On reprochera à Emmanuel Macron son manque d’expérience politique et probablement sa méconnaissance des réalités politiques de la France. Cependant, nul ne pourra lui reprocher sa décision de limoger Ségolène Royal, ex candidate du PS à la présidentielle de 2007 et nommée en 2017 ambassadrice des pôles par Emmanuel Macron.
Que n’a-t-elle pas fait pour rejoindre Emmanuel Macron ? Tout ! Sauf peut-être s’agenouiller devant le plus jeune président de la Vème République. Il suffit de se rappeler ses déclarations d’amour faites à Macron dont celle-ci (prononcée en janvier 2017) avant l’arrivée de Macron au pouvoir : « Macron est victime de la jalousie entre mecs parce qu’il est brillant, jeune, beau, les autres le jalousent », confiait Ségolène Royal.
Je me souviens aussi de ses propos tenus en 2018 dans lesquels elle défendait l’immixtion des lobbys dans le gouvernement d’Emmanuel Macron. « Ils sont légitimes les lobbys dans une société. Qu’est-ce qu’un lobby ? Un lobby, c’est un groupe de pression qui défend ses intérêts privés. Qu’est-ce que la politique ? La politique, c’est justement essayer d’identifier les intérêts privés (…), mais d’en dégager l’intérêt général », disait-elle.
Lorsqu’elle a été nommée en 2017 au poste d’ambassadrice des pôles, Ségolène Royal savait déjà en quoi consistait sa mission sur l’épineuse question de l’écologie dont la gestion par l’actuel gouvernement fait grincer des dents. Sauf que tout porte à croire que Ségolène Royal prend les Français pour des andouilles. En effet, en pleine crise sociale, au moment où le gouvernement est de plus en plus isolé, elle met en place une manœuvre qui ne pouvait en aucun cas prospérer : vivre du gouvernement tout en lui crachant dessus.
Entre 2017, date de sa nomination a été officialisée et maintenant, beaucoup d’événements se sont produits et son chouchou Macron semble avoir perdu le contrôle d’une crise politique qui le dépasse. Ségolène Royal a parfaitement compris cela et veut jouer sur tous les tableaux. Elle veut être à la fois avec le peuple et avec l’ennemi du peuple.
Sa situation est d’autant plus compliquée que la crise des Gilets Jaunes, la plus grave crise depuis mai 68, est en lien avec l’écologie, car les premières manifestations contre le gouvernement qui s’étaient très vite transformées en guérillas urbaines avaient été provoquées par la taxe carbone que beaucoup de Français perçoivent comme une arnaque pour remplir les caisses de l’Etat.
Entre-temps, la politique écologique de Macron a du plomb dans l’aile d’autant plus que l’homme fort de la question écologique, Nicolas Hulot, a claqué la porte en août 2018 dénonçant, peu après son départ, « des objectifs contradictoires et incompatibles » sur la question. Il faut aussi rappeler que Mathieu Orphelin, ex député En Marche, avait démissionné de son poste dénonçant à son tour « un échec collectif ».
Finalement, Ségolène Royal s’est sentie toute seule (et quelque peu ridicule) d’occuper un poste d’ambassadrice sur une question sur laquelle l’échec du gouvernement est cuisant. Alors, pour ne pas s’attirer la colère des Français, elle a voulu prendre ses distances avec l’Exécutif. Sauf que Macron est son patron et qu’elle est soumise, tant qu’elle travaille pour lui, au devoir de réserve.
A ce propos, le rappel à l’ordre d’Elisabeth Borne est tout à fait cohérent. « Je pense que Ségolène Royal va devoir faire un choix : soit elle veut rester ambassadrice, et évidemment il y a un devoir de réserve, soit elle veut avoir la liberté de parole (…) et dans ce cas, il faut qu’elle ne soit plus ambassadrice soumise à une obligatoire de réserve », réagissait la ministre de la Transition écologique sur BFMTV.
Je voue un immense respect aux hommes de principe qui, quitte à mettre leur propre emploi en péril, n’hésite pas à cracher la vérité quand il le faut. Et Ségolène mérite tout mon respect. Sauf que la politique ne fonctionne plus ainsi et Macron, face à une crise sociale d’une telle ampleur, ne peut plus se permettre de rémunérer un employé qui casse du sucre sur son dos. Et les différentes réactions de Ségolène Royal sur la politique de Macron, ces derniers mois, sonnent comme une déclaration de guerre adressée à l’Exécutif.
En effet, sur les crises sociales qui secouent la France, Ségolène Royal répondait sans gêne le 5 novembre 2019 sur le plateau de France 2 : « nous sommes là face à des événements qui sont dangereux pour le pays. L’intérêt de la France aujourd’hui, c’est qu’une réponse soit apportée à l’angoisse, aux inquiétudes des Français qui voient une accumulation de réformes sans cohérence globale ».
Ce 2 décembre, réagissant à la réforme des retraites, elle disait ceci sur Europe 1 : « en partie, il est profondément injuste. J’appelle au pragmatisme, j’appelle à suspendre cette réforme pour l’améliorer ». Le 19 décembre, sur le plateau de France Info, elle critique vigoureusement le gouvernement sur la réforme des retraites. « Les femmes n’ont aucune raison de faire confiance à ce gouvernement (…) parce que quand on nous dit même que le point sera garanti, il n’y a aucune raison de croire le gouvernement puisque quand il est arrivé, qu’est-ce qu’il a fait le gouvernement ? Il a désindexé les retraites. Vous vous rendez compte » et le 30 décembre, sur le plateau de LCI, elle accuse le gouvernement de « fonctionner par la peur ».
Autant de raisons pour se faire virer par Macron qui, cette fois-ci, n’a pas tout à fait tort. Ségolène Royal jouera la vierge effarouchée en apprenant son limogeage qu’elle a elle-même provoqué. Toutefois, la réalité est qu’elle doit apprendre à comprendre comment fonctionne un gouvernement.
Elle a, en tant que Française, tous les droits du monde de critiquer la politique d’Emmanuel Macron, la question ne se pose pas. Cependant, cela aurait été plus honnête et plus cohérent qu’elle le fasse depuis l’opposition. Elle a voulu avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière par-dessus le marché. Non, Ségo, ça ne marche comme ça !