rizicole peut illustrer à lui seul l’absurdité de notre politique agricole. En effet, le pays dispose de terres exploitables suffisantes et de main d’œuvre pour satisfaire la demande de riz des sénégalais. Avec un taux de chômage de 16% , ce n’est pas la main d’œuvre qui fait défaut. Dans une logique économique classique, l’augmentation de la demande de riz aurait entraîner,  à court terme, une élévation des prix avec comme conséquence une incitation des producteurs et des investisseurs à accroître le niveau de production pour retrouver un nouveau équilibre du marché où l’offre égalise la demande mais on peut remarquer que rien de tout cela ne s’est produit. Le gap a été artificiellement comblée  par une importation massive de riz au détriment de l’intérêt économique du pays.

Si nous souhaitons inciter nos jeunes à s’orienter vers l’agriculture ou l’agro-business , nous devons moderniser les moyens de production agricole et les accompagner sur le volet du financement de ces projets. Dans une approche macro-économique, ces projets sont viables car la demande ne cesse d’augmenter et au delà du marché national, notre agriculture devra s’ouvrir au marché international. Mais pour y arriver, dans un contexte de concurrence commerciale féroce, il faut bâtir une stratégie solide et arrêter de livrer nos producteurs à la concurrence déloyale que se livrent les acteurs du marché mondial.

La réussite des quatre dragons asiatiques a fait l’objet de nombreuses études avec comme fil conducteur la détermination des causes racines qui ont permis cette ascension fulgurante qui a défié tous les pronostics. Dans les années 60, l’économiste suédois Gunnar Myrdal, lauréat du prix Nobel, parlait de «  handicaps culturels » aux antipodes de la culture « matérialiste » nécessaire pour soutenir une croissance économique.

Les 3  facteurs les plus déterminants de ce développement économique sont l’éducation, l’épargne et l’ouverture au marché mondial. Tous ces facteurs ont besoin d’une action décisive de l’État pour produire des résultats à la hauteur du défi auquel nous faisons face.

L’esprit entrepreneurial est à développer chez nos étudiants en école de commerce et d’ingénieur mais aussi en université. La croissance du marché des services qui se déplace de plus en plus vers les pays non développés peut servir de catalyseur à cette orientation stratégique. Le climat de confiance et de stabilité nécessaire au développement de l’entrepreneuriat n’est pas encore satisfaisant et il faudrait un réel changement de paradigme pour éradiquer ce handicap.

Bref, c’est dans l’entrepreneuriat et l’ouverture au marché que les citoyens ont plus besoin d’un État fiable organisateur et garant du maintien des facteurs de réussite.

Depuis son indépendance en 1960, notre pays n’a pas encore relevé son défi majeur de sortir ses fils de la situation de pauvreté et de dépendance qu’ils vivent. Les orientations stratégiques que prendront le prochain président de ce pays seront déterminantes face à ce défi.

Ablaye Diop Léona, Lyon

émail : ablayeleona@gmail.com