La grosse arnaque du siècle. Les médias africains et occidentaux ont été très nombreux à jubiler à la suite de la rencontre très chaleureuse entre Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ce samedi en Côte d’Ivoire. Les deux chefs de l’Etat ont en effet annoncé une décision historique : la fin du FCFA, une monnaie imposée aux colonies françaises et dont le nom d’origine était déjà très révélateur : Colonie Française d’Afrique.
Lors de cette rencontre qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire en marge de la visite du président français rendue aux soldats français su le sol africain, un seul sujet (le FCFA) tenait en haleine la jeunesse africaine vivant dans les colonies françaises et qui n’a cessé, ces dernières années, d’exiger la fin de la tutelle française dans leurs pays respectifs.
Dans cette rencontre, le président Ouattara a annoncé des réformes en profondeur dans les relations économiques entre l’Afrique francophone et la France : le changement du nom du CFA qui s’appellera en 2020, ECO ; l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change des pays de la zone CFA au trésor français et la fermeture du compte d’opération et enfin le retrait des représentants de la France de tous les organes de décisions et de gestion de l’UEMOA.
Le président ivoirien justifie ces réformes par la nécessité de « construire le futur de l’Afrique de manière responsable afin d’attirer les investissements privés, de créer des emplois et de poursuivre le développement économique de nos pays ». Mais, plus loin, Ouattara se tire une balle dans le pays en annonçant que les présidents des pays de l’UEMOA ont accepté de maintenir la parité fixe de la nouvelle monnaie, ECO, avec l’euro.
Si symbolique soit-elle, cette rencontre qui a fait couler beaucoup d’encre, ces dernières heures, a été un traquenard aux Africains. En effet, les pays de l’UEMOA sont encore tombés dans le piège d’une France qui n’est pas prête à abandonner le contrôle du FCFA, surtout en période de crise économico-sociale en Hexagone. Je rappelle que le CFA rapporte gros à la France et renfloue les caisses d’un Etat en crise. D’ailleurs, certains spécialistes disent même que cette monnaie coloniale rapporte à la France 440 milliards d’euros chaque année (chiffre à vérifier).
Les dirigeants africains, du moins ceux qui gouvernent dans des zones où le FCFA est encore utilisé, ont poignardé leurs propres peuples dans le dos. Ils n’ont absolument pas mis fin au CFA comme ils le disent. Le nom a certes changé. Mais, au fond, le mécanisme reste intact. A l’instar du FCFA, la nouvelle monnaie, ECO, sera, elle aussi, arrimée à l’euro.
Ce qu’il faut savoir est que le FCFA, arrimé à l’euro, a certes ses avantages, mais aussi ses inconvénients. En s’adressant aux Africains, la France ne souligne que la stabilité dont bénéficie un CFA arrimé à l’euro. Mais, les inconvénients sont très rarement évoqués. La réalité est celle-ci : avec la politique de la parité fixe, les pays de la zone CFA n’ont pas la possibilité de dévaluer cette monnaie et le CFA facilite les investissements des entreprises étrangères et les importations mais pénalisent sérieusement les exportations des pays qui utilisent cette monnaie.
En conséquence, la fin du CFA dont les médias se sont fait l’écho n’aurait été une réalité que si la France avait accepté de mettre fin à la parité fixe car c’est là que se trouve le point névralgique. Les peuples d’Afrique qui utilisent cette monnaie qui les maintient dans un esclavage économique n’ont rien à foutre du changement de nom tant salué par les dirigeants africains. Et le fait que des dirigeants français se retirent des organes de décisions et de gestion de l’UEMOA est le cadet de leurs soucis. Pour comprendre cette grosse farce, il convient de lire l’excellent article du média The Financial Times dont le titre explique tout : « la France assouplit la supervision de la devise ‘coloniale’ africaine ».
Il convient de souligner que, contrairement à ce que dit le président ivoirien, le seul pays qui profite de cette nouvelle réforme est la France car 15 pays africain (Le Bénin, Le Burkina Faso, Le Cap-Vert, La Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Liberia, le Mali, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra-Leone et le Togo) utiliseront l’ECO.
La réalité est qu’il y a dans ce groupe des pays très pauvres (Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Liberia) qui vont tirer profit de cette réforme, pendant que des pays avancés tels que le Nigeria, très riche en pétrole et pressenti pour devenir la future puissance économique africaine, risque d’y laisser ses plumes.
En effet, le Nigeria, ce grand pays africain, malgré un taux de corruption record, avait déjà sa propre monnaie et n’avait aucun intérêt à intégrer une zone économique dont les profits iront dormir dans les caisses de la banque de France. Jusqu’à preuve du contraire, je ne crois pas en la participation du Nigeria dans cette farce. Mais, on verra bien.
L’annonce de cette nouvelle monnaie par Alassane Ouattara servait à calmer une jeunesse africaine qui n’a cessé de pointer du doigt le pillage de l’économie des pays africains de la zone CFA par la France qui n’a toujours pas mis fin à sa politique économique coloniale dans cette partie de l’Afrique.
Nonobstant, l’échec est cuisant. Tous ceux qui ont écouté le discours du président ivoirien savent qu’il y a anguille sous roche. D’ailleurs, la vitesse avec laquelle les dirigeants africains veulent mettre en place cette réforme sans que leurs administrés n’en soient davantage informés et le seul fait que le gouvernement français, par le truchement de son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ait salué ce changement est la preuve évidente que l’Afrique s’est fait avoir. La France a encore gagné et l’Afrique a encore perdu.